Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1844, I.djvu/544

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de garde. — Si cette pluie se prolonge jusqu’au moment de la moisson, le grain, au lieu de se perfectionner et d’achever sa maturité, germe et se gâte au milieu des champs.

Les vents impétueux, accompagnés de fortes pluies, les orages, occasionent aussi un tort considérable en faisant verser les récoltes : les tiges, dans ce cas, plus ou moins ployées, subissent une espèce d’étranglement ; la sève, interrompue dans son cours, ne monte plus jusqu’aux épis et aux graines ; les mauvaises herbes prennent le dessus et étouffent les bonnes plantes ; celles-ci, entassées et mouillées, s’échauffent et finissent souvent par fermenter, noircir et pourrir. Il n’est aucun moyen direct d’apporter remède au versement des récoltes ; mais on peut le prévenir, d’abord en multipliant les haies et les plantations d’arbres, ou en plaçant de distance en distance, dans le champ qu’on suppose en danger de verser, des perches transversales attachées à des piquets ; en second lieu, comme ce sont ordinairement les récoltes trop fortes qui courent le danger de cet accident, on y obvie en semant deux années de suite des récoltes épuisantes, en ne mettant pas de fumier, en semant clair, ce qui fait obtenir des tiges moins nombreuses mais plus résistantes, en coupant les feuilles au printemps, enfin, pour les céréales, en donnant la préférence aux variétés à petits épis. Lorsque ces précautions n’ont point été prises, et que le versement a lieu, si c’est peu avant la maturité complète, il est ordinairement avantageux de moissonner sans retard ; mais, si cela arrive environ un mois avant cette époque, comme les herbes s’élèveraient au-dessus des tiges, et que la perte pourrait être complète par suite de la pourriture, il n’y a souvent pas d’autre moyen de salut que de couper immédiatement pour en faire un fourrage abondant et d’excellente qualité.

La grêle cause des ravages semblables et souvent bien plus considérables, puisqu’elle hache les récoltes, meurtrit les tiges et les rameaux, et répand dans le champ un froid glacial qui suspend la végétation pendant un temps plus ou moins long. Pour les plantes annuelles ainsi maltraitées par la grêle, il n’y a souvent rien de mieux à faire que de les retourner et de les enterrer en semant le champ en vesce d’hiver, en navette, en haricots, en navets, etc. — Les moyens proposés pour prévenir les ravages de la grêle sont illusoires, à l’exception des Assurances dont nous avons parlé précédemment (page 303 de ce volume).

Les grains qui ont subi les altérations causées par les accidens dont nous venons de parler, sont menus, chétifs, ridés, et portent des signes qui les font désigner dans le commerce par les noms de blés échaudés, blés maigres, blés coulés, blés stériles, blés versés, etc.

[19:1:2]

§ ii. — Des lésions internes.

Les affections produites par le dérangement des fonctions de la vie végétale sont les moins connues : les unes paraissent avoir pour cause la faiblesse, d’autres l’excès de la végétation.

L’abondance des sucs séveux cause parfois des dérangemens plus ou moins graves, principalement chez les végétaux ligneux. Pour toutes les plantes, nous voyons généralement la stérilité, c’est-à-dire l’avortement des fleurs et des fruits, être la suite d’une trop grande vigueur. L’abondance excessive des engrais ou leur mauvaise qualité altèrent la marche des sucs végétatifs, et par suite les fonctions organiques jusque dans leur essence : les organes deviennent difformes, changent de couleur, exhalent une odeur insolite qui nuit à la qualité des produits ; les plantes poussent trop en feuilles et pas assez en fruits ; enfin, dans certains cas, il se développe de véritables maladies. C’est ainsi que les mûriers blancs, placés près des fumiers ou dans des sols trop engraissés, sont sujets à la gangrène humide, sorte d’ulcères d’où découle une sanie acre et noirâtre qui accélère souvent leur mort. — Dans les années très-pluvieuses, beaucoup de végétaux éprouvent une sorte de pléthore ou d’hydropisie : l’eau ne s’élabore plus dans les vaisseaux ; les huiles, les résines ne peuvent se former ; les fruits sont sans saveur ; les graines ne mûrissent pas, et sont sans fécule ; les feuilles tombent ; les racines se couvrent de moisissiures et pourrissent. — Lorsque cette humidité coïncide avec une température élevée, elle détermine les plantes à pousser trop en feuilles ou en pousses herbacées, état considéré comme heureux lorsqu’il s’agit de la culture des prairies, et comme une maladie lorsque ce sont les fleurs ou les fruits qui étaient l’objet principal des soins du cultivateur. — Ou conçoit que, pour ces affections, écarter leur cause, lorsque cela est au pouvoir de l’homme, voilà le seul moyen d’y porter remède.

Dans les arbres, les flux des sucs séveux sont parfois considérables et donnent naissance à des affections très-dangereuses. Un mauvais élagage, lorsqu’on coupe de grosses branches latérales, notamment aux ormes, aux marronniers, et en général aux arbres des routes et promenades, cause, au printemps, un écoulement de sève ascendante ; elle coule sur l’écorce, y dépose des matières terreuses ordinairement blanchâtres, qui obstruent l’action superficielle de l’écorce, et tendent aussi à désorganiser celle-ci en s’infiltrant entre elle et le bois ; elle détermine, par suite, des ulcères plus ou moins graves dans les parties inférieures. — L’écoulement appelé pleurs de la vigne est du même genre, mais ne parait pas altérer gravement la santé de ce végétal. — Ces flux paraissent avoir pour cause la succion trop forte des racines, alors que les feuilles ne sont pas assez développées pour en absorber ou exhaler les produits. — On observe aussi chez plusieurs végétaux des extravasations de sucs propres : telle est la gomme des cerisiers, pruniers, etc., rarement nuisible à leur santé, si ce n’est en causant des obstructions, lorsqu’elle s’insinue dans les vaisseaux de la plante. Cette affection est ordinairement le résultat d’un sol, d’une exposition, ou d’un climat mal appropriés aux végétaux : le meilleur moyen d’y remédier serait de choisir une meilleure situation ; on peut aussi couper la partie attaquée, et y apposer un emplâtre. — Quand