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chap. 9e
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DE LA VIGNE ET DE SA CULTURE.


nous parait trop peu. Il parait, d’après un passage des Géoponiques, que les anciens mettaient leurs rangées à 2 pieds et demi ou 80 centimètres ; c’est aussi la distance généralement reconnue comme la plus avantageuse par les modernes ; du moins c’est celle adoptée dans les vignobles bien soignés des régions centrale et septentrionale ; celle entre les ceps d’une même rangée est de 66 centimètres, ou 2 pieds. On a souvent conseillé de les écarter davantage. M. de Fourqueux, ancien conseiller au parlement de Paris, avait essayé, il y a une cinquantaine d’années, d’arracher une rangée entre deux d’une vigne située à quelques lieues de Paris, et ses récoltes étaient devenues plus abondantes ; mais la vendange mûrissait moins bien, et le vin avait moins de qualité. Beaucoup d’autres essais ont été faits depuis, et quoique les propriétaires qui les ont tentés s’en soient félicités, le même effet a dû être produit par la même cause ; car on a remarqué depuis longtemps, que dans les vignes où les ceps étaient très-rapprochés, comme de 50 à 60 centimètres, leur état de faiblesse abrégeait le cours de leur végétation annuelle, et par conséquent avançait la maturité, d’autant plus que la chaleur s’y concentrait davantage et l’humidité s’y évaporait moins vite.

La culture dans le midi de la France a lieu généralement de la manière suivante. Que la terre soit limoneuse, argileuse, calcaire, quartzeuse ou siliceuse, pourvu que la charrue puisse la parcourir en tout sens, on la défriche, on la défonce, on aplanit la surface, et du 1er décembre au 1er avril, on la plante en vigne. Un ouvrier précède les planteurs et trace très-adroitement avec une petite houe, placée à l’extrémité d’une perche sur laquelle il est à cheval, de petits sillons espacés entre eux de 3 pieds et 1/2 à 4 pieds et 12 (1 mètre 187 à 1 mètre 625). D’autres sillons croisent ceux-ci à angles droits, et indiquent par leurs intersections les points où le planteur doit ouvrir un trou de 0,45 à 0,60 avec un pieu de fer. Le sarment est déposé dans un trou et rapidement chaussé avec la pointe du pieu, et avec le pied du planteur. Si le propriétaire veut s’imposer plus de soins, il défonce le sol avec la grande charrue Dombasle, et fait élargir le trou, toujours avec le pieu ; et même s’il plante dans le voisinage de l’eau, il arrose et inonde le trou avant de le chausser. En 1817, je fis délayer dans l’eau des cendres de four à briques, qui activèrent puissamment la végétation ; à la serpe on a substitué le sécateur ; c’est une heureuse réforme. Après les premières pluies du printemps on laboure la plantation, et autant que possible on renouvelle ce labour, toujours croisé avec le dernier, toutes les fois que les herbes ou la sécheresse en indiquent l’utilité. Dès le mois de novembre on commence à tailler les jeunes vignes, et la charrue ameublit de nouveau le sol : alors des femmes armées d’une houe, décrite par Thouin (Voyez Tom. I, page 230), travaillent la terre autour du cep, déchaussent ce dernier et forment un entonnoir qui déborde le sol de 3 à 4 pouces. Au printemps suivant deux labours croisés précèdent le retour des femmes, elles remuent la terre non labourée, détruisent les herbes échappées au soc et chaussent le cep. Enfin, on laboure encore si les sarmens le permettent, dans les mois de juin et d’août. Dès la troisième année la jeune vigne est en culture régulière. Les labours s’exécutent avec l’araire simple sans avant-train (fig. 56) sans coutre ni versoir. C’est encore celle que les Romains introduisirent dans la Narbonnaise. — Cette charrue se compose : d’un sep triangulaire en bois dont les 2 oreilles enchâssent l’extrémité de la flèche ; ce sep est tenu au pied de la flèche dans une position horizontale par deux broches en fer écrouées sur la flèche ; d’un soc en fer très-pointu, qui repose immédiatement sur le sep entre les deux broches, et dont le manche pénètre dans une ouverture pratiquée au bas de la flèche : il y est assujetti au moyen de coins en bois et aussi par la partie inférieure du mancheron ; l’extrémité antérieure de la flèche traverse et s’appuie sur un anneau en fer, uni à un autre anneau qui traverse le joug et que soutient un régulateur en bois. Par la forme du joug la charrue peut à volonté se rapprocher des ceps sans les endommager ; lorsque la vigne est plantée à 1 mètre 50, la charrue trace 5 sillons entre deux rangées, et 4 seulement au printemps pour éviter de briser les jeunes pousses. Ce sont des femmes qui, avec la houe-bident, achèvent d’ameublir la terre et de la niveler au pied des ceps. Ainsi donc chaque vigne en cours régulier de culture reçoit annuellement 4 labours, et les ceps sont travaillés deux fois avec la houe-cordiforme et la houe-bident ; un second labour croise toujours le premier.

Fig. 56.

§ VI. — Façons d’entretien.

Lorsque la plantation est faite, le moyen le plus habituel d’en assurer le succès, est de tenir toujours la terre meuble et nette d’herbes dont les engrais et l’ameublissement de la terre ont facilité la germination et la croissance rapide. Dans les vignobles peu pierreux on se sert d’une houe dite masse, à lame un peu large, de 16 à 18 centimètres à sa partie supérieure, et très-recourbée vers le manche, avec lequel elle fait un angle de 15 à 20°. Dans ceux où les pierres seraient un obstacle à l’usage de cet instrument, on se sert de la pioche, espèce de fourche à deux branches longues d’environ 50 centimètres, encore plus inclinées vers le manche. L’ouvrage fait à la marre est meilleur que celui fait à la pioche, parce que la première tranche les racines des herbes et que l’autre ne fait que les déplacer ; mais, dans les terrains