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la première de ces saisons et de l’humidité froide de la seconde.

On a recommandé avec raison d’éviter de semer sur un labour trop récent, surtout s’il a ramené à la surface quelques fragmens du sous-sol, et lorsque la terre est encore creuse et soulevée, auquel cas on courrait le risque de perdre une partie des graines, principalement lorsqu’elles sont fines. — Lorsque le guéret n’est pas assez rassis, pour obvier à cet inconvénient on a recours tantôt au plombage à l’aide de rouleaux d’un poids proportionné à la légèreté du sol ; — tantôt à la herse renversée et chargée plus ou moins de pierres, ou conduite de manière que les dents, au lieu d’être inclinées en avant, le scient en arrière ; — tantôt, enfin, au piétement des animaux, ce qui donne, en pareil cas, au parcage un double but d’utilité.

En général, lorsqu’on est dans l’obligation de donner plusieurs labours, le premier seul doit être profond, les autres n’ayant d’autre but que d’ameublir et de niveler convenablement la couche supérieure du sol, et d’enterrer les engrais, si l’on a cru nécessaire de fumer directement pour le pâturage. — En Angleterre, on regarde comme d’un très-grand avantage, indépendamment de la fumure enterrée, de répandre sur le guéret tout prêt à recevoir la semence un engrais ou un compost pulvérulent destiné à être recouvert en même temps que la semence par un seul hersage. Cette pratique est excellente, surtout dans le cas où l’herbage succède à d’autres cultures qui ont absorbé une grande partie de l’engrais. Dans l’ouest de la France, j’ai vu semer ainsi des prairies sur un mélange de terre végétale, de chaux ou de cendres lessivées et de fumier d’étable, le tout répandu à la volée à la surface du sol, en des proportions que je regrette de n’avoir pas notées, mais qui me parurent peu considérables. Les résultats furent admirables. Je ne doute pas que le noir de raffineries ou le noir animalisé ne produisît, de la même manière, des effets tout aussi marqués. « N’établissez en prairies, disait Pictet, que la quantité de terrain que vous pouvez amplement fumer et convenablement sarcler pendant le temps que vos plantages (les cultures préparatoires) l’occuperont ; vos prairies seront ainsi bien établies et à bon marché. »

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§ iii. — De l’époque des semis et de la manière de les effectuer.

Est-il plus profitable de semer les herbages en automne ou au printemps ? Il n’y aurait jamais eu d’aussi vives controverses sur cette question, si l’on s’était donné là peine de chercher à la résoudre selon les lieux et les circonstances, au lieu de le faire d’une manière absolue. — Toutes les fois que les semis d’automne peuvent réussir, ils sont préférables à ceux de printemps, par la raison qu’ils donnent généralement des produits ou plus abondans ou plus prompts ; — plus abondans, lorsqu’on cultive une plante, même annuelle, qu’on a intérêt à voir se développer et taller beaucoup, comme celles de nos céréales qui sont utilisées accidentellement pour coupage ; — plus prompts, quand il s’agit de plantes vivaces, attendu que les plus précoces d’entre elles ne montent qu’incomplètement à graines la première année, si leurs racines n’ont déjà pris possession du sol avant l’hiver, et si leur touffe ne s’est en grande partie développée avant l’époque des chaleurs. — Pour toutes les herbes qui ne redoutent pas, dans un climat quelconque, les froids de la mauvaise saison ; — sur tous les sols qui ne retiennent pas assez l’eau des pluies automnales pour faire pourrir les graines, et dans tous les cas où les dispositions d’assolement s’y prêtent, je pose donc en fait que les semis de septembre doivent être préférés a ceux de mars. Il est à peine besoin d’ajouter que cette convenance se fait remarquer, plus impérieuse que partout ailleurs, dans les pays chauds et sur les terres légères, élevées et arides, où l’on a surtout à redouter les effets de la sécheresse printanière. Mais dans les circonstances contraires, c’est-à-dire, là où l’on a moins à craindre le manque de pluies que leur surabondance et la rigueur des gelées, principalement dans les sols argileux et les localités basses, il est avantageux de différer l’ensemencement jusqu’au printemps, car en retardant la jouissance on la rend plus assurée.

L’époque des semis est aussi subordonnée à la précocité de la culture qui les précède ; ainsi, après une récolte hâtive ou une prairie artificielle fauchée aux approches de juillet, on trouvera le temps de préparer convenablement la terre à un ensemencement d’automne, tandis qu’après d’autres cultures plus tardives, il en sera le plus souvent autrement. — Pour semer sur une céréale, il faut de toute nécessité choisir le printemps, dans la crainte que les graminées fourragères ne dominent les blés ou ne les affament, ce qui ne peut avoir lieu avec cette précaution, parce qu’elles ne prennent leur plus fort développement qu’après la moisson.

Dans les climats favorisés par des pluies estivales, il peut y avoir parfois de l’avantage à devancer le mois de septembre. On cite en Angleterre des semis du milieu et de la fin de juin qui ont parfaitement réussi, et Ch. Pictet, qui habitait Genève, recommande de ne pas dépasser les premiers jours d’août ; dans la plupart de nos départemens, le succès qu’on pourrait se promettre de l’observation rigoureuse de tels préceptes serait extrêmement casuel.

On sème toutes les plantes herbagères des pâturages à la volée, eu une seule fois, lorsque les graines sont à peu près de même grosseur ; — en deux fois, lorsqu’il en est autrement. Sitôt que la surface du terrain a été convenablement préparée, on répand, après les avoir préalablement mêlées ensemble, les semences les plus volumineuses ; puis on les recouvre immédiatement par un hersage d’autant plus énergique qu’on croit utile de les enfoncer plus profondément. — On mêle également ensuite, et on sème sur ce hersage les semences les plus fines, que l’on enterre par un hersage plus léger, ou même par un simple roulage, selon que l’état de la terre et l’espèce de la graine l’exigent.