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saires aux champs labourables, et, en définitive, toute la question se réduit à savoir si la valeur vénale du surplus des foins est en rapport avec les frais de fumure ; or, à bien peu d’exceptions près, la réponse ne peut être douteuse.

En traitant la question qui nous occupe actuellement, il nous importe d’abord de distinguer les pâturages des prairies, et parmi ces dernières, de faire encore la différence de celles qui sont accidentellement ou ne sont jamais pâturées. — Les pâturages reçoivent, en échange de la nourriture qu’ils procurent aux bestiaux, une partie, sinon la totalité des engrais qui en proviennent ; — les prairies, au contraire, abandonnent une ou plusieurs fois chaque année leurs produits sous la faulx, sans rien recevoir en compensation. Toutes circonstances égales, elles doivent donc avoir et elles ont, en effet, plus besoin d’être fumées que les pâturages.

Il existe, à la vérité, des prairies tellement améliorées par suite des débordemens périodiques des cours d’eau ou des irrigations limoneuses, qu’elles peuvent se passer indéfiniment de toutes fumures. Ce sont alors autant de sources de prospérité pour le pays qui les possède et des moyens que la nature accorde à leurs heureux habitans pour élever, sans effort, les produits de leur culture au-delà de tout ce que le travail le plus opiniâtre et l’industrie la mieux entendue pourraient accorder dans d’autres contrées. — Il existe aussi des herbages sur lesquels l’abondance et la qualité des eaux suppléent aux engrais ; — enfin, on en rencontre que la fertilité seule du sol défend pendant un fort long temps contre les effets de l’épuisement ; mais en général, la fécondité des prairies décroit tôt ou tard, surtout si l’on y fait habituellement deux coupes dans le cours de chaque saison. — Il faut donc les fumer ; « mais, la mesure d’engrais dont elles ont besoin peut être faible en compairaison de ce qu’elles rendent de produits conversibles en fumiers ; et tandis que, sous les assolemens de la culture des grains, les champs reproduisent en élémens d’engrais moins qu’ils n’exigent et ne consomment, les prairies qui ont été amendées, au contraire, rendent, par l’excédant de produit qu’elles donnent, après l’équivalent de ce qu’elles ont consommé, au moins le double d’engrais de ce qui leur avait été appliqué. Il n’y a donc aucun doute que la manière la plus certaine d’augmenter les engrais, c’est de les appliquer aux prairies ; par cette méthode on s’est procuré des prés, et on s’est donné la possibilité de fumer complètement les champs dans des lieux où auparavant cela était impossible. Lorsque cette vérité est si généralement reconnue par les gens de l’art, comment se fait-il que, dans la plupart des contrées, on fume si rarement les prairies ? La première avance est le plus souvent trop difficile ; car, lors même que le fumier qu’on donne aux prairies revient au tas surement et multiplié, cela ne s’effectue cependant pas dès la première année, mais seulement après le laps de six ou sept ans, puisque l’effet du fumier se prolonge durant ce temps et plus encore. C’est un capital qui, durant cet espace de temps, est triplé, quadruplé et plus encore ; mais il faut en faire l’emploi, et à beaucoup de gens cela paraît impossible à exécuter sans que leurs champs en soient appauvris. » (Thaer, Principes raisonnés d’agriculture.)

On confond généralement sous le nom d’engrais, les fumiers proprement dits et les divers amendemens ou stimulans de la végétation, qu’on emploie simultanément avec eux ou isolément pour l’amélioration des prairies. Cependant, jamais l’action différente des uns et des autres ne fut plus nettement marquée. — Les premiers agissent évidemment, en ajoutant à la puissance végétative de toutes les plantes en contact desquelles ils se trouvent ; — les derniers ne semblent profiter qu’à un certain nombre de végétaux, et contribuent bien plus à la destruction qu’au développement de la vigueur des autres. J’ai souvent été à même de faire cette remarque en étudiant comparativement les effets, sur les herbages, des composts simplement formés de terre et de fumier d’étable, et de ceux dont la chaux ou quelque autre oxide alcalin faisait partie. Je parlerai donc séparément des uns et des autres.

En Allemagne, il n’est pas sans exemple qu’on utilise sur les prairies des fumiers longs d’étable. On les répand le plus ordinairement avant l’hiver, afin que les pluies entraînent dans le sol les parties solubles qu’ils contiennent, et le printemps suivant, par un temps sec, on enlève au râteau les pailles non décomposées, pour les réunir aux autres engrais de la ferme, ou même les employer une seconde fois comme litière. — Plus communément on a recours à des fumiers consommés, parce qu’il est moins difficile de les répandre également. Lorsqu’on est à même de faire choix des espèces, il est avantageux de préférer les fumiers les moins actifs, ou, en termes vulgaires, les moins chauds, comme ceux de vache et de cochon, pour les terrains les plus exposés aux effets de la sécheresse ; — les plus chauds, tels que ceux de cheval et de mouton, au contraire pour les prés bas plus humides que secs. — Les expériences répétées aux environs de Paris par mon collaborateur Payen, prouvent que le noir animalisé produit dans tous les cas, quoiqu’a petite dose, des effets fort bons et qui paraissent plus durables que ceux du noir de raffinerie, dont l’activité n’est révoquée en doute par personne, mais que son prix élevé et son action passagère rendent moins propre cette destination qu’à beaucoup d’autres. — Dans quelques départemens du nord on emploie fréquemment la poudrette.

Tantôt on fait usage de ces engrais divers sans les mélanger à d’autres substances et à l’état sec ; tantôt, comme dans quelques parties de la Suisse, de l’Italie, de l’Allemagne, etc., on arrose les pâturages avec le jus de fumier fort étendu d’eau. Dans ce dernier pays, dit Thaer, on destine principalement à la fumure des prairies les liziers, urines ou engrais liquides qui s’écoulent immédiatement des écuries, des étables, ou en temps de pluie, des tas de fumiers et surtout des égouts des toits à porcs, que l’on recueille ordinairement en des réservoirs particuliers. Ce genre d’engrais est très-efficace. Quelque-