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lui est au contraire incontestablement préférable, tant à cause de sa longévité que par suite de sa rusticité et de la propriété qu’il possède à un haut degré, de végéter dans les terrains arides de toute nature, une fois qu’il est parvenu à s’y bien établir.

Le Trèfle blanc (Trifolium repens, Lin.), petit Trèfle de Hollande (fig. 685), vivace, a Fig. 685. des fleurs blanches portées chacune sur un pédoncule particulier d’une très-grande longueur ; ses trois folioles, dentées en scie, sont plus arrondies que dans les espèces précédentes ; ses tiges, presque ou entièrement glabres, sont rampantes à leur base et naturellement couchées sur la terre. Les pédicelles de chaque feuille sont, comme les pédoncules, d’une longueur remarquable.

Cette espèce serait peu propre à remplacer le trèfle rouge, comme prairie artificielle sans mélange ; mais son mérite n’en est pas moins bien connu des cultivateurs ; on le retrouve plus ou moins abondant dans presque tous les pâturages ; à peine visible dans les terrains arides ou privés des élémens calcaires qui lui conviennent à un si haut degré, il se développe et apparaît tout-à-coup au milieu des graminées à la suite d’une fumure ou d’un simple amendement à base de chaux, ce qui, par parenthèse, a donné lieu plusieurs fois à d’étranges conjectures sur la croissance spontanée des végétaux. — Sa racine centrale pivote à une profondeur telle qu’il résiste très-bien à la sécheresse, même sur les sols les plus légers ; d’un autre côté, les tiges latérales se couvrent de distance en distance de racines fibreuses qui pompent leur nourriture à une beaucoup moindre profondeur. De là sans nul doute la propriété du trèfle blanc de croître dans les argiles comme dans les sables, quelle que soit l’épaisseur de la couche végétale.

On emploie fort avantageusement cette plante pour former le fonds des prairies et des pâturages sur lesquels dominent les graminées. Dans quelques lieux on la sème seule à raison de 5 à 6 kil. au moment de leur formation, et on abandonne à la nature le soin de faire le reste. On sait combien il est préférable de former en entier le mélange. — Le trèfle blanc est une des meilleures légumineuses connues pour regarnir les herbages vieillis, d’après le procédé qui a été indique page 479 de ce chapitre.

Le Trèfle incarnat (Trifolium incarnatum, Lin.), Farouch, Farouche, Trèfle de Roussillon (fig. 686), a des fleurs rosées ou purpurines disposées en long épi Fjg. 686. conique, non accompagné de feuilles ; son calice, dont les divisions sont égales, est très-velu et marqué de côtes ; les folioles seront arrondies, en forme de coin à la base, à pédicelles fort courts, surtout vers le haut.

« La culture de ce fourrage annuel, longtemps limitée à quelques-uns de nos departemens méridionaux, s’est étendue depuis dans plusieurs de ceux du nord, et deviendra probablement, d’ici à peu d’années, générale en France. Quoique le trèfle incarnat ne donne qu’une coupe, et que son fourrage sec soit inférieur en qualité à celui du trèfle ordinaire, cependant il est peu d’espèces qui puissent rendre d’aussi grands services à l’agriculture, attendu que presque sans frais, sans soins et sans déranger l’ordre des cultures, on en peut obtenir d’abondantes récoltes de fourrages. Il a de plus le mérite d’être très-précoce, et, soit en pâturage, soit coupé en vert, d’offrir au printemps des ressources pour la nourriture du bétail, presqu’avant aucune autre plante. On sème ce trèfle en août ou au commencement de septembre, ordinairement sur les chaumes, après les avoir retournés par un très-léger labour à la charrue ou à l’extirpateur. Cette façon ou du moins l’ameublissement de la surface du sol par des hersages répétés, est nécessaire pour la graine mondée qui a besoin d’être recouverte à la herse ; mais lorsque l’on a de la graine en gousse, il suffit de la répandre sur le chaume sans aucune préparation préalable, et de passer ensuite le rouleau ; elle réussit presque toujours très-bien ainsi, surtout lorsqu’on s’est pressé de semer aussitôt après l’enlèvement de la moisson. On voit par là avec quelle facilité les pays dépourvus de fourrages, ceux surtout qui suivent l’assolement triennal, pourraient améliorer leur situation agricole. Qu’un fermier, par exemple, sème ainsi une portion de ses chaumes d’avoine, je supposerai le quart, dans les premiers jours de mai s’il veut couper en vert, du 15 au 25 s’il récolte en sec, tout peut être débarrassé. Il est encore à temps de lever les guérets sur cette portion de sa sole, et de lui donner toutes les façons de jachère. Ainsi, sans dérangement aucun, il aura obtenu de cette partie de ses chaumes une forte provision de fourrages, entre la récolte et l’époque où naturellement il y aurait mis la charrue. Le trèfle incarnat offre une ressource précieuse pour regarnir un trèfle manqué, en jetant simplement de la graine en gousse sur les clairières, ou même, au moyen de hersages ou ratissages suffisans, de la graine mondée.

Presque toute terre à froment ou à seigle,