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fois un ruisseau voisin ou un canal établi à cet effet, qui recueille les eaux de pluie et les conduit sur une prairie rapprochée, fournit l’occasion d’y diriger ces engrais liquides, et de les étendre sur le pré.

Dans mon opinion, le meilleur moyen d’utiliser toutes les matières fertilisantes pour la fécondation des herbages, c’est de les transformer en composts. Par ce moyen, non seulement la répartition parfaitement égale en devient plus facile, mais les diverses substances liquides et même gazeuses sont absorbées de manière qu’il ne s’en fait aucune déperdition et que toutes se trouvent d’ailleurs généralement combinées dans la masse de façon à produire des effets infiniment plus durables.

La manière la plus ordinaire de former ces composts, est de réunir sur la lisière du terrain à améliorer, les fumiers d’étable et les terres destinées à les composer ; celles qui provenaient de cultures jardinières étaient naguère et sont encore, dans quelques parties de l’ouest, prisées, pour cette destination, presque à l’égal du fumier. A. leur défaut on recherche les curures d’étangs, de fossés, de marres ; — les boues des villes et celles des chemins fréquentés ; — les déblais desséchés et convenablement mûris des localités marécageuses ; — les terres gazonneuses qu’on a pu se procurer sans inconvéniens dans le voisinage ; — enfin, faute de tout cela, la terre prise autant que possible à la partie inférieure des champs limitrophes, parce que c’est presque toujours, par suite de l’effet des pluies, la plus riche et la plus profonde. — On mélange et on remue plusieurs fois ensemble ces diverses substances pendant le cours de la belle saison, et on les répand parfois à une assez forte épaisseur, d’après des considérations qui trouveront bientôt leur place, soit dans le cours de l’automne, soit au commencement du printemps.

A. Thouin, dans son Cours de culture, rapporte qu’il a vu en Belgique, aux environs de Malines, employer les cadavres des animaux de voirie, et particulièrement ceux des chevaux, à la fertilisation des terres. Voici, selon lui, les procédés usités pour composer cet engrais trop peu connu, bien qu’il ait perdu une partie de ses avantages depuis les travaux sur la meilleure manière d’utiliser les animaux morts, de M. Payen. — On fait une fosse de 2 pieds de profondeur sur 20 pieds en carré dans un lieu sec ; un lit de mottes de gazon de bruyère, de 6 pouces d’épaisseur, est placé au fond de cette fosse. On rassemble un nombre quelconque de cadavres de chevaux qu’on coupe, chacun en plusieurs parties, après en avoir enlevé la peau. Sur le lit de bruyère du fond on étend une 1re couche de chair ainsi découpée, de manière que les morceaux de cheval soient placés à peu de distance les uns des autres ; on les recouvre d’un lit de gazon de bruyère semblable au 1er, puis de nouvelle chair, et ainsi de suite, de manière à former une espèce de couche montée carrément, et que l’on recouvre ensuite d’assez de terre du voisinage, pour que l’odeur cadavérique ne se fasse pas sentir au dehors, et que tous les gaz qui s’échappent puissent, étant retenus, se combiner avec la masse de terre. — Au bout de 6 semaines ou 2 mois, on mélange le tout, on rejette les os, et on amoncelle de nouveau cette masse dans la même forme, puis on la couvre d’une nouvelle couche de terre. Elle reste dans cet état, et, l’année suivante, on la répand sur les terres qu’on veut graisser, et auxquelles elle communique, à petite dose, une fertilité prodigieuse pendant plusieurs années.

A peu près dans la même contrée, on rencontre fréquemment dans les grandes fermes une fosse destinée à recevoir les engrais réservés spécialement pour les prairies. C’est là qu’on accumulée côté des mauvaises herbes produites par le sarclage, des débris du bûcher, des balayures de la maison, du fenil et de la cour, les résidus du battage des grains, et toutes les autres substances animales ou végétales susceptibles de fermentation. — On y joint fréquemment la poussière et les matières excrémentitielles ramassées sur les chemins, et on facilite la décomposition et le mélange du tout en arrosant de temps en temps avec du jus de fumier. Lorsque la masse entière est en état d’être utilisée, on en forme des composts avec de nouvelle terre et une faible quantité de fumiers plus riches. Le principal but de cette pratique est d’abord de ne rien laisser perdre de ce qui peut ajouter aux engrais, et ensuite de ne pas mêler à ceux qu’on réserve pour les cultures économiques des germes de plantes nuisibles.

A côté de ces mélanges de fumier et de terre il faut placer les terres mêmes sans addition immédiate d’engrais, telles qu’on peut les enlever dans des localités naturellement fécondées par suite d’une bonne culture. Il est de fait qu’elles forment à elles seules, lorsqu’on les emploie en quantité suffisante, et qu’elles sont d’une nature un peu différente de celle de l’herbage, un fort bon compost et un amendement dont les effets sont marqués et durables. Ceci me conduit à parler des divers amendemens qui conviennent aux prairies.

La seule action physique de nouvelles molécules terreuses peut produire sur les prairies, comme sur toute autre culture, des effets très-favorables. C’est ainsi qu’on peut améliorer sensiblement les herbages qui couvrent des sols argileux ou tourbeux, humides et froids, en les recouvrant à leur surface de sable maigre qui absorbe facilement la chaleur, ou qui diminue peu-à-peu leur porosité ; c’est ainsi encore que, dans le même cas, les déchets pulvérulens des houillères, et les terres bitumineuses qui remplissent les faux filons, employés avec réserve, produisent les meilleurs effets. — A plus forte raison, lorsqu’aux propriétés physiques s’en joignent de chimiques, ou, en d’autres termes, lorsque les mêmes substances agissent à la fois, à la façon des engrais, des amendemens ou des stimulans, les résultats sont très marqués. — On a parlé ailleurs des composts dans lesquels la chaux se rencontre en proportion plus ou moins grande : leur action sur les herbages est puissante. — Il est certain qu’ils contribuent non seulement à la destruction des