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sous l’influence des causes qui les ont produites, elles constituent ce qu’on appelle une race. Ces différences mêmes se nomment les caractères de la race. Si au contraire elles ne sont que fortuites et non héréditaires, elles constituent seulement des variations, des anomalies.

Les naturalistes admettent généralement pour toutes les espèces d’animaux un type primitif, une race première possédant au plus haut degré les caractères particuliers et les qualités originelles de l’espèce. Ils supposent cette race primitive vivant sous l’influence des circonstances les plus favorables à sa nature. Les modifications qu’elle a subies à la longue et qui ont créé les diverses races sont dues à deux genres de causes différens, les unes naturelles, les autres artificielles.

Les premières sont : le climat, le sol et la nature des pays où des individus de la souche primitive se sont trouvés transportés, de même que la qualité et la quantité de la nourriture.

Les secondes sont : le genre spécial de services auquel les animaux ont été assujettis pendant toute une série de générations, ainsi que le choix des individus reproducteurs, l’éducation et le régime, tous trois dirigés dans la vue de rendre la race plus apte à certain usage.

L’influence des causes naturelles, quelque réelle qu’elle soit, n’a dû agir que fort lentement et n’a pu, dans la plupart des cas, se faire sentir qu’après un grand nombre de générations.

L’action des causes artificielles a été beaucoup plus puissante. C’est uniquement à ces causes que nous devons les races si nombreuses et si tranchées de chiens, et parmi les autres animaux domestiques, la plupart des races spécialement appropriées à certains emplois.

Envisagées sous le point de vue de la nature, les races primitives sont les plus parfaites. Mais, considérées sous le point de vue de notre utilité, elles sont, au contraire, fort éloignées de la perfection. L’emploi varié que nous faisons des diverses espèces d’animaux domestiques n’a pu avoir lieu qu’en exagérant certaines dispositions naturelles, ou en en faisant naître de nouvelles, par conséquent en nous éloignant de la nature. Aussi est-ce une erreur de croire que le perfectionnement des animaux domestiques consiste à les rapprocher de leurs types primitifs.

La perfection d’une race pour nous, c’est sa plus grande aptitude à remplir nos vues, à nous être utile. L’animal le plus parfait serait donc celui qui réunirait au plus haut degré toutes les qualités qui rendent propres aux divers genres de services auxquels nous employons l’espèce. Malheureusement, il a été jusqu’à présent, et il sera probablement toujours impossible de réunir dans une seule race les qualités souvent exclusives et opposées qui sont disséminées dans toutes les autres. L’éleveur ne doit pas se faire illusion à cet égard. Si l’on a pu croire parfois qu’une race, parce qu’elle présentait de belles formes et qu’elle excellait dans un genre spécial de service, pouvait être employée avec avantage comme type régénérateur de toutes les autres races et les rendre plus propres aux différens usages auxquels nous les faisons servir, l’expérience est bientôt venue détruire cette opinion.

Nous devons donc nous borner à créer pour chaque genre de service une race type possédant au plus haut degré l’aptitude à cet emploi spécial, ainsi que l’a fait Bachwell pour les bêtes d’engrais, les éleveurs de chevaux en Angleterre pour les chevaux de courses, les propriétaires de Naz pour les moutons fins. Toutefois, lorsqu’on peut rendre une même race parfaitement propre à deux genres d’emploi, elle acquiert un double degré d’utilité. À la vérité, on a constamment remarqué que chez ces races à deux fins, le double but était atteint moins complètement que chez les races spéciales. Ainsi les races de bêtes à cornes, en même temps propres à l’engraissement et à la laiterie, sont moins aptes à l’un et à l’autre de ces emplois que Il races uniquement laitières ou d’engraissement. Il y a cependant avantage dans beaucoup de cas à sacrifier un peu de la perfection sous l’un et l’autre rapport, afin de tirer parti de deux qualités importantes et qui s’avantagent mutuellement.

Plus une race est ancienne et pure de tout mélange avec d’autres races, plus faction des circonstances qui lui ont donné ses caractères particuliers était énergique et prolongée, et plus les caractères qui la distinguent sont tranchés, durables et susceptibles de se transmettre aux descendans. C’est ce que les Allemands appelent la constance d’une race, qualité précieuse, d’une haute importance dans les croisemens, et à laquelle on ne paraît pas avoir donné, jusqu’ici, assez d’attention en France.

[7.2.2]

§ II. — Amélioration des races.

Il y a trois manières de se procurer une race plus parfaite et plus avantageuse que celle que l’on possède déjà : 1° en important chez soi des individus mâles et femelles d’une race étrangère possédant spécialement les qualités que l’on recherche et en la conservant dans sa pureté ;

2° En croisant la race indigène avec la race étrangère, ou deux races étrangères ensemble ;

3° En améliorant la race du pays par elle-même.

[7.2.3]

§ III. — Introduction d’une race étrangère.

Lorsque la race indigène ne nous convient pas, cette méthode est la plus prompte et la plus efficace pour arriver à la possession d’une race qui remplisse parfaitement notre but. Toutefois elle est ordinairement coûteuse, et dans certains cas impuissante à la longue.

Lorsqu’on met des individus d’une race sous l’influence de circonstances différentes de celles où cette race s’est développée, on voit ordinairement de génération en génération certains caractères de la race s’affaiblir, disparaître même, et la race étrangère finir par s’assimiler plus ou moins à la race indigène. C’est ainsi que même plusieurs caractères fort constans chez nous, comme, par exemple, la laine de nos moutons et notamment des mérinos, la voix des chiens, etc., se