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liv. ii.
Cult. industrielles : des plantations de bordure, etc.

pleins, elles les vident dans de grands sacs qu’on transporte au séchoir.

Pour conserver les châtaignes fraîches après la récolte, on emploie la dessiccation et le battage. Le bâtiment destiné à les faire sécher est un carré long, d’une hauteur de 5 à 6 mètres, d’une largeur et d’une longueur proportionnées à la récolte annuelle. Un rang de poutres, portant des claies formées de baguettes, le partage en deux étages, la porte du second est à 5 décimètres au-dessus des poutres. Les fenêtres, s’il y en a, doivent être fermées, quand les châtaignes y sont ; on pratique seulement quelques trous au haut des murs, pour laisser échapper la fumée.

L’homme qui est particulièrement chargé de ce bâtiment ou cledo, y entretient les feux, les visite le jour et la nuit pour les tenir au point nécessaire ; trop faibles, ils brûleraient inutilement ; trop vifs, ils donneraient aux châtaignes les plus basses une couleur rousse et un goût de brûlé. Cet homme doit avoir à sa portée une cuve pleine d’eau, pour éteindre immédiatement l’étincelle qui s’attacherait au plancher, en y portant un vieux linge qui, placé au bout d’un bâton, trempe toujours, à cet effet, dans la cuve. Quand il y a une couche de châtaignes sur toute la surface du plancher, on commence à allumer, pour les faire suer, un 1er feu dans la partie inférieure du séchoir, et puis, à mesure que la récolte avance, on en fait 2, 3 ou 4 selon la grandeur du bâtiment, pour chauffer également toute l’étendue des claies. On ne brûle que du bois qui donne peu de flamme et beaucoup de fumée, et, pour en produire davantage, on couvre les feux avec les pousses de l’année précédente, qu’on garde à cet effet. — On ferait des séchoirs plus parfaits que ceux-là, mais ils seraient plus coûteux. — C’est dans la partie inférieure du clédo que l’on blanchit les châtaignes ; elle sert ensuite d’étable ou de bergerie ; on serre alors sur le plancher les feuilles et les fagots de ramée qui doivent servir, en hiver, de litière et de nourriture aux chèvres ; au printemps on enlève les claies du plancher, et on y établit l’atelier des vers-à-soie. — À mesure qu’on apporte de nouvelles châtaignes au séchoir, on les étend au-dessus de celles qui s’y trouvent déjà ; leur dessiccation est ainsi graduée, quoique le feu soit le même, chacune des couches étant d’autant plus chauffée qu’elle est plus basse, en sorte que les premières récoltées sont presque sèches, lorsque les plus hautes commencent à suer. C’est 3 ou 4 jours après qu’on a fini de ramasser les châtaignes, qu’on les retourne ; pour cela, deux hommes avec des pelles de bois font une tranchée dans les châtaignes, contre l’un des petits côtés du séchoir, la remplissent des châtaignes de la couche supérieure, qu’ils recouvrent avec celles du fond d’une nouvelle tranchée parallèle à la première ; ils jettent dans celle-ci des châtaignes de dessus, et continuent jusqu’à ce que tout soit retourné. On ne fait alors qu’un seul feu que l’on change plusieurs fois de place pendant 8 jours. Après ce temps, les châtaignes sont prêtes à être blanchies, ce que l’on reconnaît si la châtaigne est dure sous la dent, et si l’enveloppe se brise bien en la froissant entre les doigts. Jamais on n’en garde de sèches dans l’enveloppe.

Il y a différentes manières de battre les châtaignes : 1° Dans les sacs. Ces sacs sont ouverts aux 2 bouts ; ils ont 85 centimètres de tour sur un mètre de large. On met dans le milieu de ce sac environ demi-décalitre de châtaignes. Deux hommes debout l’un vis-à-vis de l’autre, tenant le sac à 2 mains, relèvent ensemble et frappent sur un billot de 70 centimètres de haut placé entre eux. Après une 30e de coups, l’un des batteurs va prendre une autre mesure au tas, et l’autre verse les châtaignes dans un van qu’un homme tient à côté d’eux. Lorsque le sac commence à se percer, on fait coudre les 2 ouvertures ensemble, et on le coupe au milieu qui devient alors les extrémités. L’homme qui vanne suffit pour 2 paires de batteurs, et nettoie 2 mesures à la fois. Après le 1er battage toutes les châtaignes ne sont pas parfaitement blanches ; pour détacher cette pellicule rougeâtre, que la plupart conservent, on recommence l’opération, mais l’on bat moins fort et moins de coups. Les châtaignes nettoyées sont mesurées et portées au logis, où elles sont triées, durant les jours de pluie, pour être vendues ensuite. — 2° Pour les petites récoltes on se sert des soles qui brisent moins les châtaignes. Ce sont de gros souliers ou patins (fig. 68), dont la semelle


de bois a 5 centimètres d’épaisseur, et est entourée d’une lame de fer découpée en scie par-dessous. 13 dents pointues, de 8 centim. de long sur 15 millim. en carré à leur base, entaillées sur les arêtes, sont implantées dans cette semelle. 4 hommes chaussés de soles entrent dans une espèce de coffre de 2 décimèt. et demi de long sur 7 décimèt. de large, rempli aux 3/4 de châtaignes, qu’ils font passer et frotter sous leurs soles. Au bout de 10 minutes ou d’un quart-d’heure au plus, ils les ont rompues. 2 hommes les vannent pendant qu’on en prépare d’autres. ; — 3° Pour blanchir les châtaignes on se sert encore de la masse à battre les châtaignes (fig. 69 ) ; c’est un plateau d’environ 4 décimètres de diamètre et d’un décimètre d’épaisseur, au-dessus et au centre duquel est un