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liv. ii.
Cult. industrielles : des plantations de bordure, etc.

toute la population de l’intérieur des terres qui en faisait une grande consommation. M. A. Michaux dit aussi qu’on récolte dans le Kentucky une immense quantité de pêches qui est convertie en eau-de-vie. C’est une industrie que nous croyons tout-à-fait inconnue en France.

En écrasant les Framboises et en les faisant fermenter, on en obtient une sorte de vin qui est très-fort, assez agréable, et dont on peut retirer, par la distillation, de l’eau-de-vie très-spiritueuse. Dans plusieurs parties de la Pologne, ce vin remplace, pour le peuple, le vin ordinaire. En France, dans quelques cantons, les pauvres des campagnes font avec les fruits de la Ronce des haies et de quelques autres espèces, un vin qui, dit-on, est peu inférieur à celui fait avec du raisin, et qui fournit de l’alcool à la distillation.

En Égypte et dans quelques contrées du Levant, on prépare une liqueur vineuse en faisant fermenter dans l’eau les fruits du Caroubier, et par la distillation on en obtient de l’eau-de-vie. Le caroubier croît naturellement en France, dans les parties les plus chaudes du littoral de la Méditerranée.

Les Tartares de la Crimée savent distiller les baies du Sureau pour en retirer de l’eau-de-vie, et M. Aloys-Werle, de Vienne en Autriche, a trouvé, par des essais faits avec ces baies, qu’à quantités égales, elles donnent plus d’alcool que le meilleur froment ; il y est parvenu en en traitant le jus comme le moût de raisin, et en le distillant.

Le fruit de l’Arbousier fournit une eau-de-vie de bonne qualité, qui a un goût agréable, et qui n’a pas la moindre odeur empyreumatique quand elle a été bien préparée ; de sorte qu’elle peut très-bien être employée à la confection des liqueurs fines. Mille livres de ce fruit donnent ordinairement une barrique d’eau-de-vie à 16 degrés. En 1817, on a distillé sur les côtes de Dalmatie, plus de 1000 barils de cette eau-de-vie. Selon M. Prechtl, devienne en Autriche, les arbouses, quand elles ont bien fermenté, fournissent le quart de leur poids en eau-de-vie. Les arbousiers sont communs dans les terrains stériles de nos départemens du Midi ; pourquoi laisse-t on perdre leurs fruits, au lieu d’en retirer l’alcool qu’ils paraissent contenir en si grande quantité ?

On peut aussi faire une sorte de vin ou retirer de l’alcool de plusieurs fruits à baie, comme le Myrtille, l’Airelle rouge, la Canneberge, etc.

Beaucoup d’autres fruits encore, comme les Dattes, les Figues, les Châtaignes, etc., sont susceptibles, étant écrasés dans l’eau, de passer à la fermentation vineuse, et de donner de l’alcool si on les soumet à la distillation en temps convenable, ou d’être convertis en vinaigre si, prolongeant la fermentation vineuse, on la fait passer à l’état acéteux ; mais il y a plus, toutes les parties des végétaux qui contiennent plus ou moins de sucre sont pour cette raison susceptibles de donner ces mêmes produits vineux, acéteux ou alcooliques, selon qu’on les prépare étendus dans une suffisante quantité d’eau et à une température convenable : tels sont le Maïs, le Sorgho, les racines de Chiendent, les Carottes, les Panais, le Chervi, le Navet. la Réglisse, etc. La racine même de Gentiane, si amère qu’on n’y soupçonnerait pas la présence du sucre, en contient cependant assez pour qu’il soit possible d’en retirer de l’eau-de-vie, et c’est ce qu’on fait dans les pays montagneux où cette plante est abondante.

La sève de beaucoup d’arbres et de plantes est naturellement assez sucrée pour que, par le moyen d’incisions faites à l’écorce ou autrement, à la fin de l’hiver ou au commencement du printemps, on en obtienne une liqueur qui, en peu de temps, passe facilement à la fermentation vineuse et peut se convertir en une sorte de vin. Parmi les arbres, nous citerons d’abord la sève de plusieurs Bouleaux qui, en Suède et dans l’Amérique du nord, est ainsi employée en guise de vin. Ensuite la sève des Érables contient également beaucoup de sucre, et principalement celui que cette circonstance a fait nommer Érable à sucre, dont la sève est exploitée dans plusieurs parties des États-Unis d’Amérique pour être convertie en véritable sucre. Après cette espèce, l’Érable sycomore, l’Érable rouge, etc… contiennent aussi une assez grande quantité de sucre dans leur sève, pour que, par les préparations qu’on fait subir à celle-ci, on puisse ou la convertir en une sorte de vin, ou en extraire du sucre cristallisé. On a vu à l’article Noyer que cet arbre donne une sève sucrée, et que par conséquent on pourrait en faire une espèce de vin.

En général, toutes les liqueurs vineuses qui sont le produit de la sève des arbres que nous venons d’indiquer sommairement, ne se gardent que peu de temps ; elles deviennent promptement aigres et forment alors une sorte de vinaigre. Si on les distille en temps convenable, elles donnent de l’alcool.

Quoique le Palmier dattier soit rare dans le midi de la France, nous ne croyons pas cependant devoir laisser ignorer que les Arabes de la côte de Barbarie et de plusieurs contrées du Levant retirent de cet arbre un vin fort capiteux, qui est le produit de la fermentation qu’on fait subir à la sève retirée par l’incision du bourgeon terminal.

Si on coupe la tige de l’Agavé d’Amérique au moment où elle commence à se développer, la sève qui en découle fournit, au Mexique, selon M. de Humboldt, environ 4 pintes par jour et pendant 2 à 3 mois, d’une liqueur susceptible de fermentation, et qui, après 3 à 4 jours, devient une boisson semblable au cidre pour la couleur. L’agavé d’Amérique est acclimaté dans tout le midi de l’Europe, principalement sur le littoral de la Méditerranée ; nous en avons vu de très-beaux pieds aux environs de Cannes et d’Antibes en Provence ; il serait curieux d’essayer si cette plante donnerait chez nous les mêmes produits qu’en Amérique.

Il suffira ici d’avoir indiqué sommairement les différens produits vineux, acéteux ou alcooliques qu’on peut retirer de certains végétaux qui ne sont pas, sous ce rapport, d’un usage général. Pour les procédés de préparation et de fabrication, nous devons renvoyer à la division des Arts agricoles (Tom. III).