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remuant ; 2° les grains cariés étant plus légers que les grains sains, restent ou s’élèyent plus facilement à sa surface, d’où il est facile de les enlever. Pour être plus sûr qu’ils surnagent tous, on fera bien de remuer la masse de temps en temps et d’augmenter la densité de l’eau par l’addition de sel commun, comme c’est la coutume en Angleterre où l’on rend la dissolution assez forte pour qu’elle puisse supporter un œuf. L’eau de lavage doit être plusieurs fois renouvelée.

Comme tous ces moyens sont le plus souvent insuffisans, on les complète et même on y supplée par l’emploi des substances caustiques et corrosives. Les plus énergiques parmi celles dont l’usage est plus général, sont, outre les substances vénéneuses dont nous ne parierons pas, le sulfate de cuivre ou vitriol bleu, la chaux, le sel commun, l’urine, l’eau de fumier, les fientes d’animaux. Le sulfate de cuivre, qui ne donne pas lieu à de graves accidens, a été employé d’abord par Bénédict Prévost : c’est le plus efficace de tous les remèdes contre la carie. Supposons qu’on ait 100 mesures de blé à traiter, on met dans une cuve 14 mesures égales d’une eau contenant en dissolution 1/150 de son poids de vitriol ; dans un autre vase de la capacité de 2 ou 3 hectolitres, on jette du blé et l’on verse dessus la dissolution, de manière qu’elle le recouvre de la hauteur de la main ; puis on remue, on enlève les grains qui surnagent, et au bout d’une demi-heure on verse le blé dans un autre vase de même capacité où l’on répète le traitement. Enfin on le place sur une corbeille ou un filtre quelconque pour le débarrasser de l’eau saturée de vitriol. La chaux, dont il a déjà été question à l’article du froment (Voy. p. 377), est un peu moins efficace que le vitriol bleu.

Le sel marin, les lessives de cendres, les urines putréfiées, l’eau de fumier, la fiente de pigeon, sont souvent mêlés avec la chaux dans le chaulage ; toutes ces substances ajoutent à l’action de la chaux celle des alcalis qui forment la base des sels inhérens à leur composition. Tel est en particulier le cas du sel marin et des urines ; on a même des exemples de blés dont la faculté germinative a été détruite par l’ammoniaque qu’ont dégagée les urines dans le chaulage. Cependant, d’un autre côté, ces substances, surtout si elles sont solides, doivent aussi, excepté le sel, exercer une action en sens inverse, parce qu’elles interposent entre les matières actives d’autres matières inutiles pour l’objet qu’on se propose. Après avoir été soumis à l’action quelconque de l’un de ces ingrédiens, le blé doit être écarté de tout ce qui peut receler la poussière de carie ; il ne faut ni le laver ni le laisser s’échauffer en tas.

On peut suivre des procédés très-divers pour le lavage et l’immersion dans une des dissolutions indiquées. — Au sud de l’Ecosse, on trempe successivement dans deux cuves, contenant l’une de l’eau, l’autre des urines d’étable, deux vases d’une moindre capacité, dont le fond est en fil-de fer, et qui contiennent le blé à purifier ; on plonge plusieurs fois, on remue, on écume, et l’on renouvelle l’eau aussi souvent qu’on le juge nécessaire, jusqu’à ce qu’elle sorte à peu près complètement claire. Ailleurs, on place le blé sur des corbeilles pour le descendre dans le bain, ou bien on l’y verse peu-à-peu, en enlevant au fur et à mesure les grains surnageans, etc.

Les huiles essayées par M. Tessier contre la carie en ont empêché le développement sans retarder la germination.

On n’a pas encore songé à fixer par des expériences les limites de quantité, de concentration et de durée d’action, en dehors desquelles les préparations employées contre la carie n’exercent pas une action assez marquée, ou deviennent funestes à la germination de la graine.

IV. De l’Ergot. — L’ergot est une des maladies les plus singulières des graminées ; il en attaque un grand nombre, mais particulièrement le seigle, la seule céréale qui, outre le maïs, y soit sujette. C’est une excroissance (fig. 707) dure, compacte, cassante, cylindrique ou un peu anguleuse, Fig. 707 présentant à peu près la forme d’une corne obtuse, ordinairement blanche ou grise à l’intérieur, d’un noir tirant sur le violet à l’extérieur. Elle occupe la place du grain et sort d’entre les glumes ; sa longueur est très-variable, mais ne dépasse pas 18 lignes. Son poids, d’après M. Tessier, est à celui du seigle à peu près comme 9 à 14, ou comme 5 à 8, suivant qu’on les compare l’un à l’autre sous leur forme entière ou à l’état pulvérulent. Suivant le même agronome, on l’observe plus particulièrement parmi les seigles semés sur des terres récemment défrichées, parmi ceux qui sont mélangés de vesce, dans les saisons et les terres humides, dans les parties basses des lieux en pente, sur les bords des chemins, dans les terres maigres et sablonneuses. Suivant Baumé, les seigles cultivés plusieurs années de suite sur le même terrain, sont fort exposés à ses atteintes.

M. de Candolle regarde l’Ergot comme une végétation cryptogamique, qu’il appelle Sclerotium clavus. Il est inutile de dire ici les raisons sur lesquelles il fonde sa manière de voir, que d’autres botanistes ne partagent pas ; elles ne nous paraissent pas sans réplique, mais du moins son opinion est bien aussi satisfaisante que le vague où nous laissent les partisans du système opposé. Il vaut tout autant regarder l’ergot comme un champignon que de le définir, avec M. Unger, un embryon qui se dévore lui-même.

Vauquelin a trouvé dans le seigle ergoté, comme substances immédiates, deux matières colorantes, l’une jaune, l’autre violette qui peut être enployée dans la teinture, une matière huileuse, douceâtre et très-abondante, un acide indéterminé, de l’ammoniaque libre, enfin une substance végéto-ani-