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Quand on sème au printemps sur un froment d’automne, il est des cultivateurs qui se bornent à répandre la semence sans aucune préparation du sol et sans la recouvrir, dans la crainte presque toujours mal fondée de nuire à la récolte du grain. — D’autres, mieux instruits par l’expérience, hersent d’abord le blé sans s’inquiéter de briser une partie de ses feuilles (voy. l’art. Froment), sèment ensuite, et recouvrent en passant une seconde fois une herse plus légère. Cette méthode, sur les terres tenaces et encroûtées, est sans nul doute la meilleure. — Sur les terrains légers, les hersages pourraient avoir des inconvéniens si l’on ne modérait beaucoup leur énergie. En pareil cas, à la deuxième de ces opérations, ou substitue avantageusement un roulage.

Quant à la quantité de graines à employer sur des espaces donnés, elle est extrêmement variable d’espèces à espèces. Je l’indiquerai approximativement en parlant de chacune en particulier, en faisant observer toutefois, avec M. Vilmorin, qu’un point semblable ne peut être déterminé exactement, attendu que non seulement une livre de la même semence peut contenir un nombre très-différent de germes, suivant le terrain où elle aura été récoltée et la température de l’année ; mais, de plus, qu’il est nécessaire, selon les circonstances diverses, de semer plus ou moins épais ; — un mauvais terrain demande plus de semence qu’un bon ; — sur une terre médiocrement préparée ; — par un temps sec et défavorable ; — dans une situation exposée à des gelées tardives ; — sous toutes les conditions, enfin, défavorables à un semis, il faut le faire plus épais que si le sol et la saison le favorisent.

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§ iv. — Des autres modes de formation des herbages.

Parmi les pratiques autres que les semis, dont quelques cultivateurs anglais se sont récemment avisés, il en est une, a mon gré, beaucoup plus singulière que profitable, dont je dois cependant dire quelques mots : c’est la transplantation par plaques. Ces plaques, enlevées sur des terres bien gazonnées, sont transportées sur d’autres terres destinées à être converties en pâturages permanens, et placés à 6 pouces les unes des autres, de sorte qu’on estime que la dépouille d’un acre peut servir à en planter 9. — Si le champ dont on enlève la surface doit rentrer dans la rotation des plantes économiques, on le dénude en entier, excellente méthode pour détruire en un instant tous les bons effets de l’herbage sur les cultures suivantes ; s’il doit rester en pâturage, la charrue à écobuer, en découpant parallèlement des bandes longitudinales de 6 po. de large, laisse intactes d’autres bandes enherbées de 3 po. ; puis, lorsque les premières ont été enlevées, elle recommence un travail analogue, perpendiculairement au premier, de manière qu’il reste sur toute la pièce de petits monticules d’herbe de 3 po. carrés, séparés les uns des autres par des sentiers ou espaces vides de 6 po. ; après quoi on donne au champ ainsi maltraité une copieuse fumure, ou on le recouvre d’un abondant compost, dont une bonne terre végétale fait la plus grande partie. — Quant à la transplantation sur le second champ, elle n exige d’autres précautions que la promptitude et le soin de bien affermir les plaques dans le sol, pour défendre les racines contre les vicissitudes des saisons. — Aucun animal ne doit être ensuite introduit sur le nouveau pâturage, qu’après la maturité et la dispersion des graines. — On estime que les seuls frais de découpage et de transplantation du gazon pour un acre (40 ares) s’élèvent à 2 liv. 9 s. 6 den. (59 fr. 40 c.) — Si l’on ajoute à cela la récolte perdue sur le terrain totalement ou partiellement dépouillé ; — le tort qu’on lui fait pour les années suivantes ; — les frais de fumure ; — l’impossibilité d’utiliser avant la seconde année les produits du terrain planté, et si l’on compare toutes ces dépenses et non-recettes aux frais et résultats d’un semis fait avec discernement, je doute fort que l’avantage ne reste pas tout entier à ce dernier mode, et je suis par conséquent convaincu qu’une semblable méthode, si elle est parfois utile, ne peut l’être que dans des cas fort exceptionnels.

Mais il existe un autre moyen de transplantation, parfois même de marcottage ou de bouturage, qui, pour n’être pas d’un emploi très-étendu, n’en est pas moins assez souvent d’une utilité réelle. Les Anglais l’emploient à peu près exclusivement, je crois, pour la propagation du fiorin (Agrostis stolonifera), l’une des plantes fourragères dont ils font le plus de cas, et les personnes qui l’ont, depuis quelques années, essayé en France, à ma connaissance, soit pour les plantes qui, comme l’agrostis d’Amérique, croissent lentement de graines et tallent beaucoup, soit pour celles qui, comme l’herbe de Guinée (Panicum altissimum) ne donnent pas encore une grande quantité de bonnes semences dans nos régions, ont eu lieu d’en être satisfaites. — Ce moyen consiste, tantôt à ouvrir à des distances proportionnées au développement futur des touffes, de petites rigoles peu profondes au fond desquelles on étend les tiges déjà en partie enracinées, ou même sans racines, des plantes traçantes ; de manière que leurs extrémités se touchent, puis à couvrir à l’aide du râteau, et à rouler la surface du sol ; — tantôt à faire un semis en petit à bonne exposition, lorsque les dernières gelées ne sont plus à craindre, et à mettre le plant en place, au cordeau et au plantoir, dès qui’il est assez fort pour supporter cette opération ; — tantôt enfin, dans la crainte que la lenteur du premier accroissement de la plante ne compromette le succès du semis, à moins de sarclages et de binages trop répétés, à la cultiver d’abord plus ou moins clair dans un jardin, et à la diviser ensuite par éclats, lorsque l’état des touffes le permet, pour repiquer en définitive comme précédemment. Je répète que ces diverses méthodes sont rarement employées. Je crois donc suffisantes les indications que je viens de donner.