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liv. ier.
AGRICULTURE : AMENDEMENS.

exposition à l’air, est réduite en poussière, on la répand sur le sol de manière à ce qu’elle y soit exactement répartie.

Le deuxième procédé diffère du premier en ce qu’on recouvre chaque tas d’une couche de terre, de 6 pouces (0 m. 16) à un pied (0 m. 33) d’épaisseur (fig. 46), suivant la grosseur des tas, et qui équivaut à cinq ou six fois le volume de la chaux éteinte ; lorsque la chaux commence à se gonfler pour fuser, on remplit de terre les fentes et les crevasses qui se font dans la terre de l’enveloppe, et lorsqu’elle est réduite en poussière, on remanie chaque tas en mélangeant la terre et la chaux. Si rien ne presse dans les travaux, on recommence quinze jours après cette même opération, et après une troisième quinzaine on étend le tout sur le sol.

Le troisième procédé, usité dans les pays les mieux cultivés, lorsque la chaux est chère, et qui réunit tous les avantages des chaulages, sans offrir aucun de leurs inconvéniens, consiste à faire des composts de chaux et terre ou terreau. Pour cela on fait un premier lit de terre, terreau ou gazon d’un pied (0 m. 33) d’épaisseur, d’une longueur double de sa largeur ; on recoupe les mottes de terre ; on recouvre d’un lit de chaux d’un hectolitre par 20 pi. (6m.50) ou d’un tonneau par 45 pi. cubes de terre ; sur cette chaux on place un second lit de terre, puis un second de chaux, et successivement un troisième lit de terre et de chaux qu’on recouvre encore de terre. Si la terre est humide et la chaux récente, huit à dix jours suffisent pour fuser la chaux ; on coupe alors et on mélange le compost ; on le recoupe une seconde fois avant l’emploi, qu’on retarde autant que possible, parce que l’effet sur le sol est d’autant plus puissant que le mélange est plus ancien, plus parfait, et surtout lorsqu’il aura été fait avec de la terre contenant plus d’humus. Cette méthode est la plus usitée en Belgique, en Flandre ; elle devient presque exclusive en Normandie ; elle est seule pratiquée, et avec le plus grand succès, dans la Sarthe. La chaux en compost ne nuit jamais au sol, elle porte avec elle le surplus d’engrais que demande le surplus de produit. Les sols légers, graveleux ou sablonneux ne peuvent jamais en être surchargés. Enfin, ce moyen nous semble le plus sûr, le plus utile et le moins dispendieux d’appliquer la chaux au sol.

La réduction de la chaux en poussière par le moyen de l’immersion momentanée dans l’eau avec des paniers à anse, peut beaucoup hâter le chaulage, soit qu’on le fasse immédiatement sur le sol ou par le moyen d’un compost ; quelques heures alors suffisent au lieu d’une quinzaine de jour d’attente. Si de grandes pluies surviennent, cette manipulation n’est pas sans inconvéniens, parce qu’alors la chaux se met plus facilement en pâte, et c’est ce qu’on doit éviter par-dessus tout.

La réduction de la chaux en poussière, qu’elle soit spontanée ou par immersion, produit dans les composts un volume moitié en sus de la chaux en pierre : 10 pieds (68 c.m. 81) cubes en produisent 15 (89 c.m. 53), ou un tonneau produit 10 pieds cubes.

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§ iii. — Chaulages en usage dans divers pays.
i. — Chaulages dans le département de l’Ain.

Les chaulages dans ce pays datent de 50 ans ; le sol chaulé à cette époque est encore plus productif que le sol voisin non chaulé ; toutefois les chaulages ne font que commencer à prendre de l’extension, tandis que les marnages, entrepris 15 ans plus tard, ont déjà couvert plusieurs milliers d’hectares ; c’est que le marnage est une opération à la portée des cultivateurs pauvres, parce qu’il s’accomplit avec de la main-d’œuvre seulement, tandis que le chaulage demande des avances considérables, surtout dans ce pays où la chaux est chère et où la dose employée est forte.

En effet, les doses varient de 60 à 100 hectolitres par hectare, suivant la nature du terrain ou plutôt suivant le caprice du cultivateur.

Quoique ces chaulages n’aient pas été faits avec tout le soin et l’économie désirables, ils ont été très-efficaces, lorsque le sol qu’on a chaulé a été suffisament égoutté.

Le dépouillement des registres des produits de trois domaines contigus, pendant 12 ans, 3 avant et 9 pendant les chaulages, nous donne le moyen d’apprécier leurs résultats. Les quantités de semences et produits sont calculés en doubles décalitres.