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liv. iii.
ANIMAUX DOMESTIQUES : PATHOLOGIE.


de stupeur est marqué, la tête est appuyée dans la mangeoire, le pouls est petit et serré. Lorsque l’inflammation a lait des progrès, les yeux deviennent saillans, hagards, animés ; la respiration est courte et laborieuse, la bouche est chaude et remplie d’une salive épaisse. Mais le symptôme le plus caractéristique consiste, ainsi que je l’ai déjà dit, dans la tendance invincible de l’animal a se porter en avant, à se placer au bout de sa longe, et à pousser avec force sa tête contre le mur, ou contre les corps solides qui peuvent lui offrir un point d’appui. Il exécute parfois ce mouvement avec tant de violence, qu’il se blesse le front et même se fracture les os du crâne. Abandonné à lui-même dans une cour, le malade marche irrésistiblement en avant sans voir les dangers, et ne s’arrête que lorsqu’un obstacle invincible lui oppose une résistance suffisante. A ce symptôme tout à fait caractéristique de la maladie, se joignent des signes de fureur, une anxiété extrême, une agitation excessive, des sueurs partielles ou générales, des convulsions auxquelles succèdent des momens de calme, qui ne tardent pas à faire de nouveau place aux signes alarmans que je viens de décrire ; enfin du 3e au 5e jour environ, la mort vient mettre un terme aux souffrances, si la maladie n’a pas été arrêtée dans sa marche par un traitement convenable.

Traitement. On est loin d’être d’accord sur le traitement à opposer au vertige abdominal. Un grand nombre de vétérinaires, s’attachant particulièrement à combattre l’inflammation cérébrale qui, dans le cas dont il s’agit, n’est pourtant qu’un effet d’une maladie intestinale, ont recours aux douches d’eau froide ou d’eau glacée sur la tête, aux saignées pratiquées largement au cou, au plat de la cuisse, à la queue, et enfin aux frictions révulsives sur les extrémités : il faut se hâter de dire que le succès couronne bien rarement ce traitement ; j’oserais même affirmer que jamais il n’a guéri un vertige abdominal, ou, en d’autres termes, une indigestion vertigineuse, et que les rares succès dus à cette méthode n’ont été obtenus que lorsque l’on avait à combattre, non pas une indigestion vertigineuse, mais bien un vertige essentiel, maladie qui, comme nous le verrons bientôt, diffère beaucoup de celle qui nous occupe. La raison de ces insuccès est bien simple : le point de départ de la maladie étant une indigestion, c’est à celle-ci qu’il faut s’adresser ; e’est elle qu’il faut combattre pour faire cesser les symptômes cérébraux. Or,les hommes les plus étrangers à la médecine savent bien que les saignées sont loin d’être favorables à la guérison des indigestions, et que les évacuans les plus énergiques sont les moyens les plus convenables en pareil cas. Depuis longtemps Gilbert a préconisé l’administration de l’émétique à haute dose dans le traitement du vertige abdominal ; cette méthode est, je ne sais pourquoi, généralement tombée dans l’oubli, bien que l’émétique réunisse au plus haut degré les propriétés désirables, puisque chez les chevaux il agit à la fois et comme évacuant très-énergique, et comme révulsif sur la muqueuse gastro-intestinale. Dans le courant de l’année 1834 j’ai eu à traiter plusieurs chevaux vertigineux, et j’ai employé avec le plus heureux succès la méthode de Gilbert, d’après le conseil je dois en faire l’aveu, d’un fort habile vétérinaire, M.le docteur Philippe, qui avait déjà traité quatorze chevaux par cette méthode et comptait quatorze succès !… Voici en quelques mots la manière de procéder à ce traitement : au début du vertige abdominal, faire avaler au cheval, avec toutes les précautions possibles, une once d’émétique dissoute dans une bouteille d’eau tiède ; si l’animal est difficile et qu’il pousse violemment au mur, il faut préalablement l’entraver et le jeter sur un bon lit de paille, puis lui relever la tête pour lui faire avaler son breuvage ; en même temps il faut passer deux sétons à la partie supérieure et sur les côtés de l’encolure. Le cheval relevé, reconduit à sa place et attaché de telle façon qu’il ne puisse se blesser, ou lui administre immédiatement un lavement rendu purgatif au moyen d’une once d’aloës en poudre ; on renouvelle ce lavement au bout dune heure, et on attend les effets de ce traitement sans plus rien faire… Ordinairement au bout de quelques heures les symptômes du vertige ont disparu, et il ne reste plus que ceux de l’indigestion et de l’irritation gastro-intestinale, qui ne tardent pas eux-mêmes à diminuer. Il faut ensuite beaucoup de précaution pour remettre l’animal à son régime ordinaire.

M. Watrin, médecin-vétérinaire à Versailles, a obtenu plusieurs succès dans le traitement du vertige abdominal, par l’administration à l’intérieur de l’huile de croton-tiglium à la dose de 20 à 30 gouttes dans une décoction de graine de lin. Celle méthode a de l’analogie avec celle de Gilbert, et mérite d’être essayée.

B. Maladies du système nerveux.
§ 1er . — Vertige essentiel.

Cette maladie a été longtemps confondue avec la précédente, dont on croyait fort difficile de la distinguer ; considérée tour à tour comme une inflammation du cerveau, ou de ses enveloppes, ou des deux à la fois, elle paraîtrait, d’après M. le prof. Renault, consister dans une inflammation pure et simple de l’une des enveloppes du cerveau (l’arachnoïde), et mériterait par conséquent la dénomination d’arachnoïdite aiguë qui lui a été donnée par ce professeur. Si l’on en croit le même observateur, le vertige essentiel serait facilement distingué de l’indigestion vertigineuse par la tranquillité de l’animal qui, au lieu de se livrer à des accès de fureur et de pousser violemment au mur, se porterait paisiblement en avant jusqu’à ce que sa longe ne lui permette plus d’avancer, et resterait ensuite fort longtemps dans cette position. Il arrive même souvent que les chevaux atteints de cette maladie font un demi-tour sur |)lace, tournent leur croupe du côté de la mangeoire et leur tête du côté opposé, et restent longtemps dans cette position, retenus qu’ils sont par leur longe qui les empêche d’aller plus loin. D’après ces caractères, le vertige essentiel, ou l’arachnoïdite de M. Renault, pourrait être nommé vertige tranquille pour être distingué de l’indigestion vertigineuse, que l’on pour-