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liv. ii.
CULTURES INDUSTRIELLES : DE LA VIGNE ET DE SA CULTURE.


fini leurs trois façons au 1er de juillet, ce qui fait un intervalle beaucoup trop considérable entre la dernière façon et les vendanges ; aussi voit-on beaucoup de vignes salies de mercuriales et de soucis dont la présence ne contribue pas peu à donner au vin un goût particulier peu agréable, dont le terroir seul est accusé.

En suivant ainsi l’ordre de la succession des travaux de la culture de la vigne, nous sommes arrivés aux deux derniers qui se font simultanément dans les vignes des propriétaires soigneux de la qualité du vin ; c’est, pour celles où il n’y a pas d’échalas, le posage des fourchettes ou piquets légers, d’environ 35 centimètres et dont la partie supérieure a deux petits fourchons, ou, à leur défaut, est fendue et maintenue ouverte par un écli de bois, et, pour toutes les vignes sans exception, l’épamprement, au moyen duquel on expose les raisins aux rayons du soleil en les dégageant des feuilles ou pampres qui les interceptaient. Cette opération, bien faite et en temps convenable, est fort utile ; la maturité du raisin se décide mieux et s’accomplit sous des conditions plus favorables, le raisin étant exposé sans intermédiaire aux rayons du soleil, et baignant dans un air continuellement échauffé par les rayons directs et réfléchis du soleil, et maintenu tel pendant la nuit par la chaleur accumulée pendant le jour, qui se dégage du sol. Cet effet est d’autant plus marqué alors sur la vendange, que de fréquentes rosées en attendrissent la peau ; toutefois, il faut prendre garde de commencer trop tôt, car il arrive souvent dans ce cas que les raisins sont grillés par la chaleur encore trop vive du soleil. — Si Bosc, dont l’autorité est puissante sans doute, mais qui n’a jamais eu assez de temps à consacrer à ses observations pour qu’elles soient toutes d’une égale justesse, avait considéré que les propriétaires ne se décident à se livrer à des soins dispendieux que parce qu’ils en ont reconnu l’efficacité, il se serait bien gardé de blâmer cette pratique ; il m’est impossible aussi de m’associer à lui pour la condamnation qu’il prononce contre les vignerons des environs de Metz, qui n’arrêtent pas ou ne rognent pas les bourgeons de leurs vignes, et je ne puis admettre l’existence des prétendus résultats de cette omission, dont ils ne se sont sûrement jamais aperçus.

J’aurais pu présenter un tableau des différens modes de culture des vignobles les plus renommés, comme je me l’étais propose, mais ces différences sont la plupart trop légères pour que la description de chacune d’elles n’eût pas été une répétition fastidieuse et sans intérêt ; j’ai seulement saisi leurs traits principaux les plus importans, et je me suis réduit, à l’exception de la courte notice sur le vignoble du Médoc pour le rouge, et sur celui du Mâconnais pour le blanc, qui présentent l’un et l’autre des différences plus tranchées, à ne parler que des pratiques qui leur sont communes ou de celles dont la différence a un motif rationnel, d’après l’autorité de l’expérience et celle des auteurs les plus éclairés, en me défendant, à l’égard de ceux-ci, du prestige de leur réputation, quand leur avis était contraire aux observations journalières des vignerons.

Il semblera peut-être quelque peu téméraire, de la part de l’auteur d’un exposé des modes de culture de la vigne, d’oser blâmer quelques parties de celui suivi sur les bords de la Marne et vers la Côte-d’Or, et au lieu de s’en tenir à les exposer exactement, d’en avoir décrit un autre qui n’en diffère pas à la vérité dans son ensemble, mais seulement dans le retranchement de quelques vices de détail, trop palpables pour douter qu’ils existent ailleurs que dans la tête de ceux qui les rapportent. Par exemple, quel est le propriétaire assez dissipateur des ressources de prospérité de son domaine pour emplir de fumier, lors de la plantation, des fosses de 2 pieds de profondeur, et capable de la misérable spéculation de placer trois chevelus ou même trois crossettes dans la même fosse pour en relever un ou deux par la suite ? Quel propriétaire est assez jaloux d’atteindre la plus haute qualité pour son vin, excepté sur les bords de la Marne où il se vend 3 fr. la bouteille, pour augmenter encore les frais de culture par ceux d’un ou même deux ébourgeonnages, si toutefois cette opération y contribue ? Nous pouvons donc affirmer avec certitude d’être approuvé par tout homme sensé, tant soit peu au courant des connaissances générales sur cette matière, et c’est le résumé de tous les traités d’œnologie :que c’est à la nature du plant, à celle de la terre, au soin du provignage[1] annuel d’environ la vingtième partie des ceps, qui procure une longévité presque séculaire à des vignes qui seraient de très-courte durée sans lui ; à celui aussi de s’abstenir de l’usage du fumier sans mélange et de tout autre moyen d’abondance ; à l’attention enfin de ne laisser faire à la vendange qu’un court séjour dans la cuve, que les Bourguignons doivent la supériorité et la renommée de leurs vins ; que la qualité différente des produits des autres vignobles dépend également de la variété des plants qu’on y a adoptés et que nous avons indiqués, ainsi que des soins de fabrication qui sont ailleurs exposés avec tous les détails suffisans pour les faire bien connaître. Or, tous ces soins peuvent être imités, toutes ces circonstances peuvent se trouver ailleurs dans un climat pareil.

§ XI. — Circonstances nuisibles à la production de la vigne.

Arrivés au point de n’avoir plus à attendre qu’un beau jour pour commencer les vendanges, nous renverrons à la division des Arts agricoles les soins qu’il faut prendre et les considérations qui doivent en déterminer le moment précis. Nous allons terminer cet article par un coup-d’œil sur toutes les causes qui peuvent avoir de fâcheuses influen-

  1. Ce mode d’entretien a suivi les plants de vigne auxquels il est appliqué, partout où ils ont été transportés ; circonstance d’autant plus facile à expliquer à la simple inspection, que leur faiblesse en fait une nécessité.