Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1844, I.djvu/490

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tée et pratiquée avec un succès suivi sur divers points du pays qu’il habite.

« Au commencement d’octobre, dit M. Stephens, on doit nettoyer et mettre en état toutes les raies d’arrosage et de dessèchement ; on doit réparer les bords des canaux lorsqu’ils ont été endommagés par le piétinement des bestiaux. Après cela, l’eau étant généralement abondante à cette époque de l’année, l’irrigation doit commencer ; le premier travail de l’irrigateur consiste à détourner l’eau dans le canal de conduite, la rigole principale, ou, si l’herbage est divisé en plusieurs parties distinctes, il faut distribuer convenablement l’eau dans chaque canal de conduite ; alors on commence à placer les barrages temporaires dans la première raie d’irrigation, et on y laisse entrer l’eau de la maîtresse rigole, en augmentant l’ouverture jusqu’à ce que l’eau reflue sur chaque bord, d’une manière uniforme et en quantité suffisante, d’une extrémité à l’autre de la raie, et ainsi de suite, jusqu’à ce que l’eau soit lâchée dans toutes. L’irrigateur doit faire sa ronde pour examiner si l’eau coule bien également sur toute la surface de la prairie ; il détruira les obstacles qui pourraient en gêner le cours, et fera en sorte que partout le gazon soit recouvert d’un pouce d’eau. Lorsque tout est dans l’ordre voulu, on doit laisser couler les eaux pendant les mois d’octobre, novembre, décembre et janvier par périodes de 15 à 20 jours consécutifs. Entre chaque période on doit laisser le sol se ressuyer complètement en retirant les eaux pendant 5 et 6 jours, afin de donner de l’air au gazon ; car il est peu d’herbes parmi celles des diverses espèces, que l’on trouve dans les prairies arrosées qui puissent résister à une immersion totale plus longtemps prolongée. En outre, si la gelée devient forte et si l’eau commence à se congeler, il est urgent de la retirer, de suspendre l’irrigation, sans quoi toute la surface du sol ne formerait qu’une nappe de glace ; or, partout où la glace s’empare du sol, elle finit par le soulever, au grand préjudice des plantes qui se trouvent alors déchaussées. — Tous ces préparatifs d’automne ont pour but de faire profiter l’herbage des ondées qui ont lieu à cette époque de l’année et qui entraînent avec elles une grande quantité de débris animaux et végétaux très-propres à enrichir et fertiliser le sol… — En février, il faut que l’irrigateur surveille l’arrosage, encore de plus près, parce qu’à cette époque, l’herbe commence à végéter de nouveau ; en conséquence, si, lorsque la température s’est radoucie, on laisse trop longtemps l’eau couler sans interruption sur la prairie, il s’y forme une écume blanchâtre extrêmement nuisible à la jeune herbe. On a également à craindre la gelée à cette époque, car si les eaux ont été détournées de dessus le pré, trop tard dans la soirée, pour que la surface ait pu se bien ressuyer avant le moment du gel, les plantes alors très-tendres en souffriront beaucoup. Pour prévenir le premier de ces inconvéniens, on ne doit arroser que par périodes de 6 ou 8 jours ; et, pour éviter le second, il faut toujours retirer les eaux de bonne heure dans la matinée… — Dans le mois de mars, l’irrigateur peut suivre les mêmes instructions que pour février, à moins que l’on ne se trouve dans un climat où l’herbe est déjà suffisamment élevée pour présenter une pâture assez abondante à toute espèce de bétail ; dans ce dernier cas, il faut dessécher complètement l’herbage avant d’y faire entrer les animaux… — De la fin de mars au commencement d’avril, il faut employer l’eau avec plus de réserve encore ; on ne la laisse couler que par périodes de 5 à 6 jours, et comme dès-lors la température devient de plus en plus chaude, on ne doit, jusqu’à la fin de mai, prolonger chaque arrosage que pendant 2 à 3 jours. — Vers le commencement de juin, toute irrigation doit être suspendue ; car alors l’herbe est assez haute et assez touffue pour couvrir le sol de manière à laisser au soleil peu d’action desséchante sur les racines, et parce que les eaux déposeraient sur les feuilles un sédiment terreux qui rendrait le fauchage difficile et qui détériorerait beaucoup les fourrages… — Enfin, après la fenaison de la première coupe, on conduit quelquefois de nouveau les eaux à la surface du sol pendant un jour ou deux….»

On voit que tout ceci s’applique plus aux prairies qu’aux pâturages, et surtout qu’aux pâturages ouverts aux troupeaux pendant presque toute l’aunée. Pour ceux-là, les irrigations par submersion ne sont qu’accidentellement profitables ; les irrigations par infiltration ont au contraire l’avantage de pouvoir être appliquées sans humecter assez le sol pour le rendre inabordable au gros bétail. Quant aux moutons, à moins qu’on ne les destine à la boucherie et qu’on ne veuille les engraisser promptement, il ne faut pas perdre de vue que l’arrosage d’été produit une végétation si rapide et si aqueuse qu’elle pourrait dans bien des cas leur communiquer la pourriture.

En résumé, les arrosemens sous toutes les formes, pour peu qu’ils soient convenablement dirigés, sont le principal élément de fécondité des herbages naturels ou artificiels, temporaires ou permanens. — Sous l’influence des climats méridionaux, ils peuvent sextupler leurs récoltes. Aussi un cultivateur des plus distingués du midi (M. A. de Gasparin), dans son style énergique et rapide, en parlant des prodiges du plan incliné, représentait-il la fécondité du sol, par ces quatre mots : chaleur multipliée par humidité.

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§ iv. — Des engrais et des amendemens.

C’est l’opinion de quelques agronomes, que les engrais sont plus profitablement employés sur les terres labourables que sur les herbages permanens, et que ceux qui ne peuvent s’en passer doivent être rompus. Cette opinion peut être parfois fondée, mais à coup sûr elle ne l’est pas toujours, et, loin de chercher a la généraliser, je crois qu’il faut au contraire éviter de lui donner trop de portée, attendu que l’opinion contraire, partout où elle a prévalu, est devenue la source d’importantes améliorations. En fumant les prairies, on peut bien mieux se procurer, par suite de l’augmentation de fourrages, les engrais néces-