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culières dont font partie le thym et le serpolet, pour les manger à l’époque des froids. On sait que les Brabançons et les Liégeois en forment une espèce de hachis dont ils sont très-friands ; que les Suisses, les Bourguignons, etc., les font cuire avec leurs coquilles dans de l’eau de fontaine à laquelle on ajoute parfois du vin, et qu’on les assaisonne ensuite après les avoir extraits de leur coquille, avec du bouillon, des épices, quelques tranches d’orange ou de citron et du beurre frais. « On en fait aussi, dit Valmont de Bomare, de petits pâtés très-estimés des gourmands. Nous avons vu, ajoute-t-il, aux environs de La Rochelle, des paysans occupés dans les campagnes a ramasser une très-grande quantité de petits limaçons à coque bigarrée de jaune et de noir, que l’on mettait dans des barriques remplies de branches croisées çà et là, afin que les limaçons pussent s’y disperser sur des surfaces multipliées. Cette récolte de limaçons était destinée pour l’Amérique, et il y a des années où les négocians du pays font commerce de ces animaux vivans. Ces limaçons se collent contre les branches ou les parois de la futaille, et de cette manière ils peuvent faire le voyage sans périr de faim, parce qu’ils ne dissipent que peu de leur humeur visqueuse. Il y a des pays où on les flait cuire dans leur coquilles, sur la braise, et on les mange ainsi. »

Nous avons cru devoir entrer dans ces courts détails, pour faire voir que si la chasse aux hélices est accompagnée de quelque ennui, et exige, par sa lenteur, un certain emploi de temps, elle ne laisse pas, d’un autre côté, d’être assez fructueuse. Il y a donc une double raison pour ne pas la négliger. Ajoutons que de tous les moyens proposés pour détruire ces animaux, c’est aussi le plus sûr. Malheureusement, ce qui est praticable en jardinage et sur de petits enclos, cesse de l’être en grand. Dans les champs et les bois, les blaireaux et surtout les hérissons suppléent à l’homme ; la multiplication de ce dernier animal complètement inoffensif pourrait devenir un bienfait dans un grand nombre de localités, car les hérissons non seulement détruisent les escargots, les limaces, les vers de terre, et en général tous les insectes, mais on les a vus se nourrir de taupes, de mulots et même de jeunes rats.

Les Limaces (Limax) sont des mollusques nus dont l’organisation, à la coquille près, puisqu’elles n’en ont pas, se rapproche beaucoup de celle des limaçons. Les espèces les plus destructives sont la Limace rouge, les Limaces noire et cendrée, et la Limace agreste, qui est d’un blanc sale.

Comme on l’a fort bien dit dans tous les livres : « Les limaces mangent la plupart des plantes que l’homme cultive, presque tous les fruits qu’il préfère. C’est principalement dans les semis qu’elles font de grands ravages, parce que les herbes tendres leur plaisent davantage, et que chaque coup de dent est la perte d’un pied. Dans certains cantons et dans certaines années elles sont un véritable fléau. »

C’est la Limace agreste qui, par sa désolante multiplicité, cause, malgré sa petite taille, le plus de dommages aux cultures champêtres et jardinières. Presque toutes les plantes cultivées conviennent dans leur jeunesse à sa voracité. Cachée pendant le jour près des racines ou sous les petites mottes qui lui procurent de l’ombre, et ainsi à l’abri des recherches de ses ennemis, elle se répand le soir a la surface du sol, et, d’un semis qui donnait la veille les plus riches espérances, il ne reste souvent le lendemain matin aucune trace.

On connaît et on met en usage plusieurs moyens pour détruire les limaces. Comme il serait difficile de faire la chasse aux petites espèces autrement qu’en leur tendant des pièges, dans les jardins on dispose ça et là des planches, des ardoises ou toutes autres pierres plates qui laissent entre elles et le sol un léger intervalle ; dans les champs on répand sur le terrain infesté un grand nombre de feuilles de choux sous lesquelles ces animaux se retirent et s’attachent de préférence. Le lendemain dans le coûtant du jour, on enlève ces feuilles pour les donner aux cochons qui les mangent avec d’autant plus d’avidité que le nombre des limaces est plus considérable, ou aux volailles qui les recherchent et les détruisent en fort peu de temps jusqu’à la dernière. Dans certains cantons on regarde comme le meilleur moyen à employer pour se débarrasser de ces mollusques, de laisser les dindes parcourir dès le matin les champs de blé, de colza, de navette, de carottes, etc., etc., qu’ils commencent à dévaster. « Je les ai vus, dit Bosc, disparaître en peu de jours d’une ferme qui en était infestée, par l’acquisition que fit le propriétaire d’un troupeau de ces animaux. Les poules, les canards, rendent le même service, mais il est plus difficile de les conduire. Au reste, il est rare que les limaces (je veux dire les jeunes, car les vieilles ne sont jamais très-nombreuses) soient communes deux années de suite. Un été sec et chaud, un hiver très-froid, leur sont également funestes ; elles périssent alors par millions. Un hiver très-doux ne leur est guère plus avantageux, parce qu’alors elles sortent de leurs retraites, et que les corbeaux, les plus dangereux de tous leurs ennemis, en font une grande déconfiture. » Il est vrai que ces animaux redoutent beaucoup les intempéries des saisons ; cependant nous connaissons des localités où tous les ans ils sont plus ou moins à craindre.

Plusieurs substances minérales qu’il est ordinairement assez facile de se procurer, font périr les limaces ou tout au moins les éloignent efficacement des terrains sur lesquels on les répand. Tels sont la chaux, les cendres, le sable très-fin, etc. Lorsqu’on les met en contact avec la première de ces substances, on les voit immédiatement se contracter, rejeter en abondance une matière visqueuse qui entraîne avec elle les molécules alcalines, et si l’effet se prolonge, elles changent de couleur, se raidissent et meurent. Les cendres non lessivées produisent à un moindre degré des effets analogues ; aussi partout où l’on peut saupoudrer la surface de la terre de l’une ou des autres, n’a-t-on à peu près rien à craindre des limaces tant qu’une pluie ou un arrosement n’a pas éteint la chaux ou