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prairies ne doivent occuper la place qu’on leur destine que pendant un nombre limité d’années, préf’ère-t-on assez souvent des semis homogènes.

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§ iv. — Du choix des plantes fourragères eu égard à l’abondance de leur produit.

L’abondance des produits qu’on doit attendre d’une herbe quelconque considérée isolément, dépend soit de l’élévation et du volume ou de la multiplicité de ses tiges et de ses feuilles ; — soit de la rusticité plus grande qui lui permet de croître dans des terrains de moindre qualité et de résister aux intempéries des saisons ; — soit, enfin, de la faculté qu’elle possède de continuer de végéter plus longtemps et de mieux repousser sous la faulx ou la dent des animaux.

En général les plantes qui s’élèvent et grossissent beaucoup, telles que les panis, le sorgho, l’alpiste, etc., etc., ne sont propres qu’à être mangées en vert parce qu’elles durcissent en se desséchant de manière à rebuter les animaux ; — d’autres, comme le fromental, la fétuque élevée, les bromes, etc., doivent au moins être fauchées de fort bonne heure. Mais il en est aussi, et de ce nombre on pourrait citer la fléole des prés, ou thimothy des Anglais et l’ivraie d’Italie, dont l’élévation des fanes ne diminue en rien la qualité du foin.

Assez souvent des herbes dont les tiges s’élèvent beaucoup tallent et gazonnent fort peu ; celles-là peuvent faire quelquesfois partie des prairies, mélangées à d’autres espèces, mais elles sont peu propres à entrer dans la formation des pâturages, tandis que d’autres herbes moins élevées et plus gazon lieuses conviennent beaucoup mieux a cette dernière destination. — Dans les herbages fauchables, elles deviendraient inutiles, parce qu’elles échappent en grande partie à la faulx, et nuisibles, parcequ’elles occupent la place de meilleurs produits, tandis que sur les pacages celles même qui ne sont qu’effleurées par la dent des chevaux ou des bêtes bovines sont atteintes rez-terre par les moutons, auxquels elles procurent une bonne nourriture.

La rusticité ne consiste pas seulement, pour chaque espèce, à résister aux vicissitudes des saisons, a supporter accidentellement une humidité surabondante dans le sol et une sécheresse prolongée dans l’atmosphère ; à pousser avec assez de vigueur pour ne rien craindre du voisinage d’autres plantes plus voraces et moins utiles, mais encore, pour les plantes étrangères, à résister sans dommage aux froids de nos climats et à mûrir leurs graines avant l’atteinte des gelées. — Parmi nos graminées les plus rustiques il faut citer l’agrostis florin, le brome des prés, le dactyle pelotonné, la fétuque ovine, etc., etc.

Quant à la faculté de pousser de nouvelles feuilles et même de nouvelles tiges florales après l’époque de la fauchaison ou le passage des animaux, elle est loin d’appartenir également à toutes les espèces : le fiorin la possède à un haut degré ; sa végétation est presque continuelle, et ses tiges conservent long-temps leur fraîcheur en hiver ; le dactyle pelotonné, qui se maintient mieux que beaucoup d’autres graminées des prés sur les terrains secs et médiocres, y repousse aussi avec une facilité et une rapidité remarquable ; le ray-grass talle et se fortifie d’autant plus qu’il est plus brouté et piétiné, le vulpin des prés peut épier jusqu’à deux fois dans la même année, etc. Au point où nous en sommes, il serait, je crois, inutile de multiplier de semblables exemples ; il nous suffira de remarquer que la propriété qui nous occupe en cet instant est une des plus importantes par rapport aux herbes fourragères, qui composent les prairies à regain, et surtout les pâturages ouverts pendant la plus grande partie de l’année aux animaux.

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§ v. — Du choix des plantes fourragères eu égard à la durée de leur existence.

C’est une loi fort ordinaire de la nature, que plus la durée d’un végétal est longue, moins son premier développement est rapide. — Une plante annuelle, semée au printemps, parcourt dans la même année toutes les périodes de sa courte existence, tandis qu’une plante bisannuelle ou vivace s’empare pour ainsi dire seulement du terrain, et ne pousse ses tiges florales que la seconde année. Il est même beaucoup de plantes vivaces qui n’arrivent qu’après 3, 4 et 5 ans à leur plus fort développement. Ainsi on doit attendre le maximum des produits d’un trèfle dès la seconde année ; mais on ne peut compter sur celui d’un sainfoin que la 3e à la 4, et malgré la position en quelque sorte exceptionnelle où se trouve à cet égard la luzerne, dont chacun connaît la rapidité de croissance, toujours est-il qu’elle augmente annuellement en produits, jusqu’à ce que ses puissantes racines se soient suffisamment emparées du sol. Il en est de même des graminées vivaces ; quoique la plupart végètent vigoureusement dès la seconde année, beaucoup ne parviennent à toute leur force que plus tard.

Les fourrages annuels, à quelques familles qu’ils appartiennent, peuvent avoir une très-grande utilité dans la culture alterne. Nous les avons déjà vus, en traitant des assolemens, et nous les verrons bientôt en parlant de chaque plante des prairies et notamment des légumineuses en particulier, jouer un rôle important pour remplacer la jachère morte et préparer le sol à d’autres cultures. — Il n’est pas rare non plus qu’on les utilise momentanément dans la formation des prairies artificielles de longue durée et des pâturages permanens, pour obvier à la lente croissance des plantes qui les composent, et obtenir, dès la première année, une récolte de fourrage. C’est ainsi que l’on peut dans certains cas semer la luzerne de bonne heure en automne avec de l’escourgeon ou du seigle ; — mêler dans les terrains calcaires le brome doux et celui des seigles au sainfoin ; — ailleurs l’orge des prés a des herbes dont le produit doit se faire attendre deux ans, etc., etc. — En pareil cas, les plantes annuelles, pour peu qu’elles ne soient pas semées trop épais, protègent au prin-