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chap. 12e
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DU NOYER.

§ III. — Plantation, culture des noyers.

Le noyer ne s’élève que pour le plein vent, et on le plante ordinairement sur le bord des routes et en avenues ; rarement en fait-on des plantations entières disposées en quinconce. Comme il s’élève beaucoup et forme une large tête, on ne peut guère mettre moins de 24 pieds d’intervalle entre deux de ces arbres dans les terrains les plus médiocres ; mais, dans les bons fonds, ce ne sera pas trop de laisser 36 à 40 pieds entre eux.

Quand on plante des noyers on ne peut pas les mettre dans des trous qui aient moins de 4 pied en carré, mais la profondeur à leur donner variera selon la nature du sol. Si le fond est bon et que les arbres aient conservé leur pivot, ce n’est pas trop de faire faire des trous de 3 pieds de profondeur ; mais, lors­que le pivot a été retranché dans la pépinière et que les noyers ont beaucoup de racines latérales, 2 pieds de creux suffiront ; si même le terrain est mauvais, ce sera assez de donner 18 po. aux trous. Au surplus, lorsqu on plantera les arbres, il ne faudra pas placer leurs racines à cette profondeur, mais rem­plir d’abord les trous avec 6 à 8 pouces de la meilleure terre retirée la première ; mettre ensuite le pied des arbres sur cette terre meuble, dans laquelle il pourra plus facile­ment former un nouveau chevelu ; on recouvrira ensuite les racines avec le reste de la bonne terre, et enfin on comblera le trou avec la terre qui en a été tirée la dernière et avec les pierres.

Une fois que des noyers ont été plantés à demeure, on ne leur donne que peu de soins ; on laboure, autour de leur pied, une fois tous les ans, dans le courant de l’hiver ou au com­mencement du printemps, et même, lors­qu’ils ont un certain âge, on néglige souvent cette pratique. On ne taille jamais ces ar­bres, et ils ne doivent pas l’être ; on se con­tente d’enlever le bois mort qu’ils peuvent avoir, et encore on néglige assez souvent de prendre ce soin lorsqu’il n’y a pas assez de ce bois pour dédommager des frais qu’il faudrait faire ; aussi la négligence que l’on met à les soigner est-elle fréquemnent la cause qui fait que le tronc de beaucoup de vieux noyers est attaqué par la carie, tandis que si on retranchait convenablement et en temps utile les branches mortes, on conser­verait le tronc plus sain. Dans plusieurs can­tons où les noyers se plantent sur les bords des champs cultivés, on est dans l’usage de rabattre tous les 7 à 8 ans leurs branches principales jusque près du tronc, afin de les empêcher, d’une part, de donner trop d’om­bre, et ensuite parce que les fruits qu’ils rapporlenl les années suivantes sont plus beaux. Cela est encore une des causes qui contribuent pour beaucoup à faire pourrir le tronc de ces arbres.

L’ombre du noyer passe pour être préjudi­ciable aux autres arbres qui sont dans son voisinage ; quelques agronomes pensent que c’est moins son ombre qui est nuisible que son egout, c’est-à-dire l’eau des pluies qui, après être tombée sur ses feuilles, retombe ensuite à terre ou sur les autres végétaux qui sont à sa proximité.

§ IV. — Produits, récolte des noyers.

Les noyers donnent un bon produit dans les pays où leurs fruits sont employés à faire de l’huile, mais plus encore dans le voisinage des villes où il s’en fait une grande consom­mation pour manger, surtout en vert et en cerneaux. On cite des noyers rapportant dans les bonnes années 50.000 à 100,000 noix ; de tels arbres sont à la vérité fort rares, et leur tronc n’a pas moins de 15 à 20 pieds de cir­conférence. Non seulement les noix se man­gent vertes et sèches, mais, avant leur ma­turité, on les confit au sucre de diverses manières.

Les noix ne se recueillent point à la main, parce que souvent l’élévation des arbres ne le permettrait pas ; ensuite cela occa­sionerait un travail trop long et trop dis­pendieux ; on les abat en frappant à coups de gaules sur les extremités des blanches où elles sont placées. Cela a l’inconvenient de briser et d’endommager beaucoup de bour­geons, ce qui nuit toujours à la récolte sui­vante ; mais il serait bien difficile, sinon tout-à-fait impossible, de faire autrement. Une autre cause qui s’oppose à ce que le noyer donne constamment de bonnes récoltes, c’est que, surtout dans le nord de la France, il est fréquemmenl atteint par les gelées tar­dives qui surviennent au moment de la flo­raison et qui brûlent ses fleurs. L’arbre lui-même, surtout dans sa jeunesse, est sensible au froid ; ainsi, dans l’hiver de 1820, j’ai perdu les trois quarts d’un semis, et, dans celui de 1829 à 1830, des noyers de 2 ans qui venaient d’être transplantés et qui avaient pour la plupart 5 à 7 pieds de haut, ont été gelés dans plus des 3/4 de leur longueur ; il a fallu les rabattre presque tous à 1 pied de terre. Enfin, dans les hivers très-rigoureux et très-prolongés, les gros arbres eux-mêmes peu­vent être frappés de mort, et c’est ce qui ar­riva en 1709, où un très-grand nombre de forts et beaux noyers furent tout-à-fait gelés.

Le bois de noyer est un des plus beaux bois de l’Europe ; il est doux, liant, flexible, se taille bien au ciseau, et prend au rabot un beau poli. Il a peu de valeur dans sa jeunesse, parce qu’il est blanchâtre, et sujet à être at­taqué par les vers ; mais il prend en vieillis­sant une couleur brune et se veine quelque­fois d’une manière agréable. Il se vend en général moitié plus que celui de chêne, et on assure qu’il croit aussi une fois plus rapi­dement, ce qui peut être regardé comme positif d’après ma propre expérience ; de sorte qu’il y aurait un grand avantage à en tonner des futaies : je ne sache pas cependant que jusqu’à present aucun propriétaire ait pensé à planter des forêts de noyers. — Le bois de cet arbre a des usages très multiples ; on en fait des meubles de toute sorte, comme bois de lit, tables, commodes, secrétaires, chaises, etc. Il a, lorsqu’il est bien sec, l’a­vantage de ne pas se tourmenter. Les tour­neurs, les sculpteurs, les carrossiers, en em­ploient aussi beaucoup, et il est indispensable pour les armuriers, car jusqu’à présent au­cun autre bois indigène n’a pu remplacer celui du noyer pour la moulure des fusils.