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liv. ier.
AGRICULTURE : AMENDEMENS.

les 5 autres 6es se perdent, sont entraînés par les eaux descendues aux couches inférieures du sol, se combinent ou servent à former d’autres composés : une portion encore sans doute reste en nature dans le sol et sert à former cette réserve qui, à la longue, dispense, pendant longues années, de continuer les chaulages.

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§ xi. — De l’épuisement du sol par la chaux.

La chaux, dit-on, n’enrichit que les vieillards ou enrichit les pères et ruine les enfans : c’est là effectivement ce qu’a prouvé l’expérience, lorsque dans les sols légers chaulés abondamment ou sans l’intermédiaire des composts, on a fait des récoltes successives de grains, sans rendre au sol des engrais dans une proportion convenable, ou quand la magnésie mêlée à la chaux a porté dans le sol son influence malfaisante ; mais, lorsque la chaux a été employée avec mesure, que sans surcharger le terrain de récoltes épuisantes on les a alternées avec les fourrages, qu’on a donné au sol des engrais en proportion des produits obtenus, le cultivateur prudent voit alors continuer la fécondité nouvelle que la chaux lui a apportée, sans que son sol donne aucun signe d’épuisement.

Nulle part on ne parle de sols argileux qui aient eu à se plaindre de la chaux, et la fécondité s’est soutenue dans les sols légers toutes les fois que la chaux y a été employée en composts et avec modération.

En Amérique, là où la chaux d’écaillés d’huîtres a pris la place de la chaux magnésienne, les plaintes sur les effets épuisans de la chaux ont cessé.

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Art. ii.Du marnage ou de l’emploi de la marne comme amendement.

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§ ier. — Composition, recherche et choix de !a marne.

Nature et composition de la marne. — La marne est un composé de carbonate de chaux et d’argile plus ou moins sablonneuse ; on la trouve en général sur les bords des plateaux en grand nombre que présentent les terrains d’alluvion, et sous la couche qui les forme, à plus ou moins de profondeur. Ainsi, la Sologne, sur tous les bords et dans la plupart des bassins qui la sillonnent ; la Bresse, sous ses terrains blancs ; les environs de Toulouse, sous ses boulbennes ; la Puisaye, sous ses blanches terres ; la Normandie, sous ses terres froides, trouvent la marne comme placée par une main bienfaisante pour donner à ces sols l’activité et les moyens de production que la nature ne leur avait pas départis.

La marne se présente sous différens aspects et sous diverses variétés qui offrent une composition très-variable. Elle durcit à mesure que la quantité de carbonate de chaux augmente jusqu’à 70 pour 100 où elle commence à devenir pierreuse ; passé 80 p. 100 elle cesse d’être utilement employée dans le sol. On rencontre des marnes en poudre qui contiennent une très grande proportion de carbonate de chaux.

Les différentes compositions et les changemens d’aspect ont fait diviser la marne en argileuse, sablonneuse et pierreuse, dénominations un peu vagues, il est vrai, mais qui cependant sont utiles dans la pratique.

Recherche de la Marne. — L’importance de la marne en agriculture doit la faire rechercher partout où elle peut être de quelque utilité. Les tussilages, l’ononis, les sauges, le trèfle jaune, les ronces, les chardons, le mélampyre, sont ordinairement un indice des sols dans lesquels la marne se trouve à peu de profondeur : les creusemens de fossés, de puits la mettent souvent au jour ; plus souvent encore on la trouve en arrachemens sur les pentes ; les couches sablonneuses l’annoncent aussi : presque toujours elles la recouvrent ou la supportent.

Si aucun de ces signes ne l’indique, on peut la rechercher par des sondages dans les parties inférieures du sol ; mais les grands sondages engageant dans de fortes dépenses, l’extraction de la marne ne se ferait qu’à grands frais, et le plus souvent on rencontre des cours d’eau souterrains qui s’opposent à toute exploitation économique. Toutefois, lorsque l’eau ne nuit pas, l’extraction à de grandes profondeurs est encore beaucoup moins dispendieuse que son transport de lieux éloignés. Les extractions de marne à de grandes profondeurs ne sont pas nouvelles en France. Pline parle de marne qu’on tirait dans les Gaules à plus de cent pieds de profondeur ; en Normandie, on en extrait encore de cette manière : dans ce cas un manège à bœuf ou à cheval peut beaucoup diminuer la main-d’œuvre.

Dans les sols où l’eau arrive à peu de profondeur, les grands sondages sont inutiles, une petite sonde (fig. 47) suffit : elle consiste en une barre de fer de 10 à 12 pieds de longueur qui se termine par une pointe aciérée surmontée d’une cuiller ; on la manœuvre avec un manche de tarière que traverse la barre, qui s’élève ou s’abaisse à volonté et se fixe par une vis de pression.

La marne est plus près de la surface dans les endroits où la terre paraît plus sèche, où le sol argilo-siliceux est rougeâtre plutôt que gris. Lorsqu’on l’a trouvée, si elle n’est pas profonde, il est préférable de la tirer à ciel ouvert ; dans ce cas quelques veines d’eau ne doivent pas empêcher l’extraction : on met à fond dans un jour tout ce qu’on a commencé ; l’eau pendant la nuit remplit le creux de la veille, et le lendemain on s’en débarrasse, ou l’on fait une extraction à côté en laissant un contrefort du côté de l’eau.