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plantes panaires ou économiques, et la nécessité, pour cela, de diminuer l’étendue des herbages, tout en augmentant celle des engrais, ce qui ne peut se faire qu’en substituant les légumineuses et les racines aux graminées des pâturages.

En résumé, les pâturages, dans l’acception rigoureuse du mot, peuvent donc, ainsi que certaines prairies de graminées, remplacer dans les cultures alternes à long cours les prairies artificielles, qui en font le plus habituellement partie dans les assolemens moins longs. D’après ce qui précède, on a pu déjà prévoir dans quelles circonstances il est nécessaire ou possible d’adopter le premier ou le second système. — En général, les assolemens avec pâturages de quelque durée sont moins profitables, mais aussi ils entraînent moins de frais de toutes sortes que ceux dans lesquels on fait entrer les fourrages légumineux annuels et les racines sarclées ; — ils peuvent être partiellement suivis sur les parties de la ferme où la nature des terres rendrait les autres impossibles ou peu productifs. — Ils conviennent donc particulièrement aux contrées pauvres, peu peuplées, et aux fonds mauvais ou d’une grande médiocrité. — Les assolemens avec prairies artificielles et racines fourragères de courte durée sont ordinairement beaucoup plus productifs, mais nécessitent plus d’avances et de travail. Ils ne se prêtent pas à toutes les localités ; ils sont donc particulièrement appropriés aux cantons déjà riches en habitans et en terrains bons ou de qualité moyenne. — Quant aux prairies artificielles d’une existence durable, telles que les luzernes, il est certain que, là où elles réussissent, elles donnent, sans frais ou presque sans frais d’entretien, des produits bien supérieurs a toutes les herbes de pâturages et de prairies graminées ; mais outre qu’elles ne réussissent pas à beaucoup près partout, nous savons encore qu’il n’est pas sans inconvénient d’user avec irréflexion des avantages nombreux qu’elles présentent dans les localités où on peut les cultiver (voy. l’art. Assolement). Aussi, à côté des prairies légumineuses, dont on verra plus loin que je ne méconnais nullement la prééminence, dans beaucoup de cas, je ne puis admettre, avec quelques théoriciens, qu’il ne reste plus de place utile sur nos guérets pour les graminées fourragères.

iiie sujet. — Des considérations qui doivent diriger le choix des espèces pour la formation des herbages.

Les botanistes qui ont analysé les herbages naturels, dit M. Ch. d’Ourches, les ont distingués en moyens, hauts et bas ; ils ont reconnu que sur 42 espèces de plantes que contenaient quelques prairies moyennes, il y en avait 17 de convenables à la nourriture des animaux, et que les 25 autres étaient inutiles ou nuisibles ; que, dans les hauts pâturages, sur 38 espèces, il ne s’en trouvait que 8 utiles ; — et qu’enfin, dans les prairies basses, il ne s’en trouvait que 4 sur 29. Il résulte de ces expériences, qui ont été faites avec le plus grand soin en Bretagne, ajoute le même auteur, que sur le foin des prairies moyennes, il doit y avoir 5/7 de perte ; plus des 3/4 sur celui des hauts pâturages, et 6/7 sur celui des prairies basses, si l’animal rejette tout ce qui lui est insipide ou nuisible, et qu’il est exposé à quantité de maladies, lorsqu’à la suite de son travail, attaché à un râtelier, la faim le force de manger tout ce qu’on lui donne.

Partout où on a fait de semblables recherches, on est arrivé à des résultats sinon absolument les mêmes, au moins assez analogues pour démontrer jusqu’à l’évidence de quelle importance il peut être, dans un grand nombre de cas, au lieu d’abandonner au hasard la formation des pâturages, de faire choix des plantes vivaces les mieux appropriées à chaque terrain et à chaque localité. — Ceci nous conduit à l’examen d’une question trop neuve encore pour la plupart de nos departemens, quoiqu’elle ait de tout temps fixé l’attention des agronomes et des agriculteurs instruits ; je veux parler du semis des herbages que l’on s’est habitué, dans la plupart des lieux, à désigner comme naturels.

En traitant de chaque culture économique, on a grand soin d’indiquer la nature du terrain qui lui convient, et de conseiller de ne l’entreprendre que sur ce terrain ou tout autre à peu près de même espèce ; — ici, la question doit être posée à l’inverse, c’est-à-dire qu’il s’agit surtout de savoir quelles plantes herbagères peuvent croître profitablement sur des terrains de nature parfois fort différente et le plus souvent de qualité fort médiocre qu’on destine, faute de mieux, à servir de pâturages. À la vérité, à l’exception du roc dénudé de terre végétale, ou des sables mobiles qui cèdent en tous sens aux efforts capricieux du vent, il est peu de sol sassez déshérités de la nature, pour ne pas se couvrir spontanément de végétation ; mais, de ce qui précède, on peut conclure que cette végétation n’est pas toujours la mieux appropriée aux besoins des bestiaux. — Dans ce qui va suivie, je tâcherai de poser quelques règles générales propres à guider le cultivateur dans les essais qu’il jugera convenable de faire, et la marche qu’il devra adopter pour arriver aux moindres frais possibles, à des résultats plus avantageux.

Et d’abord, avant de comparer le mérite respectif des espèces entre elles, il importe en effet de rechercher celles qui pourront réussir dans la localité qu’on leur destine ; car il est telles de ces localités où, à défaut de bonnes plantes, on doit s’estimer très-heureux d’en voir croître de médiocres, et où l’on doit rechercher ces dernières avec d’autant plus d’empressement et de persévérance que le choix qu’on peut faire entre elles est plus limité.

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§ ier. — Du choix des plantes eu égard à la nature du terrain.

Les terrains considères comme les plus propres à établir des herbages permanens, sont de plusieurs sortes. — Les terres fortes, tenaces et froides, d’un travail difficile à l’excès, impropres à la culture de la plupart des racines et des fourrages artificiels, tels que