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chap. 9e
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DE LA VIGNE ET DE SA CULTURE.


sous le nom de Carbenet dans la Gironde. C’est un cépage vigoureux et passablement productif, peu sujet à la coulure, mais un peu tardif à mûrir. Le vin qu’il donne est léger, peu spiritueux, mais fort agréable lorsqu’il a vieilli. Dans sa jeunesse il a une saveur propre qui ne plaît pas toujours à ceux qui n’y sont pas accoutumés, et qui ressemble à ce qu’on appelle goût du terroir. Sa grappe est cylindrique, à grains noirs, d’une moyenne grosseur. C’est lui qui produit les vins délicats, mais un peu froids, de Bourgueil. Les meilleurs vins blancs de l’ouest de la France sont presque exclusivement le produit de deux cépages nommés Pinaut le gros et le menu, mais principalement du gros généralement connu sous le nom de Pinaut blanc, qui est préférable à l’autre sous beaucoup de rapports : il est presque le seul sur les coteaux de Saumur et d’Angers. Sous le nom d’Ugne lombarde, il est fort estimé dans le département du Gard. Nous avons acquis la conviction, depuis 25 ans, de la parfaite identité de ces cépages. Il est aussi connu, dans quelques localités des coteaux de la Vienne, sous le nom de Chenin. C’est toujours de la variété dite gros Pinaut dont nous parlons. C’est le seul cépage à la fois robuste et fécond, qui réunit a ces qualités celle de faire de très-bon vin ; encore faut-il, pour qu’il jouisse pleinement de cette faculté, le réduire par une taille rigoureuse à l’état des cépages peu fertiles. Le gros et le menu Pinaut ne sont en état de fournir un vin de première qualité que lorsque leur maturité est poussée jusqu’à la décomposition de leur pellicule. Ces cépages sont la base des vignobles de Vouvrai, dont les vins sont si estimés des Flamands. Le gros a la grappe ailée et conique, les grains oblongs ; l’autre, la grappe plus tassée et les grains ronds.

Pulsart, Pendoulau. — Si l’on ajoute à tous les plants dont nous venons de parler celui appelé Pendoulau, Pulsart, Raisin perle, formé de gros grains violets, ovales, et d’une végétation vigoureuse, particulièrement cultivé dans le Jura où il donne un vin très-délicat, soit rouge, clairet ou blanc, on aura une connaissance suffisamment exacte des espèces les plus précieuses qui sont le plus cultivées dans la partie viticole septentrionale de la France. Il a besoin, pour réussir, d’une bonne terre argileuse, coule facilement, et rapporte peu dans une terre maigre, surtout si l’on oublie à la taille que, plus encore pour lui que pour tout autre, il faut conserver et asseoir la taille sur les sarmens de médiocre grosseur, et non sur les plus gros.

Teinturier ou Gros noir. — Comme nous n’avons voulu parler jusqu’ici que des cépages dont l’influence pour la bonne qualité est reconnue, nous avons omis ce cépage, qu’on ne peut s’empêcher de mentionner, quoique sa seule destination, comme l’indique sou nom, soit de teindre d’autres vins ; car il compose, même souvent exclusivement, la plupart des vignobles de Blois à Orléans, en n’y comprenant pas toutefois ceux de Beaugency.

Par d’autres raisons que nous allons déduire, on ne peut non plus négliger de parler ici d’un plant connu presque partout sous le nom de Folle-blanche, et dans quelques lieux sous celui d’Eurageat. Ces raisons sont l’étendue de sa culture dans quelques départemens du centre occidental, et son influence bien constatée sur l’excellente qualité de l’eau-de-vie en laquelle ses produits sont convertis. Le vin en est assez agréable, mais d’une courte durée. Cette variété exige une taille à court bois. Ce n’est pas cette espèce qui contribue à faire sortir les vins de Bergerac de la ligne des vins communs, comme l’a consigné Bosc dans son article Vigne du Cours complet d’agriculture, mais le Muscat fou ou Blanc-doux.

Voilà à peu près les plants les plus multipliés dans les vignobles les plus distingués de la région viticole située entre le 50° et le 45° de latitude, et dont quelques-uns se représentent avec honneur dans la région plus méridionale. Par exemple, déjà nous avons parlé du Carmenet ou Carbenet, le plus généralement cultivé dans le Médoc avec tant de prédilection qu’on lui en associe peu d’autres ; mais, dans les Graves et les Palus, il est souvent accompagné des suivans : le Merlot, le Verdot, le Malbeck et le Massoulet. Les variétés qui produisent dans la même contrée les meilleurs vins blancs, notamment ceux de Santerre, Barzac, Preignac, etc., sont, dans l’ordre de l’estime qu’on en fait : le Blanc-semillon, les Sauvignons jaune et vert ; le Blanc-doux ou Douce-blanche ou Muscat fou. On ne fait la récolte, de même que pour les meilleurs vins blancs de la Loire, que lorsque la vendange a acquis un excès de maturité. Les Sauvignons jaune et vert sont aussi très-répandus et très-estimés dans les vignobles de la contrée viticole dont nous avons parlé d’abord ; ils y sont connus quelquefois sous ce même nom, d’autres fois sous ceux de Savignin, Surin, Fié. Ils sont d’un goût très-fin, surtout le jaune, qui est moins fertile, et ils contribuent beaucoup à communiquer au vin, dans la composition duquel ils sont entrés, une saveur particulière que l’âge rend plus agréable. Il n’est pas avéré, comme le dit un auteur, que le vin qu’ils produisent soit de pende garde, car j’en ai qui a quinze ans et qui est loin de décliner.

Le Blanc-semillon est facile à reconnaître à son sarment volumineux et de couleur rouge-brun, à sa grappe ailée composée de grains assez gros, peu serrés et d’une couleur jaune-clair, d’une nuance peu commune. Ses raisins mûrissent bien et de bonne heure, même en Touraine, à une exposition médiocre. Dans ces mêmes vignobles, mais surtout dans quelques localités des départemens de l’Aude, du Gard et des Pyrénées, on cultive beaucoup la Blanquette ou Clairette, qui fournit les vins si agréables dits Blanquette de Limoux et Blanquette de Calvisson. Ce raisin est aussi très-bon à manger ; on ne peut expliquer pourquoi il n’est pas plus commun dans nos vignobles du centre, car il y mûrit aussi bien et même plus hâtivement que beaucoup d’autres ; du moins il en est ainsi dans mon vignoble, qui ne jouit pas d’une exposition très-favorable.