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liv. ii.
CULTURES INDUSTRIELLES : PLANTES TEXTILES ET FILAMENTEUSES.


vent elle se borne à des sarclages que les bons cultivateurs ont soin de répéter, au besoin, plusieurs fois. — Mais, dans les pays où les lins s’élèvent à une grande hauteur, on est obligé de les ramer, et cette opération, dans quelques lieux, commence immédiatement après les semailles. — On répand sur la surface du terrain des rameaux de bruyère qui ont le double avantage d’empêcher le sol d’être battu par les pluies, et de soutenir les jeunes plantes contre les vents qui pourraient les coucher pendant leur première croissance ; plus tard on ajoute des piquets de distance en distance, et on attache des uns aux autres des perches, ou des branches d’arbres, à environ 1/3 de mètre de hauteur. Ce travail, qui nécessite de grands frais, est regardé comme à peu près indispensable dans presque tout le Nord.

Le plus grand obstacle à la culture du lin, dans la majeure partie de la France, c’est la sécheresse du printemps. Sur un sol susceptible d’être arrosé par submersion ou par infiltration, on pourrait regarder presque toutes les récoltes de lins de mars comme bien mieux assurées. — La cuscute (Cuscuta minor), en frappant de mort tout ce qu’elle enlace dans ses longs filamens, occasione cependant aussi de grands dommages, si on n’a le soin de la détruire aussitôt qu’elle parait ; — et, parmi les insectes, le ver blanc n’est pas moins redoutable. J’ai vu des linières et des chenevières presque décimées par lui, sans que le cultivateur pût y apporter le moindre remède. Espérons que les circonstances atmosphériques mettront bientôt un terme à l’extension toujours croissante d’un tel fléau. — Resteront encore à craindre les effets de la grêle qui, en coupant la filasse, empêche de tirer parti même des plus beaux lins.

§ VII. — De la récolte.

Si on ne visait qu'à la récolte des graines, on aurait grand soin de les laisser mûrir complètement sur pied, mais alors la filasse serait de moins bonne qualité. En acquérant de la force, elle perdrait de son moelleux. Il faut donc choisir avec discernement le moment où les liges prennent une teinte jaune dorée, et où les semences, brunissant dans la plupart des capsules, sont déjà mûres complètement dans celles qui ont paru les premières.

On arrache le lin par poignées ; — on en forme des bottes d’environ 1/3 de mètre de circonférence ; — on le laisse ainsi sécher quelques jours, et on en forme ensuite une espèce de muraille, en posant alternalivement chaque botte en sens inverse, c’est-à-dire, la graine ou les racines en dehors. — Quelque temps après, on procède au battage.

En Flandre, on enlève les têtes à l’aide d’un peigne d’un pied (0m 325) de long à 2 ou 3 rangs de dents de fer, et qui peut se fixer sur un chevalet. L’ouvrier prend une poignée de lin du côté des racines, il en fait pénétrer les liges entre les dents et les retire ensuite vers lui juscju’à ce que toutes les graines soient tombées. Il ne reste plus qu’à les battre sur des draps et à les vanner. — En d’autres endroits on bat, sans séparer la graine de la tige, au moyen d’un battoir ordinaire et d’un billot sur lequel repose la partie grenue de la poignée ou de la botte de lin. — La diversité qui existe à cet égard dans la pratique me paraît de peu d’importance.

§ VIII. — Des frais de culture et de produits.

L’un des livres de cet ouvrage étant destiné à faire connaître, avec tous les développemens que comporte cet important sujet, les divers arts agricoles parmi lesquels le rouissage tient nécessairement une place, je n’aurai à m’occuper ici que des frais de culture et des produits bruts du lin. Cependant, c’est ordinairement le cultivateur lui-même qui le fait rouir, qui le broie, le teille et le livre au commerce sous forme de filasse, et cette industrie, qui exige peu d’autres frais que ceux de la main-d’œuvre, et qui a l’avantage, le rouissage à l’eau excepté, d’occuper tous les bras de la famille, même ceux des femmes et des enfans, grâce à un surcroît d’activité dans la ferme, ajoute nécessairement beaucoup au bénéfice de la récolte.

En cherchant à indiquer le rapport qui existe entre les dépenses et les produits de cette culture, je ne me dissimule pas que l’estimation approximative que j’en ferai pour quelques localités seulement, n’est pas applicable à toutes les autres, et, qu’à ne considérer même que les contrées qui me sont le mieux connues, je courrais risque d’induire le lecteur en une grave erreur, si je ne le prévenais d’avance que nulle récolle n’est peut-être plus variable, selon les années, dans ses résultats, que celle du lin. J’espère néanmoins que ce qui suit pourra être utilement consulté par les personnes qui voudraient se livrer à des essais sur cette culture dans les lieux où elle n’est pas encore pratiquée.

Si on n’avait en vue que la quantité, la grosseur, et par conséquent la qualité oléagineuse des graines, il serait souvent avantageux de préférer le lin d’hiver à celui d’été. — Plus robuste que ce dernier, il craint peu les gelées ordinaires du Sud et du Sud-Ouest de la France dans les terrains qui ne sont pas sujets au déchaussement ; — il donne encore quelques produits alors que les sécheresses précoces détruisent presque entièrement les autres ; — il mûrit communément de la fin de juin à la mi-juillet, ordinairement une quinzaine de jours plus tôt que le lin d’été ; — enfin, et c’est son plus grand avantage, il s’accommode de terrains moins riches ; mais, d’un autre côté, il donne, comparativement, une filasse de qualité bien inférieure.

A tout calculer, dans les années médiocres, en labourant d’une manière aussi dispendieuse qu’on le fait dans la plus grande partie du Maine et de la Bretagne, à peine peut-on compter que la culture du lin d’hiver donne un bénéfice.

Rente d’un hectare au prix de 4 fr. 50 c. la boisselée 
 68 f. 25 c.
Labour et hersage, quatre journées et demie de 6 bœufs, d’un garçon de charrue et d’un toucheur 
 47    75

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