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chap. 2e.
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DEGRÉS DE FERTILITÉ DES TERRES.


ques-uns des élémens de l’humus. Il résulte de là que les sols qui ont le moins d’activité aux yeux de l’un, ont le plus de puissance aux yeux de l’autre, et réciproquement que ceux qui ont le plus d’activité ont le moins de puissance, c’est-à-dire que les deux échelles sont inverses l’une de l’autre.

Pour point stable de la sienne, M. de Voght a pris un champ de 21 ares, qui, ayant reçu 5 voitures de fumier demi-consommé, formant 435 pieds cubes, avait produit 840 liv. de blé, mesure de Hambourg, ou 406,81 kil. (environ 5 hectol. 35 lit.) ; il a désigné cette fécondité par le chiffre 720, terme qui a déterminé le nombre des divisions dans une étendue donnée de son échelle, et qu’il a choisi parce qu’il croyait rapprocher ainsi sa mesure de celle de M. de Wulfen. Au moyen de cette unité métrique, il pouvait désormais apprécier la fécondité relative de ses autres pièces de terre, par une simple règle de proportion, en connaissant leur produit. Parmi ces essais, il en est un qu’il faut distinguer, parce qu’il a servi d’étalon, de norme pour la détermination des deux facteurs de la fécondité. Situé immédiatement à côté du premier, il produisit 700 livres de blé la même année, sur la même surface de 21 ares et dans des circonstances du reste égales, mais sans avoir été fumé. Il possédait donc 600° de fécondité. Ce point établi, on examina tour-à-tour avec soin ses propriétés physiques et chimiques, ainsi que les plantes qu’il produisait naturellement, et on lui assigna pour l’expression de sa puissance le nombre 8, par la même raison qui avait fait choisir le nombre 720 pour l’expression normale de la fécondité. Pour trouver la richesse naturelle de ce sol ou la décomposition précédente des substances organiques qu’il contenait, il n’y avait plus qu’à diviser le nombre 600, exprimant la fécondité, par le chiffre 8 de la puissance ; on obtint ainsi 75.

Le champ qui avait reçu 5 voitures de fumier par 21 ares ayant manifesté une fécondité de 720°, et sa puissance étant la même que celle du second champ, puisqu’il était dans des conditions identiques, si ce n’est celle du fumier, il en résulte que 435 pieds cubes de fumier par 21 ares ont augmenté la richesse de 15° et la fécondité de 120° ; ainsi chaque voiture de fumier a augmenté de 3° le facteur de la richesse. Tel est l’effet que M. de Voght attribue en moyenne à l’espèce de fumier qu’il emploie.

Si un champ ayant reçu le même engrais eût, dans des circonstances égales, produit plus de 840 livres, 1050 par exemple, c’eût été le résultat d’une plus grande puissance. Pour la déterminer, on chercherait d’abord la fécondité que supposent 1050 livres proportionnellement à 840 livres ; on diviserait ensuite les 900° trouvés par 90, nombre qui exprime la richesse dans ce cas, et l’on trouverait 10° de puissance. Si avec la même quantité d’engrais il produisait moins de 700 livres de blé, qui ne supposent que 600° de fécondité, ce serait dans l’abaissement de la puissance du sol qu’il faudrait chercher la cause de l’abaissement du chiffre de la fécondité, et l’on y parviendrait par un procédé analogue. C’est ainsi que M. de Voght a mesuré la puissance du sol par l’effet d’un engrais de même quantité et de même qualité sur ce sol, toutes les autres circonstances étant exactement les mêmes.

Des influences étrangères, notamment les phénomènes atmosphériques, peuvent faire varier la puissance du sol. Pour échapper autant que possible à ces causes de trouble, M. de Voght a choisi comme base de son système la récolte sur laquelle l’action atmosphérique se fait le moins sentir, savoir, le froment. D’ailleurs il tient note de la température et de son influence sur les phases de la végétation ; puis, combinant ces observations avec le jugement porté par les praticiens sur la productivité de l’année pour chaque espèce de plantes cultivées par lui, il apprécie de combien pour cent elle a été au-dessus ou au-dessous des années moyennes, et hausse ou baisse en conséquence le chiffre de la puissance, qui, par sa multiplication avec celui de la richesse resté le même, lui donne la différence en plus ou en moins de l’année par rapport à une année moyenne. Une seule année ne suffit pas, au reste, pour fixer irrévocablement la puissance du sol ; il faut des comparaisons multipliées pour arriver à une certitude raisonnable.

Ainsi les premières bases de la phorométrie étant une fois posées, on apprécie avec la plus grande facilité le degré de la puissance quand celui de la richesse est connu, ou le degré de celle-ci quand celui de l’autre est déjà déterminé ; on peut savoir avec une exactitude auparavant impossible à atteindre, de combien on augmente la fécondité par une égale quantité de fumier, sur des champs de puissance différente, et de combien par conséquent le produit sera plus considérable. La phorométrie fournit par là le moyen de connaître ce qu’il faut d’engrais à tel ou tel champ pour le faire arriver à une fécondité moyenne, au-delà de laquelle les effets de l’engrais deviennent plutôt pernicieux qu’utiles. Elle nous apprend qu’il y a une proportion à garder entre les degrés de la puissance et ceux de la richesse, selon la fertilité plus ou moins grande du sol, et selon l’espèce des végétaux qu’on y veut cultiver. C’est ainsi, par exemple, qu’à Flotbeck le colza exige 1000 degrés, et n’en supporte guère plus de 1200, et que par conséquent pour être cultivé avec avantage, il doit être placé sur des terres dont la puissance soit au moins de 10°. Les pommes-de-terre fines exigent 800°, les pommes-de-terre communes 600°, l’orge 650 à 700, la spergule 500, etc.

Par des expériences continuées pendant plusieurs années, M. de Voght a trouvé que la production de 100 livres de froment épuise 1°19 de richesse, et enlève 5 à 10 p. 0/0 de la puissance ; que le seigle exerce le même effet sur la puissance, mais qu’il épuise la fécondité de 10 p. 0/0 de moins ; que l’orge épuise la richesse à l’égal du seigle, et l’avoine à l’égal du froment ; que, néanmoins, les grains de printemps ne détériorant pas le sol, la fécondité n’est diminuée que de l’épuisement de la richesse ; que le sarrasin rend à la puissance ce qu’il enlève à la richesse ; que les vesces et la spergule produisent le même effet, ou même peuvent quelquefois ajouter à la puissance et à la richesse ; que le colza