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pour long-temps le retour des mousses et sensiblement favorisé la végétation des bonnes plantes.

Cependant il peut arriver encore que tous ces moyens soient insuffisans. On doit alors en conclure que l’herbage est en entier à renouveler, et, pour cela, toutes les fois que la position le permet, il faut pendant quelques années le remplacer par des cultures économiques. Je ne reviendrai pas ici sur ce sujet important, que j’ai taché de développer page 458 et suivantes.

Au nombre des animaux les plus nuisibles aux prairies, il faut compter la taupe, parfois le mulot, le hanneton, la courtilière, la fourmi et le criquet ou plus vulgairement la sauterelle. Il en sera également parlé dans un chapitre particulier de cet ouvrage. Malheureusement, les zoologistes n’ont point encore assez cherché à appliquer leurs études aux progrès de l’art agricole. On connait fort imparfaitement la manière de vivre de beaucoup d’animaux destructeurs de la végétation, et, plus malheureusement encore, en apprenant à la connaître, on est souvent bien loin de trouver les moyens de les détruire. Qui ne déplore maintenant l’effrayante multiplication des hannetons dans la plupart de nos contrées, et qui pourrait dire que, pendant les trois années que sa larve destructrice passe dans la terre, il a trouvé un moyen praticable d’arrêter ses ravages ? Qui pourrait se flatter d’avoir mis à la disposition de tous les cultivateurs un moyen efficace et complet de détruire la terrible alucite des grains, le charançon même, et d’éloigner sans retour de nos guérets ces bandes nomades de mulots ou ces nuées de sauterelles qui ne redoutent, en masse, d’autres ennemis que les intempéries des saisons ?

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§ ii. — De l’épierrement, de l’étaupinage et de l’affermissement du sol.

Les pierres, qui ont, dans les prairies, le très-grave inconvénient d’entraver la fauchaison, et d’ajouter beaucoup, non seulement aux frais d’acquisition et d’entretien des faulx, mais encore au temps qu’on est obligé de passer à les aiguiser, ne sont pas aussi nuisibles sur les pâturages. Là, à la vérité, lorsqu’elles ont un certain volume, elles occupent une place précieuse, et il est par conséquent presque toujours avantageux de les enlever ; cependant, eu certains cas, elles rendent le service d’opposer un obstacle permanent à l’évaporation produite par l’action des rayons solaires, Ceux qui ont parcouru la vaste plaine de la Crau ont pu acquérir à chaque pas une preuve remarquable de cette vérité ; car c’est autour des galets qui la couvrent en grande partie, et que les moutons roulent devant eux en les repoussant du nez, que croissent les herbes les plus fines, les plus fraîches et les plus recherchées de ces animaux. Il ne serait donc pas impossible qu’en des localités particulièrement arides, on dût éviter d’épierrer trop rigoureusement. Quelques-uns de nos lecteurs ont lu sans doute l’histoire des choux monstrueux que Duhamel obtint sur un terrain presque couvert de dalles de couleur blanche. Il serait facile d’ajouter à cet exemple plus d’un fait analogue pour prouver, si c’était ici le lieu, combien un corps aussi peu conducteur de la chaleur que la plupart des pierres, interposé entre l’atmosphère et la terre, peut conserver de fraîcheur à cette dernière ; mais nous n’en arriverions pas moins à cette conclusion, que l’épierrement des herbages est généralement utile.

Quant à l’étaupinage, c’est une opération aussi importante que facile et bien connue. Les baux en imposent l’obligation aux fermiers ; ce serait de la part de ceux-ci une négligence impardonnable de ne pas s’en occuper chaque année, au printemps, lorsque les herbes ne commencent pas encore à monter, avec un soin d’autant plus minutieux qu’il s’agit d’herbages fauchables ; car, dans ce cas surtout, il y va de leur intérêt autant que de celui du propriétaire. La méthode la plus ordinaire est de répandre la terre des monticules, à l’aide de la pelle ou de la bêche, par un mouvement des bras analogue à celui que l’on fait en répandant les engrais, de manière à ne pas amonceler la terre plus en un endroit que dans l’autre. Ce travail, loin d’être dommageable, est au contraire utile aux herbes environnantes, qui se trouvent recevoir ainsi une sorte d’amendement en couverture, ou, en adoptant l’expression difficile à traduire de nos voisins, un véritable top-dressing. — Quand le nombre des taupinières est considérable, pour les détruire, on substitue la herse aux instrumens à main. Cette méthode procure une grande économie de travail et de temps. Elle ne donne pas des résultats aussi réguliers, mais elle n’en a pas moins aussi ses avantages. Ainsi, sur les vieux herbages, elle contribue à détruire les mousses, et elle produit un binage toujours fort utile en pareil cas. J’ai vu des pâturages très-détériorés qu’un simple hersage énergique donné en long et en travers a pu améliorer sensiblement pour plusieurs années.

D’un autre côté, il pourrait arriver que les plantes nouvellement enracinées fussent fortement endommagées par une semblable pratique, et que le sol, déjà trop soulevé par l’action des gelées, loin de demander à être remué de nouveau, se trouvât au contraire fort bien d’être affermi autour des racines. Ce cas se présente fréquemment sur les terres légères, calcaires ou tourbeuses sujettes au déchaussement. Là, l’étaupinage, s’il y a lieu, se fera à la bêche, à la herse renversée ou à la rabattoire (voy. pag. 386), et le plus souvent il devra encore être suivi d’un roulage. — C’est au printemps et en automne, lorsque la terre n’est ni assez sèche pour rendre le travail difficile ou inefficace, ni assez humide pour être gâcheuse, qu’il convient d’entreprendre ces utiles opérations. Elles sont surtout nécessaires au printemps pour remédier aux effets de l’hiver.

Afin de réunir, à l’aide d’un seul instrument, les avantages du nivellement du sol et de son affermissement, on a inventé et on utilise depuis longtemps en Normandie une machine connue sous le nom de coupe-taupe, dont je donne ici le dessin (fig. 643) de profil en A, de face en B et sur son plan en C. — Elle se