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très-souvent mortelles pour les plantes herbacées, sont en général peu dangereuses pour les végétaux ligneux, qu’on guérit ordinairement sans difficulté en rendant la plaie nette, ou y appliquant un emplâtre. Ce qui va suivre ne sera donc applicable qu’aux arbres et arbustes.

Les fractures occasionées par les vents, par la foudre, par la chute d’arbres voisins, les déchirures provenant de la dent des animaux, sont les plaies les plus dangereuses ; il n’y a souvent pas de meilleur remède que de rabattre au tronc si ce sont les branches qui ont été brisées, et rez-terre si le tronc lui-même a souffert.

Les fentes qui se produisent naturellement à l’écorce en raison de la croissance, ou qu’on y fait quelquefois pour favoriser l’accroissement, sont des accidens rarement suivis de lésions. Il n’en est pas de même des fentes longitudinales considérables qu’éprouvent les arbres par suite des grands froids, et qui altèrent profondément le bois lorsqu’elles ne font pas périr les individus. On y a quelquefois remédié, pour des végétaux précieux, en rapprochant les parties désunies au moyen de liens très-forts, tels que des cercles de fer, etc. Ces fentes sont quelquefois rayonnantes, partant du centre et suivant à peu près la direction des rayons médullaires ; on leur donne alors les noms de cadran ou cadranure. La maladie appelée roulure consiste en ce que la partie celluleuse de chaque couche ligneuse se désorganise d’une manière analogue aux gelivures, d’où résulte dans ces couches des intervalles vides ou peu remplis de tissu cellulaire. On nomme gelivures quand elles sont anciennes, faux-aubier quand elles sont récentes, les couches d’aubier désorganisées en partie par la gelée, et qui, revêtues d’une nouvelle zone ligneuse, peuvent se conserver quelquefois dans les vieux troncs ; si l’arbre a éprouvé durant sa vie deux ou trois fois le même accident, on trouve alternativement dans sa coupe des zones de bois sain et de bois gelé : c’est ce qu’on appelle gelivures entrelardées. On peut facilement reconnaître la date des gelivnres en comptant le nombre des couches. « C’est ainsi, dit M. de Candolle, qu’on trouve souvent dans les vieux troncs des traces de l’hiver de 1709. » Le plus ordinairement on ne s’aperçoit de ces accidens que lorsqu’il n’est plus temps d’y porter remède.

Les plaies transversales produites en cassant ou coupant une branche, ne sont pas toujours sans danger, la nature ne présentant aucun moyen direct pour les recouvrir ; telle est l’origine des cavités ou gouttières qui se creusent dans le bois et réduisent souvent à l’écorce les gros et vieux arbres qu’on dirige en têtards, tels que les saules, les châtaigniers, les peupliers, etc. ; l’olivier taillé est fréquemment soumis au même accident.

Les moyens de guérir ou diminuer les inconvéniens des plaies, aussi bien dans les cas d’élagages que dans la coupe des taillis et l’abattage des arbres, consistent à ne pas laisser ces plaies baveuses, et à leur donner une coupe oblique qui procure l’écoulement de l’eau, et fait que s’il se développe un bourgeon du côté supérieur, l’écorce, se trouvant alors alimentée, pourra former un bourrelet latéral capable de recouvrir la plaie. S’il s’agit d’une branche latérale, on doit la couper près du tronc et de manière à présenter une coupe oblongue que l’accroissement de l’écorce recouvrira comme une plaie verticale. Les forestiers savent cependant que pour quelques arbres, comme les conifères, les rameaux latéraux doivent être coupés à un pouce du tronc, parce que si l’on coupe à la naissance des branches, il se forme un trou qui pénètre jusque dans le bois, tandis que ces tronçons, en se desséchant, ferment la plaie.

Les plaies qui mettent à nu le corps ligneux méritent toujours de fixer l’attention, parce qu’elles peuvent devenir graves ; l’air agit sur le carbone du bois et diminue sa solidité ; l’eau dissout les parties attaquables, les amollit et les désorganise. Le bois résiste mieux que l’aubier à cette désorganisation, et les bois durs mieux que les bois tendres. Les Conifères, à cause de la résine que contient leur bois, résistent mieux aussi à l’action de l’eau. On évite autant que possible ces inconvéniens, lorsque la surface de la plaie est lisse et ne présente aucune anfractuosité, parce que l’eau pouvant s’écouler, la destruction est plus lente ; les bois coupés à tranche nette souffrent donc moins que ceux rompus ou à tranche baveuse, qui permettent l’infiltration des eaux. Il y a moins d’inconvéniens lorsque ce sont des surfaces verticales qui sont dénudées que quand ce sont des surfaces horizontales, parce que l’eau s’y arrête moins ; aussi les coupes transversales produisent-elles des accidens plus graves que les plaies longitudinales.

Les plaies qui n’attaquent que les parties extérieures de l’écorce sont peu importantes ; ces blessures ne deviennent graves que quand elles ouvrent un passage aux sucs laiteux, gommeux, résineux, qui abondent dans certaines écorces, ou bien lorsqu’elles mettent à nu un tissu très-parenchymateux et susceptible de pourriture.

Toutes ces plaies se guérissent souvent naturellement par suite de la direction du cambium qui tend à former un bourrelet croissant aux deux bords ; il s’ensuit que la longueur de la plaie est de peu d’importance comparée à sa largueur : étroite, elle est promptement recouverte et le corps ligneux est peu altéré ; large ou circulaire, il lui faut des mois, des années pour se recouvrir ; quelquefois elle ne se couvre jamais, et il en résulte la mort du végétal.

Empêcher l’action de l’atmosphère sur la plaie, c’est le seul moyen de favoriser la réunion de l’écorce ; voilà pourquoi les cultivateurs recouvrent ces plaies de diverses manières. Une simple planche clouée ou fixée de toute autre manière est un moyen bien grossier ; le meilleur abri de ce genre, c’est l’onguent de Saint-Fiacre, que Forsith composait comme il suit : bouse de vache, une livre ; plâtre, demi-livre ; cendre de bois, demi-livre ; sable siliceux, une once ; on pulvérise d’abord ces trois dernières substances, puis on les mêle avec la première. La manière d’employer cet onguent consiste à l’étendre sur la plaie à l’épaisseur d’un huitième de