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nullement indispensable, comme on le conçoit très-bien, puisqu’une simple herse, pour peu que ses dents soient assez fortes, assez aiguës, et qu’elle soit suffisamment chargée, produit ordinairement des résultats satisfaisans.

Le terrain ainsi préparé, il est encore utile de le rouler en temps convenable pour unir le mieux possible sa surface, si l’on a fait choix d’espèces dont les graines soient très-fines et très-coulantes, comme celles du trèfle blanc, par exemple, l’une des meilleures plantes qu’on puisse employer en lui adjoignant, dans le cas où les vides seraient un peu considérables, une ou deux des graminées qui paraissent présenter le plus d’avantages et de chances de réussite dans la localité. — Si les graines sont plus grosses, le roulage est inutile avant leur dispersion.

Après le semis, qui ne sera fait, bien entendu, qu’aux endroits où le besoin s’en fera sentir, on devra se hâter de répandre le plus également possible le compost qui aura été préalablement préparé pour cette destination ; puis on roulera de nouveau, afin de recouvrir les graines et de les affermir dans le sol.

Ce moyen, sanctionné maintes fois par la pratique, a le plus souvent donné des résultats très-satisfaisans. — Les dépenses qu’il occasione sont subordonnées à la facilité plus ou moins grande de se procurer les engrais et les terres nécessaires à la formation du compost.

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§ vi. — Des clôtures.

Partout où les pâturages entrent pour une partie importante dans le système d’assolement et d’éducation des animaux, il est utile de les diviser en petits enclos : 1° parce qu’il est plus facile alors de répartir convenablement les animaux selon leur espèce, leur âge, etc. ; 2° parce que ces mêmes animaux, distribués sur chaque enclos en nombre proportionné à son étendue, parcourent moins d’espace et gâtent une moins grande quantité d’herbes pour chercher celles qu’ils appètent le plus ; 3° parce qu’on a remarqué qu’ils se trouvent beaucoup mieux à l’abri que donnent les haies contre les fortes chaleurs de l’été et contre les vents de printemps et d’automne, que sur de plus grands espaces où ils jouissent de moins de tranquillité ; 4° parce qu’en les faisant passer au besoin d’un enclos dans l’autre, on permet à l’herbe de recroître dans celui qu’on leur fait quitter ; 5° parce qu’enfin les clôtures en elles-mêmes présentent par leurs produits, des avantages de plusieurs sortes.

Dans les riches pâturages d’une partie de la Normandie, de la Charente-Inférieure, etc., les fossés qui séparent les enclos servent en même temps à égoutter les terres pendant la mauvaise saison. Leur largeur et leur profondeur sont combinées en conséquence, et, assez souvent, ils ne sont bordés d’aucune haie, dans la crainte de diminuer les effets de l’évaporation, l’étendue et la qualité de l’herbage. — En des localités où l’on n’a pas à redouter comme là l’excès d’humidité, il est rare qu’on ne plante pas les berges de haies propres à donner de l’ombrage, et à procurer de temps en temps quelque bois de chauffage. — Ailleurs enfin, comme on peut le remarquer dans presque tous nos départemens de l’ouest, on remplace entièrement les fossés, lorsqu’ils sont inutiles à l’assainissement du sol, par des haies dans lesquelles les têtards de chêne, de frêne, d’orme, etc., se trouvent assez rapprochés pour se toucher de leur feuillage sur chaque ligne.

Cependant, on ne doit pas se dissimuler que les haies, et surtout les haies à baliveaux, ont, par rapport aux pâturages, deux inconvéniens parfois assez graves : celui d’occuper par elles-mêmes beaucoup de place, et de nuire par leurs racines à la production de l’herbe dans leur voisinage ; — celui d’intercepter la lumière au point que, sous leur influence, les plantes s’étiolent et perdent une partie de leur qualité nutritive. Mais ces inconvéniens, qui naissent de l’abus, ne condamnent pas l’usage. Il est possible de choisir des arbres à racines plus pivotantes que traçantes, et, tout en cherchant à produire un ombrage salutaire, on peut facilement éviter d’outre-passer le but en les plantant à des distances trop rapprochées. La plupart, je dirai presque toutes les pâtures des deux rives de la Loire sont entourées de haies à baliveaux ; — on plante souvent sur leur surface des lignes de peupliers, de frênes, de saules, ou même, en dépit de leur disposition à tracer, d’ormeaux taillés en têtards ; et lorsque ces plantations sont faites avec discernement, elles ne paraissent pas sensiblement nuisibles aux herbages. Le fussent-elles un peu, il est certain qu’elles ne seraient jamais aussi dommageables que profitables ; car, non seulement l’abattis des branches, qui a lieu tous les 3 ans, est fort lucratif, mais la feuillée, qu’on enlève en automne aux frênes et aux ormeaux, produit un supplément de fourrage d’autant moins à dédaigner qu’il convient parfaitement aux vaches, et qu’il leur donne un lait excellent. — Le beurre qu’on en obtient, à cette époque de la saison, est particulièrement estimé.

Je sais que beaucoup d’agriculteurs n’approuvent pas, en général, la plantation d’arbres, et notamment du frêne, dans les haies. Il est curieux, à côté de ce que l’expérience de tout un pays m’a mis à même de rapporter ci-devant, de lire le passage suivant dans un ouvrage justement estimé, celui de sir John Sinclair ; il prouve combien il est difficile de généraliser les théories en agriculture, et combien les effets peuvent changer avec les positions. « Les racines des arbres, en s’étendant dans le champ dans toutes les directions, nuisent au reste de la haie, endommagent ou font rompre la charrue, et interrompent les travaux de culture. Les grains qui croissent à l’ombre sont toujours de peu de produit, inégalement mûrs, et ne peuvent pas se rentrer en même temps que ceux du reste du champ. Dans les saisons humides et tardives, il est même rare qu’on y recueille le grain en bon état, et quelquefois il est entièrement perdu. — Le frêne, en particulier, est un formidable ennemi pour les céréales. L’influence de ses racines pour absorber l’humidité et les principes nourriciers du sol