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chap. 7.
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ENGRAISSEMENT DES BESTIAUX.


lemagne et de l’Angleterre. — On ne connaît pas très-bien la manière d’agir de la castration ; toujours est-il vrai qu’elle favorise singulièrement l’accumulation de la graisse dans le tissu cellulaire. Mais ce but s’obtient difficilement lorsqu’on châtre tard et incomplètement : c’est pour cela que les taureaux et les béliers que l’on châtre par bistournage conservent encore parfois une partie des attributs de leur sexe, et prennent plus difficilement la graisse que ceux auxquels on a enlevé tout à fait les testicules. — Ce dernier moyen doit donc être employé de préférence à l’égard des animaux qui sont spécialement destinés à la boucherie ; encore faut-il qu’il se soit écoulé, entre l’époque de l’opération et celle de l’engraissement, assez de temps pour que l’animal ait été entièrement modifié dans sa nature.

Lorsqu’on veut engraisser une vieille vache, il est avantageux qu’elle soit pleine ; mais il faut qu’elle soit grasse trois mois avant l’époque où elle devrait mettre bas, et la tuer alors.

[7.4.6]

§ VI. — Alimens propres à l’engraissement.

Les hommes repoussent presque partout la chair des animaux uniquement carnivores, et le cochon est le seul des quadrupèdes omnivores qui se mange en Europe. C’est donc presque exclusivement avec de l’herbe, des racines et des graines que l’on engraisse en France les animaux destinés à la consommation. Je dis en France, parce qu’il paraît qu’en Norwége et dans quelques autres lieux du Nord, on engraisse quelquefois les bœufs avec des poissons de mer, ce qui ne doit pas rendre leur chair fort agréable au goût et leur suif bien solide.

Les engraisseurs de Normandie divisent leurs enclos en cinq parties, dans lesquelles ils mettent successivement leurs animaux pendant l’été, parce qu’ils ont reconnu que cette division était celle qui favorisait le plus la repousse de l’herbe. — Les pâturages élevés donnent moins d’herbe, mais une herbe plus propre à l’engrais que les prés bas ou trop ombragés ; de plus, la chair des animaux qui y sont engraissés est plus savoureuse. L’engraissement artificiel, c’est-à-dire à l’étable avec des fourrages secs, des racines et des graines, est désigné sous le nom d’engrais de pouture. Dans cette méthode, on commence toujours par des herbes fraîches, des feuilles de choux, des raves qui rafraîchissent et même affaiblissent les animaux ; ensuite on leur donne du foin de bonne qualité, et non des foins de relais, de regain et de bas prés, comme on le fait trop souvent ; on entremêle cette nourriture de panais, de carottes, de pommes de terre, de topinambours, etc. ; puis en dernier lieu de farine d’orge, d’avoine, de sarrasin, de fèves de marais, de pois gris, de vesce, etc. Quelquefois, au lieu de faire moudre ces grains, on les fait bouillir.

En Angleterre, c’est principalement avec des turneps qu’on engraisse les bœufs en hiver. Ils les mangent en plein air et sans être attachés, soit dans des cours, soit dans des parcs établis sur les chaumes. Lorsque l’engrais de ces bœufs n’est pas terminé à l’époque où la provision des turneps est épuisée, on le finit en les mettant dans des prairies artificielles de ray-grass (ivraie vivace), plante éminemment engraissante d’après l’opinion des cultivateurs de ce pays.

Dans quelques lieux, on engraisse avec de la graine de lin, des marcs de bière, des châtaignes, des glands, des tourteaux huileux, etc. Ces tourteaux donnés en quantité suffisante engraissent, il est vrai, assez promptement les animaux ; mais ils donnent souvent à la chair une saveur désagréable, et à la graisse peu de blancheur et de consistance, ce qui force à leur substituer une autre nourriture vers la fin de l’engraissement ; il suffit de quinze jours à trois semaines pour faire disparaître ce goût. Les tourteaux huileux sont formés d’un parenchyme, de beaucoup de mucilage et d’un peu d’huile ; ils ne sont pas tous également nourrissans ; ceux de lin possèdent le plus de qualités nutritives, et ceux de chènevis sont les plus mauvais.

On a essayé d’utiliser à l’engraissement des bestiaux le gluten qui forme le résidu de la fabrication de l’amidon de froment ; mais, bien que cette substance soit essentiellement nutritive, que ce soit à sa présence que les farines doivent une grande partie de leurs propriétés alimentaires, il n’en est pas moins vrai que seule elle forme une très-mauvaise nourriture qui dégoûte bientôt les animaux et les rend malades. — On a utilisé avec beaucoup plus de succès, pour la même opération, les mélasses qui résultent de la fabrication du sucre de betteraves ; on mêle ces mélasses avec le marc qui, sans cela, serait peu appelé par les bestiaux que l’on en nourrit. — Nous examinerons bientôt plus au long ces différentes méthodes.

On a remarqué que les graines germées engraissaient plus rapidement les animaux qui en étaient nourris que celles qui étaient données dans leur état naturel. On comprendra facilement ce fait, lorsqu’on saura que dans l’acte de la germination certains principes insolubles et peu utiles à l’alimentation disparaissent en grande partie, et sont remplacés par d’autres principes essentiellement nutritifs. L’analyse comparative de l’orge crue et de l’orge germée, analyse que nous devons à Proust, servira de preuve à cette proposition. Voici les résultats qui ont été obtenus par le chimiste que je viens de citer.

Orge crue sur 100 parties.
Gomme 
4
Sucre 
5
Gluten 
3
Amidon 
32
Résine 
1
Hordéine 
55
  ———
  100
 
Orge germée sur 100 parties.
Gomme 
15
Sucre 
15
Gluten 
1
Amidon 
56
Résine 
1
Hordéine 
12
  ———
  100

On voit par les tableaux qui précèdent que dans l’acte de la germination l’hordéine, principe peu nutritif, a été réduit de 55/100 à 12/100, et que la gomme, le sucre et l’amidon ont augmenté, le premier de ces principes de 11/100, le second de 10/100 et le troisième de 24/100. — Si l’on n’arrêtait pas la fermentation en temps convenable, tout le principe sucré se transformerait en alcool (esprit-de-vin).