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inverse avec l’abondance des herbages, et qui est fixée à un piquet qu’on déplace chaque jour, pour le rapprocher de la partie non broutée. On évite ainsi de multiplier outre mesure les clôtures ; — les bestiaux se nourrissent abondamment sans rien gaspiller ; — l’herbe est tondue également ; — les engrais peuvent être chaque soir répandus ou réunis à la masse des fumiers ; — Enfin, lorsque le pâturage a lieu sur des plantes légumineuses, les limites dans lesquelles on le restreint font disparaître tout danger.

Section ii. — Des prairies.

Les détails précédens abrégeront nécessairement beaucoup ce qui me reste à dire des prairies, ou du moins des prairies permanentes, plus vulgairement connues sous le nom de naturelles. Elles ne diffèrent en effet parfois des pâturages proprement dits que par la manière dont on récolte leurs produits. — Pâturages et prairies de graminées ont la même origine. — Ce que j’ai dit de la formation des uns ; — du meilleur choix possible des plantes qui les composent ; — de la manière de les semer lorsqu’on juge convenable de le faire ; — de les entretenir et de les améliorer, se rapporte à très-peu près aux autres. Lorsqu’il existait des différences importantes, j’ai dû déjà les faire ressortir dans chaque paragraphe, et, pour ne pas diviser les matériaux qui se rangeaient naturellement sous chaque titre, autant que pour éviter plus loin des répétitions sans cela inévitables, j’ai cru devoir encore réunir, dans plusieurs parties de la 1re section de ce travail, ce qui aurait pu se rapporter, peut-être d’une manière plus spéciale, aux herbages dont il me reste à parler. C’est ainsi que je n’aurai plus à revenir sur l’étaupinage, les irrigations, etc.

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ier sujet. — Des prairies à base de graminées.

Si, d’un côté, les grandes hauteurs et les lieux très-secs produisent rarement des herbes assez élevées pour être fauchées, souvent les lieux bas et marécageux ne peuvent admettre le pâturage. Hors de ces deux cas, la position des herbages de l’une et l’autre sorte est à peu près la même ; c’est-à-dire qu’on cherche à les placer dans des sols ou à des situations plus humides que les terres arables. — Lorsque l’humidité est excessive et stagnante, elle constitue les prairies marécageuses ; — lorsqu’elle est due aux inondations ou aux infiltrations périodiques des cours d’eau, elle donne naissance aux prairies basses ; — enfin lorsqu’elle n’est le produit que des eaux de pluie plus ou moins habilement dirigées des terrains voisins sur les prairies, ces dernières prennent communément le nom de prés secs.

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§ ier. — Des prairies marécageuses.

Dans les localités où les eaux séjournent constamment, la nature des herbages est telle qu’on ne doit compter sur leurs produits, lorsqu’on peut les récolter, que pour ajoutera la masse des fumiers. Je dirai même à ce sujet que cette ressource n’est pas encore appréciée partout autant qu’elle devrait l’être (Voy. l’article Engrais végétaux). A la vérité, sur les bords des étangs et des marais, quelques graminées, dont il sera parlé, disputent le terrain aux plantes aquatiques. Presque toutes, en mûrissant, acquièrent une dureté telle que la faulx pourrait à peine les abattre, et que les animaux les rejetteraient ; mais il en est qui, coupées en vert, procurent un assez bon fourrage après qu’on les a laissées se dépouiller de leur surabondance d’eau en les exposant pendant une douzaine d’heures aux effets du soleil.

Lorsque les eaux ne sont stagnantes qu’une partie de l’année, les végétaux marécageux qui ne pourraient supporter quelques mois de sécheresse, disparaissent pour faire place à d’autres plantes, sortes d’amphibies du règne végétal, qui peuvent vivre sous l’eau et dans l’air, et parmi lesquelles se rencontrent en plus ou moins grand nombre des herbes fourragères. La quantité de celles-ci augmente à mesure que la durée de l’inondation est plus limitée, de sorte que toutes les fois qu’on peut entrer dans ces sortes de prairies pendant la 2e partie de la belle saison, faucher à sec et faire sécher le foin, on peut être certain que ce foin, bien que fort médiocre, pourra en définitive être utilisé. Cependant il ne faut pas prendre en considération la seule durée de l’inondation. La nature des eaux est pour beaucoup dans les effets qu’elles produisent ; au moins ai-je souvent remarqué que celles des rivières peu rapides qui favorisent surtout la propagation des joncs, des stipes, etc., nuisent infiniment plus promptement à la qualité des herbages que les eaux d’un cours plus vif.

Le foin des prairies longtemps couvertes d’eaux stagnantes est toujours dur et souvent fort malsain. Un de mes fermiers en récolte chaque année de semblables dans la commune de Brisarthe, non loin de la rivière. Lorsque la nécessité le force à l’employer autrement qu’en très-petite quantité, à la nourriture de ses bœufs, ces animaux, bien que dans des étables fort saines, perdent en peu de jours leur énergie ; leur poil cesse d’être lisse; ils se couvrent d’une multitude de poux qui disparaissent presque aussitôt qu’on leur donne une autre nourriture, et ils maigrissent à vue d’œil. — On conçoit qu’en pareil cas il faut être bien à court d’autres fourrages pour recourir à celui-là. Heureusement, dans les années où les prairies artificielles manquent par suite de l’aridité de la belle saison, le marais se découvre plus tôt que de coutume, et le foin qu’il produit est de meilleure qualité. Dans les années, au contraire, où les fourrages herbagers réussissent, ce foin ne doit servir en grande partie que de litière. — Cette destination dans une ferme où une portion du terrain reçoit du chanvre, où, par conséquent, les pailles sont moins abondantes que dans d’autres, ne laisse pas d’être importante.

En général, les foins des prairies marécageuses exigent plus de soin que d’autres à l’époque de la récolte. Il est bon, pour éviter leur complet endurcissement, de les faucher de bonne heure et de les faner avec une attention toute particulière, car, sans cette