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chap. 9e
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DE LA VIGNE ET DE SA CULTURE.


génère à chaque reproduction et ne donne bientôt plus à la combustion que de la potasse, fait singulier, mais certain, et que des expériences renouvelées à la manufacture de Saint-Gobain, avec de la semence provenant de pieds nés de graine venue d’Alicante, ont confirmé. Il faut donc renouveler la semence au bout de quelques années, c’est-à-dire se procurer de la graine des plantes venues sans culture dans les marais et qu’aux environs d’Arles on nomme Soude des baines ; pour en obtenir en assez grande quantité, on répand dans ces marais de la graine de soude cultivée qu’on récolte ensuite pour être de nouveau semée avec avantage dans les terres arables. Cette graine se vend toujours en conséquence au moins un tiers plus cher. — On n’est point d’accord sur la quantité de semence qu’il convient d’employer, ce qui provient sans doute de ce qu’il est rare qu’elle soit entièrement bonne ; 5 hectolitres par hectare semblent le terme moyen exigé. — La semence se répand à la volée et est recouverte par un léger coup de herse ; on roule ensuite pour maintenir l’humidité du sol, humidité très-favorable à la germination et qu’on retient souvent en dispersant sur le sol des fanes d’herbes des marais. — M. De Candolle dit qu’aux environs de Narbonne on donne le superflu de la graine de soude aux bœufs de labour, qui l’aiment beaucoup et dont elle conserve la force et l’embonpoint.

La soude souffre beaucoup du voisinage des plantes adventices ; elle exige donc des sarclages répétés, principalement pendant les mois d’avril, mai et juin.

Il a été constaté que toutes les plantes herbacées ou vivaces, qui croissent naturellement dans les terres salées impropres à la culture des céréales, et autres plantes qui craignent la surabondance du sel, décomposent ou absorbent ce sel et rendent par conséquent ces terrains plus tôt susceptibles de recevoir les articles ordinaires de la culture. La soude principalement produit cet effet ; ainsi Pictet-Mollet nous apprend qu’à Alicante on sème toujours à l’automne des céréales sur les terrains qui ont produit de la soude ; dans la Caroline, on a soin de laisser croître, sur les marais salés qu’on endigue, de la soude et autres plantes marines, et par ce moyen on y cultive, au bout de 3 ou 4 ans, du riz et du maïs qui n’y viendraient peut-être pas sans ces précautions avant la 10e ou 12e année. Sous ce rapport la culture de la soude mérite donc encore d’être recommandée.

A la fin d’août, la soude est ordinairement bonne à être récoltée : si l’on désire recueillir la graine, il convient de laisser les plantes un mois de plus sur pied, et dans ce cas on les met sécher sans les amonceler, pour les battre avec des baguettes quand elles sont bien sèches : on nettoie ensuite la graine qui est très-petite et on la conserve dans des sacs. — Au reste, l’époque de la récolte varie selon que la température du printemps et de l’été a été chaude ou froide, selon l’époque des semailles, la nature du sol, etc. Elle est indiquée par le changement de couleur des tiges et la maturité de la moitié des graines. Si l’on attendait plus tard, les produits en sel seraient moindres. — La soude s’arrache à la main ; après l’avoir arrachée, on la dépose sur le sol en petits tas et on l’y laisse pendant 4 ou 5 jours, puis on la met en meules oblongues qu’on recouvre, en cas de pluie, de paillassons ou de nattes pour empêcher l’eau d’y pénétrer ; dans cet état elle fermente et sèche ; elle est ordinairement bonne à brûler au bout de 8 ou 10 jours. — Il faut choisir, pour cette opération, le moment convenable que la pratique seule peut bien indiquer ; car la soude brûlée trop verte ou trop sèche fournit moins de produit. Avant de rassembler les meules pour les brûler, on a soin de les secouer et battre ; on obtient ainsi la graine ; mais comme elle a différens degrés de maturité, elle est très-inférieure à celle des plantes qu’on a laissées parvenir sur pied à maturité complète. — La fabrication de la soude et du salin sera l’objet d’un article spécial de la division des Arts agricoles.

Le produit de la culture de la soude est souvent fort considérable. Dans le sol qui lui convient, on récolte année commune par hectare, outre 90 hectolitres de graines, environ 260 quintaux de plantes vertes, qui peuvent en produire par la combustion 22 de matière saline. Lorsqu’on sème la soude dans un sol marécageux après une seule façon à l’araire et sans autres soins d’entretien, on obtient à peine le tiers de ce produit. Bosc cite un hectare de soude qui, convenablement cultivé aux environs d’Arles, a donné le revenu immense de 5,390 francs net.

C. B. de M.

CHAPITRE IX. — De la vigne et de sa culture.


§ 1er . — Du climat qui convient à la vigne.

La vigne, originaire de l’Asie ainsi que la plupart de nos meilleurs arbres fruitiers, a vu ses produits, comme les leurs, se modifier d’une manière avantageuse par un climat différent et une culture appropriée. Aussi l’avis de Chaptal, quoique combattu par l’auteur estimable d’un nouveau Traité sur la vigne, sera-t-il toujours le plus généralement adopté, quand il dit que les climats tempérés et particulièrement notre belle France sont les plus favorables à la production des bons vins. Sans doute, des contrées plus méridionales produisent quelques vins exquis, mais ce sont généralement des vins de liqueur, égalés par ceux de quelques-uns de nos départemens méridionaux ; quant aux vins dits secs, ils sont également doués d’une saveur et d’un parfum trop exaltés, en sorte qu’on