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AGRICULTURE : ENGRAIS.

fin la chaux éteinte ou hydratée sature avec plus d’énergie des acides plus faibles encore, et peut quelque temps maintenir une légère réaction alcaline favorable à la végétation.

En saturant les acides, soit excrétés pendant la végétation, soit produits par l’altération de divers engrais, les substances précitées (carbonate de chaux, de soude et de potasse) déterminent encore un résultat fort avantageux. Elles laissent dégager lentement de l’acide carbonique, et celui-ci, comme on le démontrera en parlant de la respiration des plantes, est le principal agent de leur nutrition ; il laisse assimiler son carbone et exhaler dans l’air l’oxygène.

Ces dernières réactions, qui contribuent à fournir du carbone aux plantes et de l’oxygène à l’air atmosphérique, sont reproduites même par la chaux lorsque celle-ci s’est peu-à-peu unie avec l’acide carbonique ambiant ; alors elle offre un carbonate calcaire d’autant plus favorable qu’il est en général beaucoup plus divisé, plus pur, plus facilement attaquable que le calcaire des marnes et de diverses roches.

Nous verrons, en parlant des engrais végétaux, que la chaux est encore fort utile comme un excellent moyen de désagréger et d’utiliser comme engrais les débris ligneux trop consistants qui pourraient être nuisibles dans le sol par leur volume et leur dureté.

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§ iii. — Des stimulants et de leurs effets généraux.

Enfin, l’efficacité des engrais dépend encore de la présence et des proportions de divers sels stimulants : la plupart des sels neutres ou alcalins, en petite proportion, paraissent utiles à toutes les plantes, et cela peut tenir à la conductibilité et aux courants électro-chimiques qu’ils favorisent.

Il importe d’autant plus de ne pas confondre l’action de ces substances avec celle des engrais, que, loin de servir eux-mêmes d’aliments aux plantes, ils les rendent plus actives dans leur végétation et capables d’assimiler une plus forte dose des produits des engrais ; que par conséquent on doit augmenter la proportion de ceux-ci lorsque l’on ajoute les stimulants convenables. C’est sous cette condition, et toutes autres circonstances étant favorables d’ailleurs, que l’on obtient de ces deux sortes d’agents un plus grand effet utile.

Quant à la nature et aux proportions des stimulants qu’il convient d’employer pour favoriser l’action des engrais, elles varient suivant les diverses plantes et la nature du sol.

Plâtre. — Nous avons vu dans le chap. précédent, que le sulfate de chaux ou plâtre que l’on emploie en poudre fine, produit ses effets les plus remarquables sur les terres argilo-siliceuses qui en exigent plus que les terrains calcaires ; les luzernes, le trèfle, les fèves, haricots, pois, vesces, et toutes les légumineuses en profitent le plus. On l’emploie avec succès au pied des oliviers, des mûriers, des orangers et de la vigne. Les doses usitées aux environs de Philadelphie, où l’on s’en sert depuis 1772 sans interruption, sont annuellement de 75 à 500 kil. par hectare. Dans un grand nombre de localités, la quantité la plus faible de plâtre employé en poudre fine est à peu près égale à celle de la graine ensemencée.

L’époque qui paraît le plus convenable pour déterminer le maximum d’effet, est celle où les feuilles de la plante sont assez développées pour qu’une grande partie du plâtre soit retenu par elles. On conçoit que, dans cette circonstance, ce sel peu soluble, offrant une plus grande surface à l’action de la rosée, des brouillards et de l’humidité extraite du sol par la plante, doit être dissous en plus grande proportion.

Il est d’ailleurs très-probable que le plâtre n’agit qu’autant qu’il est dissous ; que par conséquent le sulfate de chaux anhydre (plâtre natif), qui, ne contenant pas d’eau de cristallisation, ne peut être cuit ni gâché), de même que le plâtre trop calciné, dit brûlé, ne seraient doués que d’une très-faible énergie. Or, pour que le plâtre soit trop calciné, il suffit qu’il ait été chauffé jusqu’au rouge brun ; alors il ne peut plus se gonfler et se prendre en absorbant l’eau ; mélangé en bouillie avec ce liquide, il reste sans gonflement, sans agrégation, comme le serait de la poudre grossière d’argile calcinée, qu’il pourrait même remplacer s’il n’était trop cher. Le plâtre cru mis en poudre ne se gonfle pas non plus dans l’eau ; il reste sableux. On voit donc que, dans les trois états précédents, le plâtre offre à l’eau moins de prise, moins de surface que lorsqu’il a été cuit au point convenable ou plutôt desséché à une température inférieure au rouge naissant, c’est-à-dire entre 150 et 300 degrés centésimaux[1].

Cuit entre ces limites, le bon plâtre, celui de Montmartre ou de Belleville par exemple, gâché avec son volume d’eau, commencera à prendre de la solidité au bout de 7 à 10 minutes ; si alors on le délaie avec une 2e fois la même dose d’eau, et, dès que le mélange recommence à faire prise, on ajoute encore une 3e dose égale d’eau, et on continue ainsi jusqu’à six fois, le mélange peut encore acquérir une faible consistance. Si on le laisse sécher divisé en mottes à l’air, on peut le réduire très-aisément en poudre fine. En cet état le plâtre agit d’autant mieux qu’il offre une très-grande surface à l’action de l’eau.

On conçoit en effet qu’à chaque addition d’eau le plâtre se gonflant, augmente graduellement de volume, que par conséquent les parties se divisent de plus en plus jusques à occuper 6 fois plus de volume par l’interposition de l’eau.

Lorsqu’au contraire on emploie le plâtre trop cuit, il n’absorbe pas même un volume d’eau égal au sien, ne se gonfle pas et n’é-

  1. J’ai démontré que même un peu au-dessous de 100 degrés le plâtre chauffé avec le contact de l’air peut perdre son eau de cristallisation, et se gâcher ensuite de manière à faire une prise solide, ou se gonfler par l’eau au point de présenter une division convenable ; mais on ne doit pas conseiller, dans la pratique, de cuire le plâtre à une aussi basse température, parce qu’il faudrait trop de temps ou une couche trop mince pour que cela fût économique.