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chap. 3e.
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AMENDEMENS STIMULANS : SUBSTANCES SALINES.

moins pendant toute la rotation de l’assolement. Dans tout ce pays, l’usage de la chaux est très-répandu, mais aussitôt qu’on approche assez des bords de la mer, et que les chemins permettent de se procurer la vase de mer, on n’emploie plus la chaux.

En Bretagne, l’usage du sable de mer, du côté de Saint-Brieuc et de Matignon, s’est aussi, depuis 30 ans, beaucoup répandu ; il n’était connu qu’à Hilion, où il s’était établi depuis moins de 50 ans ; mais depuis quelque temps, à l’exemple de M. Desmoland, tout le canton de Matignon l’emploie avec le plus grand profit, et son usage se serait encore beaucoup plus étendu si l’état des chemins vicinaux n’enchaînait cette importante amélioration. Le sable de mer convient à la culture du trèfle, de la luzerne, au lin, au chanvre, aux pommes-de-terre ; sur les prairies, il détruit le jonc, augmente la quantité et la qualité des fourrages, convient enfin beaucoup aux terres argileuses qu’il ameublit et rend beaucoup plus pénétrables aux eaux.

On prend plus volontiers la vase à l’embouchure des ruisseaux ou des rivières, parce qu’alors elle contient plus de débris tant marins que fluviatiles, qui y sont amenés de la mer et des terres par le flux et le reflux ; ailleurs le sable ne contient presque que des principes terreux, des débris de coquilles et du sol marin.

Dans les pays où le varech ou goémon ne convient pas au sol ou se recueille beaucoup au-delà du besoin, on le brûle pour avoir ses cendres ; elles peuvent se vendre alors comme contenant un peu de soude de mauvaise qualité, mais elles sont encore plus profitables comme engrais. Des essais en ont été faits en Écosse et ont très-bien réussi pour toutes sortes de cultures : cinq quintaux (250 kilog.) de kelp (nom des cendres de varech) par acre d’Écosse, ont donné une grande augmentation de produit. Elles sont employées depuis long-temps en Bretagne, et leur usage, depuis quelques années, s’est beaucoup étendu.

L’île de Noirmoutier et quelques points du littoral brûlent le varech qu’ils n’emploient point, le mélangent avec de la terre, du sable, des dessous de monceaux de sel, du goémon frais, du fumier d’étable, des coquillages, et toute espèce de débris végétaux et animaux ; on mouille, pendant l’année, le tas, de temps en temps, d’eau salée ; on le remanie à cinq ou six reprises différentes ; alors le mélange ressemble à des cendres. Il y a quelques années, cinq à six petits bâtimens suffisaient pour conduire cet engrais dans les lieux où on l’emploie ; en 1832, on a débarqué à Pornic 1236 charges presque toutes de cendres, chaque charge contenant dix charretées de dix hectolitres chacune.

On emploie dix charretées ou cent hectolitres de ces cendres par hectare ; elles s’appliquent à toute espèce de culture, mais particulièrement au blé noir ou aux légumes d’été ainsi qu’aux prés de hauteur ; on les répand au moment de l’ensemencement : en les mélangeant avec une petite quantité de fumier, on diminuerait d’un tiers la quantité nécessaire et on aurait un engrais au moins aussi profitable.

L’amélioration par l’engrais de mer ne devrait pas se borner aux lieux voisins de ses bords : les chemins vicinaux sont trop mauvais pour qu’on le transporte facilement à distance, mais la navigation des rivières, des ruisseaux même à leur embouchure, au moyen de la marée, permet sans doute qu’on le conduise à peu de frais à une assez grande distance dans l’intérieur des terres. La quantité nécessaire par hectare, 2 à 300 pieds cubes (6,m85 à 10,m28) au plus, est relativement peu considérable ; la durée de son effet sur le sol se prolonge donc beaucoup au-delà de celle du fumier auquel on l’allie ; le flux et le reflux de la mer faciliteraient beaucoup la main-d’œuvre ; le chargement se ferait à marée basse sur la vase découverte, et la marée haute emmènerait le navire et son chargement (fig. 52).

[3:3:3]

Art. iii.Des substances salines.

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§ ier. — Du sel marin ou hydrochlorate de soude.

La grande question est ici le sel marin, les autres sels ne sont qu’accessoires. Le sel marin est l’une des substances qui pourra être fournie par le commerce au moindre prix, lorsque l’impôt qui pèse sur cet objet de première nécessité aura été aboli. Sur les bords de la mer et dans les mines de sel gemme, le quintal ne coûterait que 50 c. Les mines qui peuvent le fournir, dont les filons paraissent d’une épaisseur indéfinie, semblent presque inépuisables ; si donc le sel peut être d’une grande utilité en agriculture, avec la facilité des communications qui s’organisent en France, il y aurait plus de la moitié de la surface de notre pays où le prix du sel serait à peine à un franc le quintal ; et, comme ses effets sur le sol se produisent à petites doses et que néanmoins ils paraissent très-grands, les résultats seraient d’une bien grande importance.

Voyons les faits qui appuient sa grande influence sur la fécondité du sol. L’usage du sel en agriculture est bien ancien : les Hindous et les Chinois en fécondent, depuis la plus haute antiquité, leurs champs et leurs jardins ; les Assyriens, nous dit Pline, le mettaient à quelque distance autour de la tige de leurs palmiers : toutefois on savait qu’en