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raient, toutes les époques de leur végétation, les moins riches en substance soluble.

Sprengel, de son côté, en analysant comparativement les diverses pailles qu’on emploie le plus fréquemment en agriculture, pour affourrager les animaux à l’étable, est arrivé à les classer de la manière suivante, dans l’ordre décroissant de leurs propriétés nutritives : 1° celle de millet ; 2° celle de maïs ; 3° celle de lentilles ; 4° celle de vesces ; 5° celle de pois ; 6° celle de fèves ; 7° celle de colza ; 8° celle d’orge ; 9° celle de seigle ; 10° celle de froment ; 11° celle d’avoine ; 12° celle de sarrasin. Je ferai remarquer que le célèbre chimiste ne paraît pas avoir tenu compte des diverses variétés de chacune de ces espèces, ce qui, pour plusieurs, eût été cependant d’autant plus utile qu’il est probable qu’il aurait trouvé des différences peut-être aussi grandes et même plus grandes entre certaines variétés ou races de la même espèce qu’entre des espèces du même genre. Ceci s’applique surtout à nos céréales les plus cultivées.

Quant aux végétaux suivans, la plupart d’entre eux n’ont point encore été soumis à la culture en grand, quoique plusieurs semblent pouvoir entrer avec avantage dans la formation des herbages artificiels. Je reviendrai ailleurs sur le compte de quelques-uns, me bornant ici, pour ne pas sortir de la spécialité de ce paragraphe, a en présenter la liste. — Le premier de tous est le genêt des teinturiers, qui contient à l’état vert jusqu’à 35 ¾ pour cent de parties nutritives ; — le 2e, chose remarquable, est un jonc, celui de Bothnie, dans lequel on en retrouve 28. Viennent ensuite le petit boucage, le grand boucage, qui contiennent : le 1er, 26, le 2e 24 p 100 de parties nutritives ; la pimprenelle 24 ; le genêt velu id. ; la gesse des prés, 23 ¾ ; le lotier corniculé, 19 ½ ; le plantain lancéolé, 18 ; la petite marguerite, 17 ¼ ; la lupuline, 16 ; l’ornithopus pied-d’oiseau, 15 ⅔ ; l’épervière, 14 ⅓ ; le lotier uligineux, 13 ½ ; le pissenlit, 12 ⅓ ; l’héraclée blanc-ursine, 10 ; l’achillée mille-feuilles, 9. — A l’état sec, ou de foin, ces plantes, à poids égal, contiennent, comme on le peut bien penser, infiniment plus de substances solubles. Je me bornerai à citer deux des exemples les plus frappans : le pissenlit, qui n’en renferme en vert que 12 ⅓, en contient à l’état de foin 82, et la petite marguerite jusqu’à 86 ⅓, c’est-à-dire plus du quart en sus de la paille la plus nutritive, celle du millet, qui n’en abandonne que 61 ½. Du reste, tous ces végétaux en foin, excepté, peut-être, la lupuline, qui se trouve sur la même ligne que le millet, sont beaucoup plus nourrissans qu’aucune des pailles dont il a été parlé.

Ces travaux, et tous ceux auxquels les chimistes pourront se livrer par la suite, dans le même but, présenteront d’autant plus d’intérêt qu’en regard des qualités nutritives des végétaux herbagers, ils auront examiné comparativement les diverses conditions qui ont fait le sujet des paragraphes précédens ; car les plantes les plus riches en parties solubles peuvent n’être ni les plus fourrageuses, ni les plus précoces, ni les plus durables, etc., etc.

Quand on voit ce qui se passe journellement dans la nature, on ne peut nier que la variété de nourriture ne soit, pour les animaux, un élément de santé, les plantes qu’ils appètent le moins, celles qu’ils rejettent toutes les fois qu’ils peuvent faire un meilleur choix, et dont l’usage exclusif et continu leur deviendrait inévitablement nuisible, sont au contraire mangées sans danger, recherchées même, lorsqu’elles sont mêlées à d’autres plantes. Il y a mieux : dans un champ où domine une seule espèce, quelle que soit sa qualité, on a vu les animaux la délaisser accidentellement pour brouter avidement quelques touffes des herbes qui les tentent ordinairement le moins. — Voici, entre bien d’autres, un fuit qui le prouve d’une manière frappante : Deux pièces de terre semées, l’une en trèfle blanc (white clover), l’autre en trèfle mêlé à diverses graminées, furent destinées par G. Sinclair à servir de pâturage aux moutons. Le long des haies de clôture qui entouraient la première, poussait une assez grande quantité de dactyle pelotonné (cock’s foot grasse) à tiges coriaces et très-peu fourrageuses, par suite de la qualité du sol. Cependant, après quelques jours, le troupeau rechercha cette plante et n’en laissa pas vestiges. Puis il revint au trèfle et s’en nourrit exclusivement jusqu’à ce que l’état de maladie dans lequel il se trouvait, et qui causa la perte de plusieurs individus, forçât d’arrêter l’expérience. — Dans la pièce voisine, au contraire, sur laquelle se trouvait un mélange de dactyle pelotonné, de pâturin commun (rough stalked meadow grass), d’ivraie vivace (rye grass), de vulpin (fox tail grass) et de trèfle blanc, les moutons n’éprouvèrent aucun malaise, et ne touchèrent pas aux tiges du dactyle, quoiqu’elles fussent cependant plus tendres et plus succulentes que celles que leurs voisins avaient recherchées avec tant d’empressement.

Justement convaincu qu’on devrait toujours contrôler les résultats des analyses chimiques par des expériences faites sur les animaux eux-mêmes, et que ce n’est réellement qu’en faisant marcher de front ces deux moyens de recherche qu’on parviendra à apprécier les propriétés alimentaires de chacun des principes immédiats des végétaux, et que l’on pourra arriver au point où la seule analyse d’une plante nous fournira des connaissances suffisantes sur ses propriétés nutritives, M. Mathieu de Dombasle a fait en 1831 une série d’essais qu’il n’a pu malheureusement étendre jusqu’aux espèces végétales qui nous occupent le plus spécialement ici, mais qui présentent trop d’intérêt, et qui se l’attachent de trop près au titre de ce paragraphe, pour que je ne fasse pas connaitre au lecteur au moins leurs résultats, le renvoyant pour les détails à la 7° livraison des Annales de Roville.

L’expérience, dit M. de Dombasle, a été faite sur 49 moutons divisés en 7 lots, de 7 animaux chacun. Une étable fut destinée exclusivement à cet usage, et l’on y pratiqua 7 loges munies de crèches et de rateliers, et où les animaux ont été tenus constamment pendant tout le temps de l’expérience. Un