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liv. ii.
CULTURES INDUSTRIELLES : PLANTES TEXTILES ET FILAMENTEUSES.


encore sur le champ un engrais bien consommé, tel que de la poudrette ou des chrysalides de vers-à-soie ; on sème ensuite le chanvre que l’on enterre immédiatement avec le soc, après quoi on égalise le terrain avec une herse de fer. On sème dru, si l’on veut un fil fin. On sarcle quand la planche a cinq doigts de haut. Si elle est exposée à souffrir de la sécheresse, on arrose le champ par irrigation.

Dans les parties de la Bretagne où la culture du chanvre est le plus florissante, on donne généralement trois labours. Le premier est retardé jusqu’en février, mais il serait mieux placé à la fin de l’automne ; la terre, exposée tout l’hiver aux influences de l’air, s’ameublit, s’imprègne des gaz atmosphériques, et reçoit de l’action alternative des météores aqueux une plus grande force de végétation. — Thouin et Bosc recommandent de donner ce labour en octobre ou en novembre. Ces agronomes veulent aussi qu’on répande les fumiers avant le premier labour. En Bretagne, on le répand à la mi-avril, au moment du second labour qui sert à l’enfouir, à raison de 25 et 30 charretées de la force de deux bons chevaux chacune, par hectare. On brise les mottes, soit à la houe, soit à la herse, et, du 1er  au 10 mai, on donne le dernier labour, sur lequel on sème par Elanches de 4 pieds de largeur, après avoir bien ameubli et régalé la terre.

§ III. — Espèces et variétés.

L’espèce commune est une plante annuelle, herbacée, dioïque, de la famille des urticées. Les fleurs sont paniculées, axillaires et terminales dans le chanvre mâle. Le calice a cinq divisions et porte cinq étamines dont les filamens sont courts et les anthères oblongues. — Dans le chanvre femelle, les fleurs sont axillaires et sessiles. Leur calice alongé, étendu seulement sur le côté, couronne un ovaire portant deux styles avec leurs stigmates. Une petite capsule arrondie à deux valves renferme une petite graine d’abord blanche, et qui brunit en vieillissant.

On a obtenu, en Italie, une variété appelée Chanvre de Bologne ou Chanvre de Piémont, qui s’élève quelquefois dans les bons terrains jusqu’à 10 pieds ; elle donne généralement peu de graines et de médiocre qualité ; son exportation est défendue. M. Catros en avait essayé la culture dans la pépinière royale de Valence en 1789, et elle avait été presque aussitôt oubliée. Mais, en 1829, M. Cazenavette a rappelé l’attention de la Société linnéenne de Bordeaux sur cette variété, que la Société a nommée Chanvre gigantesque (Cannabis saliva gigantea), et if lui en remit deux livres de grames qu’il était parvenu à se procurer, et qui furent distribuées aux cultivateurs. Depuis cette époque, de nombreux essais ont réussi et démontré les avantages de l’introduction de ce chanvre. En 1803, M. de Matha, de Blanquefort (Gironde), a obtenu les résultats suivans d’un semis comparatif : le chanvre du Piémont a levé 15 jours plus tard, quoique semé en même temps, et sa maturité a aussi été plus tardive de 15 jours ; il s’est élevé de deux pieds plus haut que l’autre et a donné une filasse qui n’a pas paru inférieure. L’Ami des champs de Bordeaux a annoncé en 1834 que, dans des terrains de landes et d’assez mauvaise qualité, cette plante s’était élevée à 7, 9, 11 et même 13 pieds de hauteur ; que ce chanvre demande une terre légère et sablonneuse ; qu’il s’accommode très-bien du sol des landes de Bordeaux ; enfin, que, cultivé sur une terre qui n’a reçu aucun engrais, il y devient aussi beau que le chanvre ordinaire.

§ IV. — Semis : préparation.

L’époque des semailles varie en France, du 15 mars au 1er  juin, et, en général, on peut semer immédiatement après les premières gelées que le chanvre redoute beaucoup. La graine est recouverte très-légèrement avec des râteaux ou une herse garnie d’épines. Il est à propos de répandre sur le semis des débris de chénevotte, de la fougère, de la vieille paille, qui tiennent la surface de la terre fraîche et meuble, en protégeant le jeune plant. On répand aussi des composts de boues bien consommées, mais c’est une addition d’engrais qui ne remplit pas aussi bien le but qu’on se propose.

Le choix de la semence est toujours une condition de la bonté des récoltes ; il influe particulièrement et d’une manière remarquable sur celle du chanvre. — En Bretagne, on n’y apporte aucune attention ; aussi les plus belles liges y dépassent-elles rarement 6 pi. En Alsace elles atteignent communément 8 pi. Elles sont beaucoup plus élevées en Italie, où l’on est parvenu, à foree de soins, à créer la nouvelle variété dont il a été parlé plus haut.

Lorsqu’on veut avoir de la graine de qualité supérieure, on sème plus clair, environ 5 hectolitres par hectare, et on arrache ensuite les plants les plus faibles, de manière à ce que ceux qui restent soient espacés entre eux de 8 à 10 pouces et plus. Les tiges grossissent davantage, étant mieux exposées au soleil ; elles deviennent rameuses et portent plus de graines, mais elles ne peuvent donner qu’une filasse propre à être employée dans la corderie. Il y a des cultures spéciales pour cet objet. La graine de la dernière récolte étant la seule qui puisse germer, on ne conserve que la quantité nécessaire aux semailles de l’année ; il faut aussi que la graine soit changée souvent ; autrement elle dégénère. La bonne graine doit être nette, d’un grain foncé, luisante, pesante et bien nourrie. — Plusieurs de nos départemens en fournissent de très-bonne, sans qu’il soit nécessaire de la tirer du Piémont ou de Riga.

Quantité de semence nécessaire. Ordinairement il en faut 8 hectol. par hectare ; on sème plus épais et plus tard dans les terres légères et sablonneuses que dans les terres humides et fortes ; on sème aussi beaucoup plus épais (environ 12 hectol. par hectare) lorsqu’on veut obtenir une filasse blonde, bien douce, facile à teiller et à filer, avec laquelle on fabrique ces belles toiles de ménage, qui pour la force et la durée sont si supérieures aux toiles de lin. On voit donc