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chap. 2e.
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DU LIN ET DE SA CULTURE.


pus ; — enfin toutes les terres franches facilement divisibles, profondément ameublies, et richement fumées pour les récoltes précédentes, sont propres à la culture du lin.

Toutes choses égales d’ailleurs, les terres un peu fortes, grasses, humides, donnent, au moins dans les années de sécheresse, de plus beaux produits en apparence ; le brin y acquiert de la longueur ; mais la filasse en est grosse. — Les terres légères au contraire, lorsque les pluies printanières viennent à manquer et qu’on ne peut les remplacer par des irrigations, produisent du lin plus court, souvent même si court qu’on doit renoncer à en tirer aucun parti. Cependant, en général, vers le centre, et à plus forte raison dans le nord de la France, elles donnent les produits sinon les mieux assures, au moins de la meilleure qualité.

Dans certaines terres, non-seulement les lins dégénèrent promptement, mais on ne peut les faire revenir avec profit sur les mêmes soles avant 6 on 7 ans et plus, même avec la précaution de renouveler la graine. — Dans d’autres, ils peuvent se conserver sans altération ou réussira des époques rapprochées, pendant fort long-temps. Telles sont, dit-on, aux environs de Riga, les linières destinées plus spécialement à la production des graines de semence ; telles, dans le département de l’Aisne, celles du voisinage de Chauny et de Coucy, où, d’après M. André, les lins, renouvelés de loin en loin de Riga, se succèdent tous les trois ans avec un succès égal, et telles encore les fertiles vallées de Chalonnes, où cette plante fait presque partout, avec le froment, la base d’un assolement biennal dont l’origine remonte à plusieurs siècles, et où l’on a cependant, jusqu’à ces dernières années, évité avec un soin, à mon gré, trop scrupuleux, d’introduire la moindre quantité de semences étrangères. — Toutefois, des cas semblables sont exceptionnels, et je les cite comme tels.

Le lin d’hiver est moins difficile que celui d’été sur le choix du terrain. En effet, dans les contrées où on cultive l’un et l’autre, comme aux environs d’Angers, il n’est pas rare de voir le premier donner de beaux et utiles produits dans les champs où l’on oserait à peine risquer le second.

On a cru remarquer aussi que la variété de Flandre résiste mieux qu’une autre à la sécheresse, et qu’elle peut, par conséquent, donner des récoltes plus assurées dans les sols très-légers et brûlans.

Cet avantage, fort grand pour les cultures méridionales et même pour celles des contrées de l’ouest, où la rareté des pluies printanières est trop souvent le plus grand obstacle à la réussite du lin, est cependant compensé par quelques inconvéniens que nous aurons plus tard à examiner.

On cultive le lin, non seulement pour la filasse qu’on retire de ses liges, mais pour l’huile qu’on exprime de ses graines, et, dans quelques parties du midi de l’Europe, pour le fourrage qu’il procure aux herbivores.

§ II. — Préparation du sol.

La préparation du sol doit varier selon sa propre nature et l’étal dans lequel il se trouve par suite des cultures précédentes.

En Flandre, dans les terres fortes où on ne sème habituellement le lin que sur jachère, connue aux environs de Courtrai, d’Anvers, de Gand, de Bruges, etc., on trouve indispensable de donner au moins trois labours dont le dernier est suivi de hersages et de roulages. — Ailleurs, après un seul labour d’automne, on ameublit la surface du sol à 3 ou 4 po. (0m066 à 0m088) de profondeur, par deux ou trois cultures à l’extirpateur, qui n’excluent pas les hersages répétés.

En Zélande, où les Hollandais récoltent la majeure partie des beaux lins qui alimentent leurs manufactures, et où les terres sont grasses, assez fortes et un peu humides, on donne aussi trois ou quatre labours, et même plus pendant l’année de jachère, ou bien on ne fait venir le lin qu’en troisième récolte, après le froment et la garance. Dans ce cas, voici, d’après Parmentier, les façons nécessaires : après avoir bien fumé le’ sol et l’avoir labouré deux fois, on y jette du grain ; l’année suivante on plante de la garance qui y reste deux ans ; la quatrième année on y sème le lin. Par ce moyen, il est impossible de ne pas avoir une terre bien meuble ; car, outre les deux ou trois labours donnés avant l’ensemencement du grain, outre la fermentation du fumier et les autres labours qu’on répète quelquefois jusqu’au nombre de cinq pour la garance, il y a encore des façons continuelles pour recouvrir de terre les racines de cette plante.

Aux environs du Mans, on laboure une première fois vers le mois d’août ou de septembre, dès que le champ est débarrassé de la moisson ; une seconde fois dans le courant d’octobre pour enterrer le fumier, et on profite des premières journées favorables de février ou de mars pour donner les dernières façons. Le mode le plus certain et le meilleur est incontestablement de les donner à la pelle, à la bêche ou à la houe ; mais la dépense étant beaucoup plus considérable, dans la grande culture on se contente, pour le dernier guéret, de deux labours en sens croisé.

En Maine-et-Loire, pour les lins d’hiver qui succèdent presque toujours au froment, on laboure aussi le plus profondément possible, en billons de 4 raies, sitôt que la récolte est enlevée ; on herse ensuite, et, peu de temps avant de répandre la semence, on se contente de briser les mottes et de redresser le terrain à l’aide du hoyau. — Dans les momens de presse, j’ai même vu assez souvent semer immédiatement sur le hersage ; et quoique cette dernière méthode ne me semble pas de nature à être recommandée, il est certain que parfois elle laisse peu à désirer. — Pour les lins d’été, dans les métairies, la préparation du terrain jusqu’au moment du semis est à peu près la même. Rarement on donne plus d’un labour à la charrue, d’un hersage, et d’une façon au hoyau ; mais, dans les fermes de la vallée, où tous les travaux se font à bras d’hommes on a dû adopter un mode différent : là, le labour de déchaumage s’opère au moyen de la houe décrite page 30, fig. 22 du livre premier. On

Agriculture.
tome II. — 3