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liv. ii.
CULT. INDUSTRIELLES : DES ARBRES ET ARBUSTES OLÉAGINEUX.


de l’arbre, qui dans le principe est bien plus gros que la tige elle-même, ne trouve aucun obstacle pour se former et s’enfoncer pro­fondément. On ne doit semer les noix ni à la volée, ni au plantoir, mais il faut faire de petits sillons, à 1 pied les uns des autres, aux­quels on donne 2 pouces de profondeur dans les terres fortes, et 3 pouces dans celles qui sont légeres , et on place les noix au fond, en laissant 6 pouces d’intervalle de l’une à l’autre. Une chose qui n’est pas à négliger, en plaçant chaque noix au fond du sillon, c’est que les sutures de ses valves soient tou­jours perpendiculaites à l’horizon ; car, lors­qu'elles se trouvent placées ho­ri­zon­ta­le­ment, la germination se trouve gênée par cette dis­position des coquilles qui empêche d’une part la radicule de descendre perpendicu­lairement dans la terre, et de l’autre la plu­mule ou jeune tige de s’élever verticale­ment, parce que l’une et l’autre peuvent se trouver arrêtées dans leur chemin par les valves ; de sorte que presque tous les pieds qui résultent de cette germination gênée restent en retard des autres, et même quel­quefois sont très-rabougris.

Plusieurs agronomes ont recommandé de laisser plus d’intervalle entre les plants du jeune semis, mais je puis bieii assurer que la distance que j’ai indiquée est très-suffi­sante, puisque les plants d’un semis ainsi disposé, que j’avais laissés en place jusqu’au mois de novembre de la seconde année, avaient alors pour la plupart 5 à 7 pieds de hauteur.

Comme le noyer est toujours destiné à être transplanté, et comme il forme dès la première année du semis un gros et long pivot qui tend ensuite à s’enfoncer profon­dément les années suivantes, et que si on le laissait à la même place, il ne donnerait que peu ou point de racines latérales, qui lui sont cependant nécessaires pour faciliter Sa reprise lors de la transplantation, on est dans l’usage, à la fin de l’automne de la pre­mière année du semis, ou seulement en fé­vrier et mars, de relever tout le plant pour le replacer en pépinière, après avoir rac­courci son pivot à la longueur de 8 à 9 pou­ces, afin de le forcer à pousser des racines latérales. On a conseillé de ne pas couper le pivot, mais de le coucher dans la trans­plantation. Ce moyen ne donnerait pas d’ar­bres faciles à transplanter, et le pivot con­tinuant à s’alonger dans le sens où il aurait été couché, empêcherait de pousser des racines latérales qui facilitent toujours bien plus la reprise des arbres qui sont trans­plantés à l’âge de 4 ou 5 ans ou plus.

Il n’est pas besoin de dire que la terre de la pépinière doit avoir été bien préparée. La distance à leur donner dépend de l’espace dont on peut disposer ; si l’on en a beaucoup, on devra les placer à 3 pieds en tous sens ; mais, si on est plus resserré, on pourra, sans beaucoup d’inconvénient, les rappro­cher davantage. Ainsi, j’ai élevé plusieurs milliers de noyers en les plantant par ran­gées à 2 pieds l’une de l’autre, et en met­tant seulement 18 pouces d’intervalle entre les plants.

La première année du semis, les noyers doivent d’abord être sarclés dès qu’on y voit des mauvaises herbes ; et, dans le reste de la belle saison, on leur donne deux bina­ges. A moins d’une sécheresse extraordinaire, on peut se dispenser de les arroser. Quand les noyers ont été transplantés en pépinière, on leur donne chaque année un labour dans le courant de l’hiver et deux binages pendant la belle saison.

Les noyers élevés en pépinière sont bons à mettre en place lorsqu ils ont acquis 9 à 10 pieds de hauteur, ce qui leur arrive à l’âge de 3 à 5 ans, selon que le terrain de la pépi­nière est plus ou moins favorable. Jusque là, comme ces arbres ont de la tendance à pous­ser un assez grand nombre de branches laté­rales, il faut avoir soin, deux fois dans le cou­rant de la belle saison, dans les mois de juin et d’août, de leur couper très-près de la tige principale tous ces rameaux secondaires.

Le noyer dans la pépinière, ou quand on le transplante à demeure, ne supporte pas d’être étêté ainsi qu’on le fait ordinairement pour plusieurs autres espèces d’arbres ; il faut au contraire avoir grand soin de lui niiisrivrr son bourgeon terminal, parce que son bois étant très-tendre dans sa jeunesse et ayant beaucoup de moelle, l’eau des pluies, en s’in­troduisant dans le trou qui ne tarde pas à se former par suite de l’amputation de la tête de l’arbre, endommage bientôt cette partie, et y développe une pourriture qui, en s’éten­dant par la suite, peut causer la carie de tout le tronc. Cependant, lorsque par l’efffet de la gelée, ou autrement, de jeunes noyers ont perdu leur bourgeon terminal, on répare assez facilement cette perte en coupant bien net, avec une serpette parfaitement tranchante. la tige morte et flétrie, le plus près pos­sible du premier bourgeon qui paraît se dé­velopper avec vigueur ; de cette manière il se forme ordinairement, avant la fin de la belle saison, assez d’écorce pour recouvrir la plaie.

On n’est pas dans l’usage de greffer le noyer, dans beaucoup de pays où cet arbre est d’ailleurs assez répandu ; cependanl, l’ob­servation a appris que les récoltes de noix sont bien plus abondantes dans tous les can­tons où cette pratique est en usage, que dans ceux où l’on n’élève cet arbre que franc de pied. Dans le Dauphiné et dans plusieurs parties du Midi, on greffe principalement les noyers avec la variété dite nois de mé­sange, qui se charge proportionnellement de plus de fruits que les autres variétés, et dont l’amande de la noix produit aussi une plus grande quantité d’huile.

On peut greffer le noyer en fente, à la fin de l’hiver ou dans les premiers jours du printemps, et en écusson lorsque les arbres commencent à entrer en sève ; mais la greffe qui réussit le mieux sur cette espèce, est celle dite en flûte ou en sifflet. Comme il a eté traité de cette dernière à l’article du mûrier, il devient inutile d’y revenir ici ; il suffira de dire que c’est le plus souvent dans les pépinière qu’on greffe les jeunes noyers âgés de 2 ans, en plaçant comme pour le mûrier la greffe au dessus du collet de la racine ;ensuite le jet qu’elle produit est traité, pour en former une tige droite et élevée, comme l’est celle d’un noyer venu de semis.