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liv. ier.
AGRICULTURE : AMENDEMENS.

contiennent beaucoup de sulfate de chaux, et que ce serait au besoin qu’elles en ont dans leur composition intime que pourrait être dû en grande partie l’effet qu’il produit sur leur végétation. Cette explication paraît d’autant plus vraisemblable que l’expérience a constaté que le plâtre reste à peu près sans effet sur les sols qui le contiennent en certaine proportion : ainsi, les plaines du Comtat-Venaissin et des comtés entiers en Angleterre n’éprouvent aucun effet du plâtre, et leur sol, analysé par M. Gasparin en France et par Humphry Dawy en Angleterre, a donné une certaine proportion de sulfate de chaux.

Le plâtre s’emploie avec succès sur les fèves, les haricots et les pois, mais on l’accuse alors de rendre les graines produites d’une difficile cuisson. Nous venons de voir que ces graines contenaient déjà du plâtre ; il semble que la dose, en s’augmentant, tend à rendre la cuisson plus difficile : nous savons d’ailleurs que les eaux séléniteuses empêchent la cuisson des légumes ; un effet analogue se reproduit par le plâtre contenu en trop grande abondance dans leur substance elle-même.

Lorsque le sol et la saison sont favorables, le plâtre double souvent le produit des fourrages ; les plantes prennent alors un vert intense, une vigueur extraordinaire qui les font contraster avec celles des portions non plâtrées. Lorsque Franklin voulut faire connaître et répandre l’usage du plâtre en Amérique, pour convaincre ses compatriotes, il écrivit sur un champ de trèfle {fig. 49), aux portes de Washington, avec de la poussière de plâtre, cette phrase : Ceci a été plâtré ; l’effet du plâtre fit saillir en relief ces mots en tiges vigoureuses et plus vertes ; tout le monde fut convaincu, et le plâtre fut popularisé en Amérique. Les Américains ont été long-temps à tirer leur plâtre de Paris, mais ils en exploitent maintenant chez eux.

On recommande de semer le plâtre au printemps sur la végétation déjà commencée, lorsque les fourrages ont 5 à 6 pouces de hauteur : cependant semé au mois d’août, après la moisson, sur les trèfles de l’année, il en fait produire une bonne coupe au mois d’octobre, et les récoltes de l’année suivante en éprouvent encore tout l’effet.

On le répand à la main, le soir ou le matin, à la rosée, par un temps calme et couvert, avant ou après une petite pluie ; de grandes pluies nuisent beaucoup à son effet ; aussi, pour éviter les grandes pluies de printemps, dans les environs de Marseille, on préfère ne l’employer qu’après la première coupe.

Les expériences de M. Soquet semblaient avoir constaté que le plâtre répandu sur le sol, sans contact avec les plantes, ne produisait aucun effet ; cependant la pratique de pays entiers établit qu’il réussit très-bien sur le trèfle et la luzerne à peine sortis du sol, et les expériences de MM. Sageret et d’Harcourt ont constaté que le plâtre semé en même temps que la graine produisait encore beaucoup d’effet.

Sa dose ordinaire est égale en volume à la semence, soit de 5 à 6 quintaux par hectare ; à cette dose il ne fait sur le sol qu’une couche de moins de 1/100 de ligne ou un six-millième d’une couche labourable de 5 pouces d’épaisseur ; à dose moitié moindre, son effet est encore très-sensible ; il est donc de tous les amendemens celui dont l’effet se produit à plus petite dose.

Le plâtrage ne doit pas être répété trop souvent sur le même sol, surtout s’il est médiocre ; le sol aime à changer d’engrais comme de récolte, et le plâtre serait comme beaucoup de bonnes choses qui demandent à être employées avec mesure et modération, comme le trèfle lui-même qui, pour bien faire, ne doit reparaître sur le même sol que tous les six ans.

Le plâtre, employé dans des composts de terre ou de fumier, augmente beaucoup leur activité ; les essais sur ce sujet n’ont pas été poussés assez loin pour se résumer en directions précises de pratique : cela est fort à regretter, parce que les expériences faites promettaient les plus heureux résultats.

Le plâtre, en donnant aux feuillages et aux branches des plantes un grand développement, produit sur les racines un effet aussi très-sensible ; les expériences de M. Soquet ont établi que les racines du trèfle plâtré pèsent un tiers de plus que celles du trèfle non plâtré. On conçoit dès-lors que des racines plus longues, plus fortes et plus rameuses, doivent puiser davantage dans le sol. Cependant le froment qui succède au trèfle plâtré est ordinairement plus beau que celui qui remplace le trèfle non plâtré ; cet effet doit être attribué à la plus grande masse d’engrais végétal due au trèfle plus vigoureux qui a laissé plus de feuilles sur la surface et plus de racines dans le sol ; mais cet engrais végétal ne dure qu’une année, car la récolte sarclée qui suit le froment doit recevoir plus d’engrais après le trèfle plâtré que celle où le trèfle ne l’a point été.

Le plâtre est quelquefois employé sur les prairies sèches, et il augmente la quantité du produit ; il y fait prédominer les légumineuses, et par conséquent améliore le fourrage ; mais il faut alterner son emploi avec les engrais animaux, autrement la fécondité qu’il produit ne se soutient pas, et peu d’années