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s’aperçoit facilement par le cercle qui se trouve formé autour de chaque arbre dans les terres arables. Aussi l’a-t-on appelé le larron complice du propriétaire, parce qu’il dérobe chaque année, au profit du fermier, dix fois la valeur qu’il acquiert lui-même. — Sous ces arbres, les herbages sont aussi fort inférieurs, comparés à ceux du reste du champ. » (Code d’agriculture.)

De tout ceci, ou ne doit pas plus conclure qu’il ne faille jamais planter de baliveaux dans les haies, que, de ce que j’ai dit, on ne peut induire qu’il faille en planter partout. J’ai souvent remarqué que leur influence fâcheuse se faisait sentir davantage du côté du nord que du midi du tronc, et surtout qu’elle s’étendait beaucoup plus dans les terrains peu profonds que dans les autres. Il y a pour cela deux raisons : d’abord les premiers de ces terrains contiennent une moindre quantité d’humidité, et ensuite la proximité de leur sous-sol force les racines à s’étendre au lieu de pivoter. En voilà plus qu’il ne faut pour expliquer de grandes différences dans les résultats qu’on a pu observer en des localités différentes.

vie sujet. — Des meilleurs moyens d’utiliser les produits des herbages par le pâturage.

Il y a trois manières de récolter les produits des herbages : — 1° le pâturage proprement dit, qui doit nous occuper plus spécialement ici ; — 2° le fauchage et la consommation en vert au parc ou à l’étable ; — 3° le fauchage à l’époque de la maturité des herbes, et la transformation en foin.

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§ ier. — Des pâturages dans les prairies.

Est-ce une bonne ou une mauvaise méthode de faire pâturer les prairies à certaines époques de l’année ? À ce sujet les auteurs se sont prononcés de manières fort différentes. Tachons de trouver dans l’observation des faits la solution du problème. — Dans un assez grand nombre de lieux, on met les troupeaux sur les herbages fauchables pendans une partie de l’hiver et du printemps. Je dis les troupeaux, parce qu’en effet les pâturages de cette saison sont d’ordinaire réservés aux bêtes à laine. — Presque partout où les regains ne sont pas assez abondans pour procurer une coupe de quelque importance, on les fait également consommer sur pied en automne, et à cette époque c’est aux bêtes à cornes qu’on les abandonne. — Le pâturage des prairies n’est possible que dans ces deux cas.

Au printemps, la présence des bestiaux peut avoir deux inconvéniens principaux : — celui de piétiner un sol encore mal égoutté : — et celui de retarder la croissance des herbes et de nuire par cela même à la production du foin. Sans nul doute cela arrivera, si, d’une part, le terrain n’est pas suffisamment ressuyé, si sa nature très-argileuse le prédispose à un tassement trop considérable, et si, de l’autre, on laisse les animaux séjourner assez longtemps pour que les gramens n’aient plus la possibilité de monter convenablement avant l’époque ordinaire de la fauchaison ; mais, hors ces deux cas, qu’il est facile de prévoir et très-important d’éviter, le pâturage présente généralement plus d’avantages que d’inconvéniens. — Les moutons et notamment les brebis nourrices s’en trouvent à merveille. En broutant particulièrement les espèces les plus précoces qui devanceraient les autres dans leur maturité, et diminueraient plus tard la qualité du foin, ces animaux égalisent en quelque sorte la croissance des herbes ; — ils contribuent beaucoup, connue je l’ai dit, à la destruction des plantes inutiles, au profit des graminées ; — la pression qu’ils exercent à la surface des terrains poreux, faciles à soulever, est d’un très-bon effet ; — enfin leurs excrémens, en dépit de tout paradoxe, contribuent sensiblement à maintenir la fertilité du sol et à améliorer les fenaisons suivantes. Quant à la durée d’un tel pâturage, il est d’une haute importance de ne pas la prolonger outre mesure. Le moment où il convient de fermer la prairie, est déterminé par l’état d’avancement ou de retard de la végétation, selon les années. « Si le printemps est chaud, dit Thaer, le pâturage doit cesser dès le 20 avril dans la partie septentrionale de l’Allemagne, ou du moins au commencement de mai ; si la température est froide et que l’herbe ne pousse que faiblement, on peut le prolonger jusqu’au 10 mai. » — Dans la partie moyenne de la France, ce serait plus d’un mois trop tard. Beaucoup de personnes pensent qu’il ne faut pas continuer de faire pâturer les prairies au-delà du terme des dernières gelées un peu fortes, et les anciens usages de parcours ont en effet fixé le 25 mars.

Dans les pays où l’on n’élève pas de moutons, le pâturage de printemps a moins souvent lieu, parce que la pesanteur des bêtes bovines rend le premier inconvénient dont j’ai parlé plus fréquent et plus grave. Leurs excrémens sont aussi moins profitables que ceux des moutons, non seulement parce qu’ils communiquent à l’herbe qu’ils recouvrent une saveur qui en éloigne les bestiaux même après qu’ils ont été enlevés, mais parce qu’avant qu’on ait pu les répartir, ce qu’il est impossible de faire fort également, ils sont en grande partie détruits par une foule d’insectes qu’ils attirent et auxquels ils servent de refuge. Beaucoup de personnes croient aussi que les bêtes bovines ont moins besoin que les brebis de cette première nourriture verte ; j’avoue que je ne suis pas de leur avis, et que je la regarde comme fort utile à leur santé. Quoi qu’il en soit, le pâturage au moyen des boeufs, même au printemps, peut être, en des circonstances favorables, une bonne pratique.

Il est beaucoup de localités où en automne le pâturage des prairies basses pourrait devenir fort nuisible à la santé des bêtes ovines : on a remarqué maintes fois qu’il leur occasionait la pourriture ; aussi, après la récolte des foins, livre-t-on les regains plutôt aux bœufs et aux vaches qu’aux moutons. Cette nouvelle pousse d’herbe, dit fort bien Thaer, qui, dans plusieurs localités, n’est jamais plus forte que dans cette partie de l’année, est très-avantageuse au gros bétail ; elle donne aux vaches une augmentation de