Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1844, I.djvu/78

Cette page a été validée par deux contributeurs.
64
liv. ier.
AGRICULTURE : AMENDEMENS.

simultané de la chaux et des engrais. Ici on fait mieux encore, en employant simultanément le compost de chaux terreauté et le fumier ; aussi, depuis un demi-siècle que les Manceaux ont commencé leur chaulage, la fécondité du sol n’a pas cessé de s’accroître.

Les pays dont nous avons parlé sont ceux de France où le chaulage est le plus étendu ; cependant plus de la moitié des départemens en a, je pense, commencé l’usage, et dans un quart il est tout-à-fait établi. Sans doute les premiers essais ne réussissent pas partout ; il faut une réunion de conditions rares pour que des essais, même couronnés de succès, soient imités par les masses ; cependant les succès se multiplient et deviennent des centres d’impulsion qui propageront l’amélioration.

iv. Chaulages anglais.

Les chaulages anglais semblent établis sur un tout autre principe que les chaulages français ; ils sont pratiqués avec une telle prodigalité, que l’amélioration sur le sol chaulé a souvent lieu pour n’y plus revenir. Pendant qu’en France on se contente de donner depuis un millième jusqu’à un centième de chaux à la terre labourable, depuis 10 jusqu’à 100 hectolitres par hectare, on en donne en Angleterre depuis un jusqu’à six-centièmes, ou depuis 100 jusqu’à 600 hectolitres par hectare. Le plein succès de la méthode de notre pays nous fait regarder la méthode anglaise comme une prodigalité sans nécessité. On sacrifie un capital cinq, six, dix fois plus fort pour n’avoir pas un résultat supérieur ; et, à moins de prodiguer à la suite les engrais, on peut même compromettre entre les mains d’un cultivateur avide l’avenir de son sol. Toutefois, il paraît en être résulté peu d’inconvéniens, probablement en raison du terrain, dans les sols très-humides ; on a sans doute par là assaini le sol, et sa nature semble modifiée pour un long avenir.

v. Chaulages superficiels.

En Allemagne, où les chaulages et les marnages, comme la plupart des améliorations agricoles, ont pris depuis peu un grand développement, outre les procédés ordinaires, on trouve l’emploi de la chaux superficielle. On saupoudre au printemps le seigle avec un compost contenant 8 à 10 hectolitres de chaux par hectare, quinze jours après avoir semé du trèfle.

On l’emploie aussi immédiatement sur le trèfle de l’année précédente, en poussière et éteinte dans l’eau de fumier, à une dose moitié moindre. Son effet sur le trèfle et le froment qui le suit est très-avantageux.

En Flandre, lorsqu’on emploie la chaux mêlée avec les cendres, c’est particulièrement pour les prairies naturelles et artificielles. L’emploi s’en fait donc à la surface.

[3:2:1:4]

§ iv. — Soins à prendre dans le chaulage.

Quel que soit le procédé en usage pour l’emploi de la chaux, il est essentiel que, comme tous les amendemens calcaires, elle soit employée en poudre et non en pâte, sur le sol non mouillé. On doit absolument éviter, avant de la recouvrir, toute pluie qui la mouillerait, la réduirait en grumeaux ou en pâte, ce qui nuit essentiellement à son effet, plus encore que le raisonnement ne peut l’expliquer.

Elle ne doit être placée que sur un sol dont la couche végétale et la surface s’égouttent naturellement. Dans un sol marécageux, à moins que la couche supérieure ne soit bien desséchée, dans un sol très-humide, dont l’eau de la surface ne s’écoule pas très facilement, les propriétés de la chaux restent comme enchaînées, et ne se font apercevoir que lorsque, par de nouveaux travaux, on a assaini et égoutté la couche végétale.

Dans un sol argileux et très-humide, l’emploi de la marne, qui se fait en grande masse, est préférable à celui de la chaux, parce qu’elle peut assainir plus puissamment la couche végétale productrice. Dans un sol de cette nature, un labour profond est une condition préliminaire essentielle au succès du chaulage et du marnage, parce qu’en augmentant l’épaisseur de la couche cultivée, on augmente aussi les moyens d’assainir la surface.

Les sols légers, graveleux ou sablonneux, ne peuvent en être surchargés ; car l’emploi irréfléchi de la chaux peut devenir dangereux dans ces sortes de sols lorsqu’ils sont très-chauds et peu profonds. Il n’est pas sans exemple qu’elle ait brûlé des récoltes.

Pour que la chaux produise son effet sur la première récolte, elle doit être mélangée au sol quelque temps avant la semaille ; cependant, lorsqu’on l’emploie en compost, il suffit que le compost soit anciennement fait.

La chaux ou le compost répandus secs sur le sol sec doivent être enterrés par un premier labour peu profond ou demi-labour précédé d’un petit hersage, afin que la chaux, dans la suite de la culture, reste toujours autant que possible placée au milieu de la couche végétale. En effet, la chaux réduite en molécules tend à s’enfoncer dans le sol, elle glisse entre les parties ténues d’argile et de silice, et descend au-dessous de la sphère de nutrition des plantes, s’arrête sous la couche labourable, et lorsqu’elle s’y trouve abondante, elle y forme par ses combinaisons une espèce de plancher qui arrête les eaux et nuit beaucoup aux recolles ; c’est là l’inconvénient de la chaux en grande dose enterrée par des labours profonds.

[3:2:1:5]

§ v. — Qualités diverses de chaux.

Il est nécessaire de connaître la qualité de la chaux que l’on emploie : la chaux peut être pure ou mélangée de silice, d’argile ou de magnésie. La chaux pure est la plus économique, la plus active, celle qui peut produire le plus d’effet sous le moindre volume.

La chaux mêlée de silice s’emploie en plus grande quantité ; elle prend le nom de chaux chaude comme celle qui précède, dont elle diffère peu dans l’emploi, sinon qu’il en faut davantage.

La chaux mélangée d’argile est la même que la chaux hydraulique ou chaux maigre des constructeurs ; il paraît que les deux premières favorisent davantage la grenaison,