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gues vénéneuses, les substances animales qu’elles recherchent pour leur pâture, et en plaçant ces préparations dans leurs galeries. On a remarqué que des noix simplement bouillies dans la lessive leur sont funestes, et ce moyen de destruction serait économique si elles consommaient plus volontiers le fruit. Les odeurs fortes leur sont contraires ; aussi a-t-on conseillé de les expulser de leur demeure en y introduisant de l’ail infusé dans l’huile de pétrole, préparation dont l’odeur seule paraît leur causer des convulsions. On les prend aussi en leur donnant la chasse ou avec des pièges.

M. Dralet a fait de la chasse des taupes à l’affût un art qui a ses principes et ses règles, fondés presque tous sur un seul point de fait : savoir que la taupe vient réparer les dommages faits à ses travaux dès qu’elle s’en aperçoit et qu’elle se croit seule. On cherche d’abord les gîtes et les galeries, puis on opère suivant les cas qui se présentent :

1o Supposons celui d’une seule taupinière (a fig. 716) : on l’enlève d’abord avec la houe et Fig. 716. l’on s’assure si elle n’a pas de communication avec d’autres. Pour y parvenir, on tousse dans l’ouverture qu’on a faite, c’est-à-dire à l’entrée des galeries, et l’on en approche en même temps l’oreille. Si la taupinière n’a pas de communication avec d’autres, la taupe, peu éloignée, est effrayée par le bruit, et on l’entend s’agiter ; alors on découvre avec la houe la galerie a b jusqu’en b, où l’on rencontre la taupe. Mais l’animal, connaissant le danger, a peut-être eu le temps de s’enfoncer verticalement en terre, suivant b c ; alors on le prend en creusant jusqu’en c ou en versant de l’eau en b et le forçant ainsi à s’y présenter. Si au contraire, en toussant, on ne l’entend pas se remuer, c’est une preuve qu’il y a une communication de cette taupinière avec d’autres, et alors on opère comme dans les cas suivans ;

2o Lorsque la taupe a élevé deux taupinières (ab, fig. 716) on fait une brèche d e longue de le plus de 9 pouces, dans la galerie qui les joint, et l’on ferme avec un peu de terre les deux orifices de la galerie d et e. La taupe ne tardera pas à venir réparer le dommage, et suivant le côté où elle se sera présentée, on découvrira la galerie de d en a ou de e en b. On peut aussi l’attendre au passage et la cerner entre le bout du manche de la houe qu’on aura posé derrière elle, et l’un des points d e qui sont bouchés.

3o Si la taupe a fait 3 taupinières (cde, fig. 716), on pratique deux ouverturefg, hi chacune entre deux taupinières consécutives, et, suivant le côté où l’animal se présente, on opère comme précédemment.

4o On peut toujours ramener au cas précédent ceux où le nombre des taupinières est supérieur à trois. Pour cela on ouvre toujours la première brèche au milieu de la chaîne que forment les taupinières et les galeries ; si la portion où s’est montrée la taupe comprend trois taupinières, on agit comme dans le troisième cas ; si elle en comprend un plus grand nombre, on la subdivise comme il vient d’être dit.

5o Si la taupe, ne venant pas souffler aux brèches, cesse aussi de souffler aux taupinières fraiches, c’est qu’elle s’est jetée dans la grande galerie pour regagner son gîte ; on l’y attaque en pratiquant plusieurs ouvertures à proximité du gite.

6o Se trouve-t-on près d’une taupinière extrême au moment où la taupe y souffle, on l’y retient prisonnière en donnant un grand coup de houe sur la galerie qui y aboutit.

7o Le cas le plus embarrassant pour le taupier est celui où de vieilles taupinières sont situées à proximité d’une des taupinières fraîches ou de plusieurs. Pour opérer avec sécurité, il faut commencer par intercepter toutes les communications entre celles-ci et celles-là, puis opérer comme dans les premiers cas.

Si l’on attaque plusieurs taupes à la fois, on doit être très-actif et très-vigilant, parce que, lorsqu’on est occupé à en guetter une, d’autres peuvent avoir le temps de traverser les parties des boyaux qu’on a mises à découvert. Pour s’apercevoir plus facilement de leurs mouvemens, on y plante de petits étendards de paille ou de papier dont l’agitation ou la chute indique la présence des taupes, auxquelles on rend encore le passage plus difficile, en plaçant dans la brèche une petite motte de terre. On reconnaîtra encore si une taupe vient souffler à une taupinière d’où l’on est obligé de s’éloigner, en l’aplatissant légèrement avec le pied.

Plusieurs pièges ont été inventés pour prendre les taupes. Le plus simple est un tube creux dans lequel elles entrent facilement en poussant une soupape, mais d’où elles ne peuvent sortir, parce qu’un rebord du tube ne permet pas à la soupape de s’ouvrir de dedans en dehors. Tantôt une seule extrémité est munie d’une soupape, l’autre restant fermée par un fond plein ou un grillage ; tantôt chacune a la sienne. Le cylindre doit avoir un diamètre un peu plus grand que celui des galeries. Dans les environs de Paris, on emploie généralement pour la même fin une pincette élastique dont les extrémités sont maintenues écartées l’une de l’autre par une plaque de tôle percée et légèrement retenue sur leurs bords. On fait aussi des pièges du même genre en croix de St. -André, au moyen d’un ressort placé dans l’angle supérieur. Le piège imaginé par le vicomte de Beaulaincourt (fig. 717) est une sorte de double collet : deux fils de laiton attaches en RR à la surface supérieure d’une planchette la traversent librement en UU, se courbent en cercle le long d’une rainure pratiquée dans deux anses de bois tenant à la planchette, tra-