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le trèfle, la luzerne, etc. etc., donnent généralement, par compensation à tant de défauts, d’assez bons pâturages. Une fois que des plantes graminées d’un bon choix s’en sont emparées, elles s’y maintiennent longtemps, y donnent des foins peu précoces à la vérité, mais abondans et de bonne qualité. Elles y résistent, mieux que dans les terrains plus légers, aux sécheresses estivales, et se recommandent, dans l’arrière-saison, par une nouvelle herbe plus longue, plus verte et plus succulente. Les terres de cette sorte s’améliorent d’ailleurs tellement à l’état de prairies, qu’elles changent, pour ainsi dire, à la longue de nature, et qu’elles deviennent très-propres à d’autres cultures.

Les terres argilo-sableuses conviennent également à l’établissement des herbages, lorsqu’elles reposent à une faible profondeur sur un sous-sol imperméable, et qu’elles sont situées de manière à recevoir l’égout des terres environnantes. L’humidité fréquente, qui les rendrait impropres aux récoltes de céréales, les rend au contraire très-propres à la production des graminées vivaces.

Par la même raison, les sols de toutes natures situés dans les vallées parcourues par des cours d’eau dont les infiltrations ou les débordemens accidentels entretiennent une fraîcheur plus ou moins constante, sont encore on ne peut mieux disposés pour se couvrir de beaux et bons herbages, sans nuire à d’autres productions ; car il est remarquable que, dans les trois circonstances dont je viens de parler, les terres et les localités qui se prêtent le mieux à la végétation des herbes fourragères sont justement celles qui conviendraient le moins aux cultures économiques. — Là, comme nous le verrons en traitant à part, dans une des sections de ce chapitre, des diverses espèces fourragères, le choix du cultivateur est peu limité, puisque presque toutes les plantes graminées, celles même qui résistent le mieux à la sécheresse, aiment une fraîcheur modérée, et, tandis que beaucoup ne peuvent s’en passer, il en est un certain nombre qui ne réussissent jamais mieux qu’à l’aide d’une humidité stagnante. — De l’une à l’autre de ces limites, on peut cultiver, à peu près dans l’ordre de leur moindre besoin d’eau, les ivraies vivaces et d’Italie, la houque laineuse, le paturin des prés, le vulpin des prés, la fétuque élevée et celle des prés ; l’agrostis fiorin et l’agrostis d’Amérique, la fléole des prés, le phalaris roseau, et beaucoup d’autres d’un produit non moins avantageux, auxquelles il est facile d’adjoindre diverses légumineuses du genre des trèfles, des gesses, des lotiers, des luzernes, etc.

Sur les fonds sablonneux, où les petits trèfles croissent à côté de la lupuline, de la gesse chiche, du lotier corniculé, etc., etc., se placent, au premier rang, le fromental, la flouve odorante, la fétuque ovine et la fétuque traçante, puis le dactyle pelotonné, le ray-grass, l’avoine jaunâtre, le paturin des prés, la cretelle, le brome des prés, etc., etc.

Dans les sols plus arides, une partie de ces mêmes plantes viennent encore avec la canche flexueuse, la fétuque rougeâtre, la mélique ciliée, la brize tremblante, l’élyme des sables, la petite pimprenelle, etc., etc.

Enfin, dans les terres calcaires à l’excès, de toutes les plus difficiles à féconder, pour remplacer les chardons, les euphorbes et les quelques graminées à feuilles coriaces que les moutons mêmes repoussent, et qui croissent parfois seules, spontanément, en de semblables localités, les espèces qui réussissent le mieux, sont : le brome des prés, les fétuques ovine et traçante, la fétuque rouge, le dactyle pelotonné, le fromental, le ray-grass, le paturin des prés, celui à feuilles étroites, etc., etc.

Quelque limité que soit le nombre des plantes cultivables sur un terrain donné, n’y en eût-il que 3 ou 4, il peut y avoir comparaison entre elles, et il est bien probable que les unes devront l’emporter sur les autres. — On devra donc avoir égard aux diverses circonstances suivantes : — le goût plus ou moins marqué que montre le bétail pour telles ou telles herbes, — leur précocité, — l’abondance de leurs produits, — leur permanence, — et les propriétés nutritives propres à chaque espèce.

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§ ii. — Du choix des plantes fourragères eu égard au goût des diverses sortes d’animaux.

Le goût plus ou moins marqué que montrent les bestiaux pour telles ou telles herbes est un indice qui trompe peu, et qu’on fera bien, en général, de prendre en grande considération ; cependant il n’est pas douteux, d’une part, que les animaux rejettent parfois au premier abord des plantes favorables à leur santé, et auxquelles on les habitue à la longue, au point même de les leur faire rechercher avec une sorte d’avidité, tandis qu’on les voit assez souvent manger spontanément d’autres plantes nuisibles, soit à leur existence, soit à la qualité de leurs produits. — « Sans avoir fait d’essais sur cette matière, dit Sprengel, on ne peut jamais parvenir à un résultat certain ; l’analogie, dans ce cas ; ne peut être un guide sur, car le trèfle des champs (trifolium arvense) n’est pas mangé par le bétail, malgré que les autres variétés de trèfle soient pour lui une bonne nourriture. Il en est de même de plusieurs autres familles ; celle des composées nous en offre un exemple singulier : le pissenlit (leontodon), l’apargie (apargia), la petite marguerite (bellis), la thrincie (thrincia), l’épervière, (hieracium), la crépide (crépis), etc., etc., sont recherchées par le bétail, tandis que la matricaire (matricaria), la grande marguerite (chrysanthemum), l’arnique (arnica), la centaurée (centaurea), l’immortelle (gnaphalium), la tanaisie (tanacetum), la camomille (anthemis), etc., etc., ne sont broutées par les animaux que lorsque la faim les presse. Nous voyons figurer de même, dans les familles de plantes généralement désagréables aux bestiaux, des espèces qu’ils paraissent manger avec plaisir ; c’est ainsi qu’ils recherchent le liseron (convolvulus arvensis), quoiqu’ils repoussent les autres espèces de la famille des convolvulacées.

» On ne peut jamais conclure des effets que doit produire sur le bétail une plante quelconque, d’après ceux qu’elle produit sur les hommes, car l’on voit fréquemment des