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liv. ii.
CULTURES INDUSTRIELLES : DE LA VIGNE ET DE SA CULTURE.


du moins qu’aucune année ne fut si constamment humide, et qu’en aucune on n’avait si rarement vu régner le vent du nord que l’année 1816, si désastreuse pour les vignobles, autant par le défaut de récolte que par sa mauvaise qualité. Il est même quelques cépages, tels que les muscats, qui exigent cette exposition dans nos départemens du midi. Serait-ce, comme le prétend un auteur champenois (Bidit), parce que le vent du nord a la double propriété d’éloigner de la vigne tout ce qui peut lui être nuisible, de la rendre plus féconde et même de donner de la qualité à son fruit ? Sans prétendre le décider, mais toutefois en ayant égard à ses observations, nous nous garderons bien de conseiller de ménager ou de créer des abris sur le sommet des coteaux plantés en vignes. Du reste, son opinion est partagée et confirmée par les vignerons de la Gironde qui pensent aussi que les vignobles légèrement inclinés vers le nord ont l’exposition la plus avantageuse, parce que les vents du nord dessèchent la terre, et que l’humidité est le plus grand ennemi de la vigne.

Il n’en restera pas moins constant que l’exposition du midi sera toujours préférable, et que celle du levant sera presque également recommandable, quoiqu’on ait remarqué qu’elle était la plus sujette à la gelée.

Si, en général, les terrains en pente sont préférables, et surtout les flancs des collines, le propriétaire qui n’en aura pas à sa disposition aurait tort de renoncer par cette seule considération à l’établissement d’une vigne ; car, quoique le plus ordinairement les vins des coteaux soient préférables à celui des plaines, il est cependant aussi beaucoup d’exceptions remarquables et même illustres, telles que les vignobles du Médoc et des Graves de Bordeaux, et près de nous ceux de Saint-Nicolas de Bourgueil. A la vérité, les vignes dans ces mêmes cantons sont soumises à un mode de culture différent de celui des coteaux, et qui permet aux rayons solaires de les frapper directement. Le seul soin qu’il y aura alors à avoir si vous avez fait choix d’un terrain en plaine qui réunisse les qualités désirables, sera qu’il ne soit ni trop bas ni trop élevé.

§ IV.— Choix du plant de vigne, ses variétés.

Après avoir arrêté le choix du terrain, détermination pour laquelle il aura été sage de réclamer l’assistance d’un paysan intelligent, on s’occupera du choix du plant ; et cette même assistance ne vous sera pas inutile pour apprécier nettement la valeur relative des diverses variétés cultivées dans le pays. C’est un sujet de réflexion d’une grande importance pour le propriétaire qui veut sortir de la route depuis long-temps frayée par des gens qui n’y avaient pas moins d’intérêt que lui ; mais la plupart n’ont d’autre but dans cette opération que de faire du vin pour le marchand ; peu s’occupent de fonder leur vigne de manière à en obtenir le meilleur vin possible. Nous ne perdrons pas de vue ces deux considérations qui devraient toujours marcher ensemble, au moins pour l’honneur du propriétaire, si ce n’est pas toujours pour son profit.

En général, il sera prudent de se conformer à la loi du pays, de se décider pour les plants de vigne qui y sont réputés donner le meilleur vin, parce qu’il y a trop de dommages à en cultiver qui s’éloignent de l’époque des vendanges des vignobles voisins.

Si l’on juge de l’opinion de nos pères sur la préférence de tel ou tel terrain pour la vigne blanche ou pour la vigne rouge, par la composition de celles qu’ils nous ont laissées, nous devons penser qu’il leur suffisait de reconnaître la propriété d’une terre pour la culture de la vigne, pour qu’ils la crussent également propre à la rouge et à la blanche. Nos connaissances sur cette question ne sont pas beaucoup plus étendues ; car, si nous avons changé de méthode, c’est uniquement pour complaire aux marchands de vin qui nous recommandent toujours de ne pas laisser de blanc parmi le rouge, pour que nous ayons un vin plus foncé en couleur à leur offrir. D’une autre part, on a remarqué que le vin blanc était d’une qualité très-médiocre dans les Palus et le Médoc ; d’où l’on peut inférer que tout terrain n’est pas également propre pour l’un et pour l’autre. Nous donnerons quelques courtes indications des natures du terrain qui conviennent à certains plants les plus connus, et nous nous contenterons, dans la nomenclature raisonnée que nous allons donner, d’indiquer de quels vignobles célèbres ces plants sont la base, en désignant si leur maturité est précoce, moyenne ou tardive.

Nous ne pouvons partager l’opinion de Bosc qui affirme, on ne sait trop sur quelle observation, que chaque plante exige un terrain particulier et une culture qui lui soit propre. Sans doute, les variétés douées d’une grande force de végétation conviendront mieux dans les terres maigres où les plants délicats donneraient une si faible récolte qu’elle ne dédommagerait pas des frais de culture. Nul doute aussi que la taille ne doive être différente pour les uns et les autres. On pourrait aussi ranger au nombre de ces soins particuliers aux espèces d’une faible constitution, et ces soins n’en sont qu’une conséquence, la nécessité de leur entretien par un provignage soutenu ; mais là s’arrêtent les différences de traitement, ou, s’il en est encore quelques-unes, ce n’est qu’entre les espèces vigoureuses et celles d’une nature plus délicate.

De tout temps on a reconnu l’influence de la variété du cépage sur la qualité du vin. Caton, Celse, Columelle, chez les Romains, Olivier de Serres, Rosier, Roxas Clémente, chez les modernes, mettent ce choix au premier rang des considérations qui doivent occuper le plus sérieusement ceux qui entreprennent la plantation d’une vigne. Ce qui en prouve encore plus l’importance, c’est la dénomination de plusieurs vins renommés qui la tirent de celles des plants qui les ont produits ; tels sont, dans le midi, les vins muscats, ceux de Grenache, de Malvoisie, de Picardan dans le centre de la France ; les excellens vins blancs de Vouvrai, de Saumur et d’Angers pourraient également porter le