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chap. 3e.
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DU MARNAGE.

et nous pensons que la dose doit alors s’abaisser presqu’à celle de la Sologne (250 pieds cubes par hectare), dose que nous regardons comme rationnelle, et comme le résultat de l’expérience autant que de l’économie dans les sols très-légers. La proportion doit au contraire s’élever avec l’humidité du sol ; dans un sol très-humide, une petite dose pourrait ne pas suffire ; mais il faut néanmoins se garder de rendre son sol trop argileux.

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§ iv. — Soins à prendre dans le marnage.

La 1re  condition du succès de la marne dans un sol, c’est qu’il s’égoutte et se débarrasse des eaux de la surface ; la marne peut sans doute y aider beaucoup, mais elle ne suffit pas pour assainir le sol marécageux ; elle ne peut, comme la chaux, exercer son action sur le sol que quand, par la nature de sa position ou par suite du travail qu’on lui donne, il peut se débarrasser des eaux surabondantes.

Les charrois des marnages doivent être faits par un beau temps afin que les terres ne soient pas broyées et pétries sous les pas des animaux, des hommes et des voitures ; il faut un temps sec ou de la gelée ; cependant, si on a de bons chemins, on peut profiter par tous les temps des loisirs des attelages ; on dispose la marne sur un coin de la pièce à marner pour la répandre ensuite en temps convenable avec des tombereaux ou des brouettes : l’exposition de la marne à l’air, avant de la répandre, est toujours utile, sans être indispensable.

Dans un sol humide il est à propos de faire précéder le marnage par un labour profond, parce que la terre offre alors à l’eau une couche plus épaisse à pénétrer, qu’elle craindra alors moins l’humidité, et que la couche améliorée et ameublie par la marne sera plus épaisse.

La marne doit être disposée sur le sol en lignes parallèles, en petits tas égaux, placés à 20 pieds de distance au plus entre les tas et entre les lignes. (Voy fig. 45.) On profite des premiers loisirs de beau temps pour l’épancher aussi régulièrement que possible ; après quelques jours et des alternatives de soleil et de pluie, on repasse sur le sol pour égaliser la marne et pour qu’elle le couvre le mieux possible de ses débris en poussière : la bonté et la promptitude des résultats dépendent en grande partie de ce soin : on laisse ensuite essorer la couche de marne sur le sol aussi long-temps que possible ; il s’établit un travail réciproque à l’aide de l’air et des variations atmosphériques de la surface du sol sur la marne, qui prépare ses effets, les hâte et leur donne plus d’énergie.

La marne ne doit être enterrée que pendant un beau temps, lorsqu’elle est bien délitée et presque sèche ; en l’enterrant mouillée on lui fait reprendre son adhérence, et alors elle ne peut se distribuer dans le sol : il faut aussi que le labour soit peu profond, parce qu’elle se conserve plus aisément alors, pour les cultures qui suivent, dans l’épaisseur de la couche végétale.

Lorsque le marnage a été trop fort, on peut, par un labour profond, ramener à la surface de la terre non marnée qui diminue la masse proportionnelle de marne ; cette opération, en augmentant l’épaisseur de la couche ameublie, diminue pour le sol les inconvéniens des grandes pluies.

La marne s’emploie avec avantage sur les récoltes d’hiver comme sur celles de printemps : elle s’emploie très-utilement en composts, soit avec du fumier, soit avec du terreau ou des gazons ; toutefois ils sont un peu plus embarrassans à faire, à charrier et à mêler avec la marne argileuse qu’avec la marne pierreuse. Les Anglais emploient beaucoup de marne sous cette forme, surtout lorsqu’ils sont éloignés de la marnière, parce que, pour la marne comme pour la chaux, les composts sont le moyen de multiplier les effets avec une petite dose.

Les effets de la marne ne sont pas toujours très-sensibles sur les premières récoltes, et cela arrive lorsqu’elle a été épanchée avec peu de soin, lorsqu’elle n’a pas été bien mêlée au sol par les labours, qu’elle a été enterrée par la pluie ou par un labour trop profond, ou qu’enfin elle a éprouvé une suite non interrompue de pluies ou de sécheresse ; il faut une alternative de chaleur ou d’humidité pour que les combinaisons à l’aide desquelles la marne agit sur les végétaux se forment dans le sol.

Les effets de la marne sur le sol ressemblent beaucoup à ceux de la chaux. Le sol ameubli peut se travailler en tout temps, se délite à la première pluie, devient plus accessible, ainsi que les plantes qu’il porte, à toutes les influences atmosphériques ; les racines le traversent plus facilement ; dans ce sol rendu perméable, les sucs qui forment la sève peuvent circuler et par conséquent être plus facilement aspirés par les racines : on conçoit que toutes ces qualités rendent meilleurs le sol et ses produits.

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§ v. — Des seconds marnages.

Les seconds marnages ne conviennent plus et doivent être long-temps différés là où le premier a été très-abondant. S’ils n’ont point réussi dans l’Ain, dans l’Isère, dans l’Yonne, c’est qu’on a employé dans les premiers marnages des doses qui ont fourni au sol 4, 5, 6, 8, 10 p. o/o de carbonate de chaux, proportion beaucoup au-dessus du besoin et souvent même de la convenance, et que le sol en a pour un temps indéfini ; mais, là où les marnages sont devenus une opération régulière d’agriculture, nous pouvons prendre des points de départ qui nous éclaireront. En analysant la plus grande partie des procédés réguliers de marnages cités par Arthur Young, on trouve que l’hectare de terre reçoit par an de 10 à 20 hectolitres de carbonate de chaux. Dans les marnages plus réguliers encore du départ. du Nord, le sol reçoit tous les 20 ans 166 hectolitres de marne pierreuse qui contient 3/4 au moins de carbonate de chaux ; c’est donc 8 hectolitres par an que demande le sol pour continuer ses produits avec la même énergie.

Une quantité qui suffirait aux sols argileux devient trop forte pour les sols légers ; nous avons vu qu’on donne en Sologne, tous les dix ans, de 240 à 300 pieds cubes par hectare