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chap. 9e
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DE LA VIGNE ET DE SA CULTURE.


plus voisine de terre ; celle charge modérera un peu la vigueur de la végétation en augmentant la production. Le sarment de la tête ne sera taillé qu’à 2 yeux pour ne pas élever trop vite le cep ; car la hauteur la plus convenable de la souche se trouvera toujours entre 30 et 60 centimètres. On aura grand soin de ployer la verge, soit au cep même, soit à un échalas, si l’on en a fait les frais ; car de ce ploiement bien fait résultera, pour l’année suivante, la nouvelle verge ou du moins un côt ou accôt d’attente, appelé par nos vignerons niquet ; c’est la naissance d’un sarment retranché et dont on laisse seulement 2 à 3 centimètres de bois, d’où il pousse ordinairement une bonne verge pour l’année suivante. C’est bien sur le plus fort sarment qu’il faut asseoir la taille, pour former la souche et lui donner du corps, mais il n’en est pas de même de la verge ; elle ne doit être choisie que de médiocre grosseur, parce que très-forte elle est moins sujette à avoir des boutons fructifères, et s’il y en a de cette nature qui se développent, à ne pas tourner à bien à la floraison. C’est surtout au Pendoulau que cette observation s’applique, quoiqu’elle ne soit pas à négliger non plus pour le Carbenet ou Breton, le Surin ou Fié, ou Sauvignon, el même notre Côt ou Pied de perdrix. Quant aux vignes fécondes, telles que le Gamet, le Liverdun, le Pinaut blanc des côtes de la Loire, etc., il ne faudra jamais leur laisser de verge, mais les tailler à 2 ou 3 yeux seulement. La partie du sarment qui reste à la souche, et qui est de 10 à 12 centimètres, s’appelle, selon les localités, courçon, brochette, côt, poussier. Souvent, quand la vigne est jeune et pas trop épaisse, on en laisse deux. Les vignerons de plusieurs communes d’Entre-deux-Mers près Bordeaux, taillent à court bois et sur trois membres toutes leurs vignes ; les souches sont distantes entre elles de 133 centimètres. C’est ainsi que je cultive avec succès une trentaine de souches d’un cépage du midi, le Spiran, dont les raisins, très-bons à manger, mûrissent difficilement.

On supprime ordinairement tous les bourgeons adventifs sortis sur le vieux bois ; quelquefois cependant, si l’on juge que le cep est trop monté, on le démonte et on le rabat sur ce bourgeon qu’on taille à 2 yeux et qui renouvelle la souche ; car si la déviation successive de la souche à chaque taille contribue à élaborer la sève et à rendre le vin plus délicat, quand elle est portée trop loin , la végétation est languissante, les pousses sont faibles et ne donnent que des grappillons. C’est surtout après les fortes gelées d’hiver que cette ressource est précieuse.

Il y a quelques cépages vigoureux dont la maturité du raisin est difficile ; alors il vaut mieux, au lieu de leur laisser une verge, leur laisser deux ou trois membres que l’on traite chacun comme un cep à part, en taillant également le sarment qu’on leur laisse à 2 yeux. Les raisins mûrissent mieux de cette manière que s’ils étaient produits par une verge. C’est ainsi qu’on les taille dans beaucoup de localités du midi.

Quand la nature du plant exige que vous laissiez des verges ou ployons, il ne faut pas trop tarder de les courber, car la sève se porte activement aux boutons supérieurs et abandonne les inférieurs qui avortent ; tous les vignerons le savent bien ; mais cette connaissance ne les détermine guère à se presser davantage.

C’est ici le moment de remarquer que les trois pratiques essentielles et caractéristiques du traitement des vignes de Champagne et de Bourgogne sont : la taille à court bois nécessitée par la nature faible des plants adoptés ; le provignage périodique, annuel même dans la Champagne, dont la nécessité dérive de la même cause ; et l’ébourgeonnage qui nous en semble aussi une conséquence, puisque son principal but est d’empêcher la dispersion inutile de la sève en la forçant à ne servir qu’au développement des bourgeons conservés. Nous ne pouvons mettre sur la même ligne d’importance la rognure des sarmens au-dessus de l’échalas, qui du reste a lieu partout moins en vue du bon effet qu’elle peut produire que comme soin de propreté et de quelque ressource pour le bétail.

Nous ne pouvons mieux faire, pour terminer cet article, que de prendre dans la Statistique œnologique de M. Cavoleau, ouvrage fort recommandable, l’aperçu qu’il donne de la culture de la vigne dans le Médoc et les Graves de Bordeaux ; nous le ferons suivre de la description du mode de conduire la vigne blanche dans les environs de Mâcon, où il nous parait fort bien entendu.

Dans le Médoc, les crossettes sont plantées à 3 pieds de distance et bien alignées ; on ne donne qu’un pied de hauteur à la tige le long de laquelle on plante un carasson ou piquet de la même hauteur ; aux carassons sont attachées des petites perches de 10 à 12 pieds de longueur, le long desquelles on couche les deux branches qu’on laisse à chaque cep au moment de la taille. La vigne reçoit quatre labours à la charrue ; mais les raisins sont assez élevés pour ne pas traîner sur la terre, lorsqu’on a l’attention de tenir toujours les branches de la vigne attachées aux perches, et assez rapprochés du sol pour recevoir l’action réfléchie du soleil et son action directe quand on a soin d’ébourgeonner convenablement. M. Cavoleau regarde cette culture comme parfaite ; je me range à cette décision avec d’autant plus d’empressement que ses avis comme ses observations indiquent toujours un homme très-éclairé et très-judicieux ; on ne pourrait faire qu’une objection, l’augmentation des frais pour achat de perches et palissage, frais qui me semblent bien compensés par l’économie des façons données à la charrue.

Voyons maintenant comment les vignerons du Mâconnais dirigent leurs vignes blanches : nous passons tout de suite à la quatrième année, le traitement pendant les trois premières n’ayant rien de particulier. On choisit, parmi les sarmens qui ont poussé, l’un des plus bas, pourvu qu’il soit vigoureux, et on le raccourcit à 15 à 18 pouces de longueur. On enlève 5 à 6 yeux de son extrémité supérieure, qu’on pique en terre en la rapprochant du cep de manière que le ployon