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qui leur disputent le terrain ; elles rendent inutiles les sarclages si dispendieux et quelquefois même si nuisibles aux herbages nouvellement sortis de terre. L’un des plus grands fléaux pour les prairies artificielles, dans nos climats du moins, surtout pour le trèfle et la luzerne, c’est la sécheresse : les tiges se défendent contre elle ; elles dérobent le sol qu’elles recouvrent à l’action de la chaleur du soleil, et s’opposent à l’évaporation de l’humidité qu’il contient.… — Une autre considération qui ne parait pas moins importante et que je tire de la constitution même de ces plantes, c’est qu’étant très-serrées, leurs tiges sont bien moins difficiles à sécher, et, quoique je n’aie pas été à même de faire cette comparaison, je suis persuadé qu’une récolte de luzerne qui aura été semée dru, sera sèche deux ou trois jours plus tôt que celle dont les tiges auront été plus espacées, et tous ceux qui savent quel est le prix de l’économie d’un jour seulement pour des fourrages coupés, et surtout des fourrages artificiels, ne regarderont pas cet avantage comme peu important. — On m’a souvent objecté que les prairies semées trop dru ont une durée bien moins longue que les autres ; c’est une vérité que j’ai observée plusieurs fois, mais c’est précisément cette circonstance qui détermine beaucoup d’agriculteurs à ne pas épargner la semence. Pressés par l’expiration trop prochaine de leurs baux, ils se hâtent de retirer de la terre le fruit de leurs avances ; si elle donne moins longtemps, elle donne des jouissances plus promptes… Cependant, si l’extrême n’est pas aussi nuisible que l’extrême contraire, il n’est pas sans inconvénient. N’en eut-il d’autre que d’occasioner une dépense inutile, ce serait déjà beaucoup. On peut admettre comme principe général, que les plantes vivaces doivent être moins serrées que les plantes annuelles, et qu’elles doivent l’être d’autant moins qu’elles sont plus vivaces… — On doit savoir encore que la nature du sol, la quantité d’engrais qu’il a reçue, le temps de l’ensemencement, la température atmosphérique et bien d’autres circonstances encore, doivent apporter des variations dans cette fixation, etc., etc. — À ce long extrait, je n’ai rien à ajouter. J’indiquerai, en parlant de chaque espèce en particulier, quelles sont, dans quelques circonstances principales, les proportions de semences qui me semblent convenables.

La préparation du terrain n’offre aucune particularité, sinon que l’épaisseur de terre végétale qui suffit à la rigueur aux céréales, est insuffisante pour les fourrages vivaces dont les longues racines, comme celles de la luzerne et du sainfoin, pivotent profondément. Ce n’est pas que le soc puisse atteindre, ainsi qu’elles le font à la longue, jusqu’au sous-sol ; mais il n’en est pas moins d’observation qu’un champ défoncé à une profondeur de 12 à 15 po. (0m 325 à 0m 406) donne naissance à des herbages d’une végétation plus belle, plus productive dès les premières années, et, chose moins facile à expliquer, plus durable cependant qu’un champ de même nature labouré à 6 ou 7 po. (0m 162 à 0m 189) seulement.

On sème encore parfois quelques prairies artificielles en lignes. Toutefois cette pratique est si peu fréquente et paraît offrir généralement si peu d’avantages, que je ne m’arrêterai pas à en parler. — Un sujet plus important est de savoir s’il vaut mieux les semer seules ou en même temps que les céréales. Pour le trèfle, la lupuline et quelques autres légumineuses, la pratique a sanctionné la seconde méthode qui est devenue générale. Mais il n’en est pas tout-à-fait de même de la luzerne, du sainfoin, etc. Plusieurs agriculteurs ont cru reconnaître qu’un pareil mélange était nuisible aux plantes à longue durée, tandis que d’autres, s’ils lui ont reconnu de légers inconvéniens, ont trouvé que ces inconvéniens étaient plus que compensés par les avantages. Toutes les observations qui me sont personnelles m’ont amené à partager entièrement cette dernière manière de voir.

Les semis d’automne, faits immédiatement sur ceux de céréales de la même saison, dont l’usage est peu répandu, n’exigent qu’un léger hersage, ou, selon les circonstances, un roulage de plus. Souvent même on confie à la première pluie le soin de recouvrir les graines de prairies. — Les semis de printemps sur céréales de mars sont dans le même cas. On juge quelquefois prudent de ne répandre les semences herbagères que lorsque la céréale est levée et déjà un peu forte, dans la crainte que la croissance trop rapide de la légumineuse ne nuise à ses produits, comme il n’est pas sans exemple que cela soit arrivé dans les terres très-favorables à la végétation du trèfle ; mais la manière de couvrir n’est pas pour cela changée — Enfin, le semis de printemps sur un blé d’automne n’exige pas non plus habituellement autre chose qu’un hersage, du reste assez profitable à la récolte du grain, pour que les frais qu’il entraîne soient amplement couverts par l’augmentation de produit.

Dans toutes ces circonstances, on voit que les frais de culture de la céréale ne sont vraiment augmentés que du prix d’acquisition des graines de la prairie ; tandis que si cette dernière devait être semée seule, elle exigerait la plupart du temps les mêmes travaux de préparation que le blé lui-même. Certes, une telle considération est importante. Reste donc à savoir si le semis simultané devra nuire plus tard à l’une des deux récoltes, et si, dans le cas où il en serait ainsi, il pourra nuire au point de balancer en perte le bénéfice notable que procurent la diminution des frais de main-d’œuvre et le produit de la moisson. Or, il peut arriver que la première question soit parfois résolue affirmativement, mais je doute qu’il en puisse jamais être ainsi de la seconde. — Peut-être, la légumineuse répandue sur un blé ne lèvera pas aussi complètement et ne se développera pas aussi vite que si elle eût été semée seule ; mais les bons cultivateurs savent qu’en prenant les précautions convenables on peut obtenir une prairie suffisamment touffue après une récolte très-lucrative de grain, et, si la première coupe est retardée, ils s’en consolent facilement par la vente de leur blé et l’emploi de sa paille.

M. de Dombasle qui fait quelquefois biner