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chap. 9e
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DE LA VIGNE ET DE SA CULTURE.


ces sur l’abondance ou la bonne qualité de la récolte.

Commençons par le plus commun de ces fléaux, la gelée. Souvent elle est assez forte pendant les hivers rigoureux pour éteindre ou désorganiser les yeux ou boutons, et même attaquer le bois et ruiner complètement beaucoup de ceps ; nous en avons eu souvent de tristes exemples. Les gelées du printemps sont plus communes, et, à moins qu’elles ne soient très-fortes, leurs effets se font ressentir fort inégalement. Des vignes en sont presque entièrement exemptes, d’autres en partie. Cette inégalité de ses coups se fait remarquer sur les jeunes pousses d’un même cep, et est le plus souvent inexplicable. On a indiqué comme moyen préservatif la fumée produite par plusieurs tas d’herbes et de broussailles mouillés pour la rendre plus épaisse, et placés au vent de la vigne pour que la fumée se répande sur elle ; mais il est rare qu’on ait le temps ou même la volonté de faire ces préparatifs. Si l’on n’avait que quelques ceps précieux à conserver, un moyen simple et facile serait de piquer à leur pied des branches de jeunes pins ou de grande bruyère, car presque toujours les plus simples abris suffisent. Un célèbre propriétaire et commerçant de Champagne emploie ce moyeu avec le plus grand succès. Comme il arrive ordinairement que les cépages les plus hâtifs à la pousse, tels que celui connu sous le nom de Pineau menu en Touraine, sont les seuls frappés quand la gelée survient avant la mi-avril, c’est une considération qui devra avoir du poids dans le choix du plant lors de l’établissement d’une vigne. — Quelquefois on est surpris aussi par la gelée vers les premiers jours d’octobre ; alors les raisins durcissent et cessent de mûrir, et la plupart conservent l’acidité du verjus. C’est en vain qu’on leur laisse le temps de parvenir à leur maturité, leur parenchyme est désorganisé, et l’état qui suit est la pourriture. — On préserve assez sûrement la vigne des gelées d’hiver et du printemps en la couvrant de terre ; ce moyen est employé sur les côtes du Rhin, dans le Jura, en Piémont, dans la plaine de Novi, et en Hongrie au vignoble de Tokai.

Un autre fléau non moins redoutable est la grêle ; pour celui-ci rien ne peut en préserver que la faveur du ciel. Cependant il ne frappe pas aussi généralement que la gelée ; certaines localités y sont plus sujettes que d’autres. Il arrive souvent que ses suites ne sont pas seulement funestes pour la récolte de l’année même, mais se font encore ressentir dans l’année suivante.

Un autre état de l’atmosphère presque aussi désastreux, et qui l’est même davantage par son universalité, c’est une humidité continue telle que celle que nous avons eue en 1816 ; on n’avait pas vu d’année depuis un demi-siècle où la récolte fût aussi mauvaise en tout point.

Des pluies trop fréquentes sont surtout dangereuses dans le temps de la floraison de la vigne, car alors elles sont une cause certaine de coulure.

La coulure est un accident auquel sont particulièrement sujettes certaines variétés de vigne ; les intempéries, telles que les vents froids et les pluies, secondent et même déterminent cette fâcheuse disposition à laisser tomber les fleurs sans qu’elles tournent en grain. Alors les grappes même tombent, n’ayant rien à nourrir. Parmi les cépages qui y sont le plus sujets, passent en première ligne le Pendoulau du Jura, et le Côt des coteaux du Cher, Pied rouge, Côte rouge, Pied de perdrix ailleurs. On a bien indiqué un moyen assez certain d’empêcher la coulure, l’incision annulaire ou circoncision, moyen dont quelques amateurs de jardinage font usa.ne avec un succès constant sur les vignes d’espalier ; mais on a remarqué que la qualité du vin en était altérée, et qu’elle affaiblissait pour long-temps les ceps opérés.

Si une humidité trop prolongée est pernicieuse à la vigne, une trop grande sécheresse l’est presque autant, surtout si le sol est très-incliné au midi et repose sur le tuf ; alors les feuilles jaunissent et tombent même quelquefois ; et si c’est à l’approche des vendanges, la peau du raisin durcit et s’épaissit, et le raisin ne peut atteindre une maturité parfaite.

Les vents violens font aussi beaucoup de tort aux vignes, surtout aux vignes sans échalas ou à celles échalassées avant l’accolage que l’on retarde toujours trop.

Les intempéries ne sont pas les seules causes des risques que la vigne ait à redouter : il est quelques affections morbifiques de la vigne auxquelles la nature du terrain, ainsi qu’il arrive pour la coulure, dispose plus ou moins quelques cépages, et aussi certaines circonstances de température ; les plus communes sont la brûlure des feuilles et le grillé des raisins, dues à des coups de soleil trop ardens ; la rouille due à l’invasion d’un champignon parasite ; la jaunisse occasionée souvent par la présence de l’isaire, autre champignon parasite interne ou subterrané, qui s’attache aux racines. Il n’est aucun moyen de remédier aux deux premières ; quant à la dernière, on peut empêcher son extension en faisant une tranchée profonde autour des ceps attaqués.

Enfin plusieurs sortes d’insectes, quelques quadrupèdes et des oiseaux de diverses espèces causent à la vendange de grands dommages. Parmi les premiers, les durbecs ou becinares, le charançon gris, la larve du hanneton se font remarquer le plus souvent par le vigneron ; parmi les seconds, les chiens, les renards, les blaireaux et les hérissons : et au nombre des derniers, les grives et les étourneaux qui y tombent par bandes, sont les animaux qui font le plus de dégât, surtout dans les vendanges tardives.

§ XII. — Des frais et produits de la vigne.

Nous allons terminer cette notice par un état des frais dont le propriétaire doit faire l’avance avant de toucher quelque chose du produit de sa vigne. Nous n’avons trouvé nulle part de documens suffisans pour établir une comparaison, mais il doit y avoir peu de différence dans le total de ces frais, ayant choisi pour type une closerie ou vi-