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que l’on est également obligé de prodiguer aux produits qui en résultent, si l’on ne veut pas les voir dégénérer promptement. Les résultats des croisemens opérés avec cette race en France et en Allemagne, résultats qui l’ont fait définitivement rejeter par la plupart des hippiatres les plus distingués de ce dernier pays, et notamment par le célèbre de Burgsdorf[1], confirment suffisamment cette opinion.

[7.2.6]

§ VI. — Amélioration d’une race par elle-même.

La possibilité de changer et d’améliorer une race sans croisemens repose, en partie, sur la différence qui existe, même dans les races les plus constantes, les plus uniformes, entre les divers individus qui en font partie ; et ensuite sur l’influence très-grande qu’exercent la nourriture, les soins, le genre de vie, l’emploi, sur les formes, la taille, les dispositions, et en général sur les caractères des animaux domestiques.

Il n’est point, par exemple, de troupeau de vaches dans lequel on ne remarque quelques bêtes meilleures laitières que les autres, ou se tenant toujours en bonne chair, tandis que les autres restent maigres. Dans tous les troupeaux de bêtes ovines, il est également quelques individus ayant une plus belle laine, ou plus de dispositions à l’engraissemenl que le reste du troupeau, etc. ; que les individus mâles et femelles qui présentent ces particularités soient accouplés ensemble, de même que leurs descendans, et que la nourriture, le traitement, les soins, l’emploi soient dirigés de manière à favoriser encore ces caractères, et au bout de quelques générations on aura créé une souche à part, qui, dans un temps plus ou moins long, finira par devenir une race distincte ayant des caractères bien tranchés et constans.

La plupart des races les plus distinguées d’animaux domestiques doivent leur origine à ce mode de procéder ; ainsi, la race électorale, les chevaux de course anglais, probablement aussi les races chevalines de l’Orient. Enfin, c’est la méthode qu’ont suivie Backwell, Fowler, Princeps, ces célèbres éleveurs anglais, pour créer les races si justement vantées de bestiaux que l’Angleterre leur doit.

Cette méthode est moins chanceuse que le croisement et que l’introduction d’une race étrangère ; bien suivie, son succès n’est presque jamais douteux, Néanmoins il est des cas où le temps nécessaire pour atteindre le but serait tellement long, qu’il y a un avantage évident à lui préférer l’un des deux autres moyens. C’est ce qui a lieu lorsque la race que l’on veut améliorer ainsi diffère considérablement de celle qu’on désire posséder, et s’en éloigne surtout par des caractères sur lesquels la nourriture, le traitement, le genre de service n’influent que faiblement.

Je suppose qu’on veuille créer en Franche-Comté, et sans croisement, une race de chevaux de selle fins ; malgré l’énorme distance à franchir, on y parviendrait incontestablement. Par un choix convenable des jumens, et surtout des étalons, par une nourriture sèche et composée en majeure partie de grains, par un emploi prolongé à la selle, ou finirait par rendre le poil plus fin, les membres plus secs, le corps et surtout le ventre moins développés, la croupe plus horizontale ; il est probable même qu’on parviendrait également à rendre la tête plus légère, la pose de la queue et des oreilles plus gracieuse ; mais il faudrait une longue série de générations pour atteindre à ces résultats, surtout aux derniers qu’on obtiendrait promptement par les croisemens accompagnés d’un traitement convenable, ou mieux encore, par l’introduction d’une race étrangère de chevaux de selle.

La même chose aurait lieu pour des moutons grossiers qu’on voudrait rendre fins, ou pour les bêtes à cornes à demi sauvages de la Camargue dont on voudrait faire une race bonne laitière ou propre à l’engraissement.

Ayant de se décider pour ce mode de perfectionnement, l’éleveur doit donc s’assurer si la race qu’il possède ne s’éloigne pas trop du type qu’il a en vue de créer, et si les dispositions et les caractères qu’il veut faire naître ou supprimer sont du nombre de ceux que la nourriture, le traitement, les soins et le genre de service peuvent modifier promptement. Parmi ces caractères on doit placer en première ligne la taille des animaux domestiques.

[7.2.7]

§ VII. — Taille de la race.

Des trois moyens qu’a l’éleveur d’augmenter la taille, le dernier mentionné est dans presque tous les cas le seul avantageux.

La taille dépend trop de la nourriture pour que l’on puisse espérer de bons résultats de l’introduction d’une grande race dans un pays pauvre, à moins que par une bonne culture on n’ait préalablement augmenté la nourriture dans une égale proportion. Mais dans ce cas on aurait pareillement augmenté la taille de la race indigène, et cela avec beaucoup plus d’avantage et moins de risques ; car on a observé généralement que, proportion gardée du poids des individus, les bêtes de petite taille sont plus sobres, se contentent plutôt d’un fourrage de médiocre qualité, utilisent en un mot mieux la nourriture que celles de grande taille, tant que cette nourriture reste au-dessous d’un certain terme, tant pour la qualité que pour la quantité. On engraisse de petits bœufs dans des pâturages, ou avec des alimens qui souvent ne serviraient qu’à entretenir un nombre proportionné de grands bœufs. Des vaches de l’Oberland ou du Cotentin cessaient de donner du lait et devenaient d’une maigreur effrayante, dans des pâturages où de petites vaches du pays trouvaient assez, non seulement pour se bien entretenir, mais encore pour donner des produits satisfaisans.

En laissant à l’amélioration dans la nourriture le soin d’augmenter la taille et les produits de la race indigène, on a l’avantage fort grand de pouvoir procéder avec lenteur et prudence aux changemens que cela nécessite dans le système de culture ; de ne pas crain-

  1. Voy. Lundwirths shaltiche Mittheilnngen v. Fr. Schmalz. Tome IV, pag. 60.