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chap. 2e.
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Sols calcaires.

qu’aux animaux de labour. Les raves, et autres fourrages des terrains secs et légers, sont loin d’y venir partout, même à moitié bien, et il est une foule de localités où aucun d’eux ne peut offrir un dédommagement suffisant des frais de culture. Dans une position aussi désavantageuse, bien peu de ressources restent au cultivateur le plus industrieux.

La plantation des pins lui en offre cependant une importante ; mais ce n’est encore qu’à regret que la nature semble lui faire cette concession, car les semis qui réussissent avec un plein succès dans les sables les plus arides du Maine, peuvent à peine être tentés dans les plaines calcaires de la triste Champagne. — Jusqu’à présent, à ma connaissance, au lieu de semer on plante, et, comme cette opération, si elle acquérait une grande extension, serait excessivement coûteuse, on se borne à disposer à la surface du sol des porte-graines dont les premiers produits devront se faire attendre parfois près d’un quart de siècle (fig. 26). — C’est le pin sylvestre ou d’Écosse (Pinus sylvestris) qu’on cultive le plus généralement dans les terrains crayeux. — Quoiqu’on doive, pour mieux assurer le succès, le planter fort jeune, il convient de donner de suite l’espacement convenable, c’est-à-dire 5 mètres environ en tous sens entre chaque individu, et afin de diminuer la prise des vents, autant que pour conserver un peu d’humidité et pour éviter quelques-uns des inconvéniens du déchaussement par les gelées, il est bon de le buter jusqu’à une certaine hauteur avec le sol environnant. Là se bornent les soins de la plantation, qui s’effectue vers le mois d’avril, autant que possible en bonnes mottes. — Des binages seront nécessaires dans la suite pour faciliter l’extension des racines.

Fig. 26.
Fig. 26.

Par un semblable moyen, à mesure que les pins commencent à donner de l’ombrage, le sol se couvre en partie de mousses qui favoriseront plus tard les semis naturels. De quinze à vingt ans, on voit lever une infinité de plants dont la réussite est assurée, parce que leurs radicules sont protégées efficacement contre les trop grandes chaleurs, les sécheresses excessives et surtout les gelées produites par le rayonnement.

Cette culture n’exigeant pas, comme on le voit, de frais considérables, n’a vraiment contre elle que la lenteur excessive avec laquelle elle donne ses résultats. Ne pourrait-on pas arriver au même but par des moyens plus prompts ? A-t-on essayé de tous les modes de semis qui sembleraient offrir des chances de succès ? — Les sables blanchâtres d’une partie du Maine sont aussi arides et aussi brûlans que les craies de la Champagne. Les semis de pins, et notamment celui du pin maritime, qui se refuse obstinément à croître dans ce dernier pays, y réussissent cependant, sans le secours d’aucun abri, d’une manière vraiment admirable ; mais il y a entre les deux localités cette différence capitale, que les effets du déchaussement sont peu appréciables sur les sables, tandis qu’ils le sont beaucoup sur les terrains crayeux. — Si l’on voulait semer ceux-ci au lieu de les planter, ce serait donc aux froids de l’hiver bien plus qu’aux chaleurs de l’été qu’il faudrait opposer un abri ; or, l’une n’est pas aussi facile que l’autre en une telle circonstance.

III. Sols tuffeux. — Le tuf, qui accompagne très-souvent la craie à une certaine profondeur, n’est lui-même qu’une craie plus compacte qui acquiert assez de dureté pour être utilisée dans les constructions. Nous n’avons pas à nous en occuper ici comme sous-sol. Lorsqu’il est ramené à la surface, son premier effet, ainsi que celui de toutes les terres qui ont été constamment soustraites aux influences atmosphériques, est de causer la stérilité. Plus que d’autres il possède cette fâcheuse propriété ; il la conserve aussi plus long-temps. — Dans une foule de cas cependant, les recoupes de pierre calcaire d’une autre nature, les marnes, la craie sont d’excellens amendemens ; le tufeau est généralement considéré comme impropre à cet usage, et j’ai été à même d’éprouver plus d’une fois que les vieilles traditions qui proscrivent son usage ne sont pas de simples préjugés. Toutefois il est évident qu’on s’est exagéré ses inconvéniens dans beaucoup de cas.

Les terrains de tuf mélangés à une certaine quantité d’argile et de sable ne sont point infertiles ; le temps, la culture et les engrais les améliorent sensiblement — Lorsqu’ils offrent une profondeur suffisante, ils convien-