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rables. La principale, quoique la moins fondée, c’est qu’après les avoir rompus il était difficile de leur rendre plus tard leur valeur primitive, et l’on a cité à l’appui de cette opinion, des contrées dans lesquelles la rente de terrains naturellement fort médiocres avait baissé par suite de la destination des pâturages. Je le conçois si, comme dans les parties les moins fécondes du Norfolk, on a renoncé à l’éducation facile et aux produits assurés des bêtes à laine, pour la culture bien moins lucrative en pareil cas et plus imposée cependant des céréales, ou si, par suite d’un mauvais calcul trop fréquent encore presque partout, on a mésusé de la fertilité lentement acquise, pour obtenir coup sur coup, sans une suffisante addition d’engrais, plusieurs récoltes épuisantes. Mais dans des cas moins exceptionnels et avec une meilleure direction, il en arrivera à coup sûr fort différemment, c’est-à-dire que d’une part les cultures économiques s’amélioreront de la permanence des herbes et du pacage des troupeaux, et que de l’autre les herbes elles-mêmes, lorsqu’on les laissera occuper de nouveau le sol, profiteront incontestablement des fumiers et des façons nécessaires à la belle venue des céréales.

L’origine de toute culture alterne se trouve dans la succession des pâturages et des plantes économiques. D’abord ce furent les pâturages naturels qui succédèrent exclusivement aux céréales ; puis à ceux-ci on en substitua peu à peu d’artificiels, et on appela indistinctement culture alterne avec pâturages tous les assolemens dans lesquels à la suite d’un plus ou moins grand nombre de récoltes, le champ est laissé ou mis en herbages pour être pâturé par le bétail pendant deux ou plusieurs années.

Il est à remarquer que ce système, qui est encore assez irrégulièrement suivi dans diverses parties de la France, et que l’on ne peut guère maintenant considérer chez nous que comme une nécessité locale ou une transition d’un mauvais à un meilleur mode de culture, depuis que nous avons vu prévaloir l’excellente coutume de nourrir le plus possible tous les bestiaux, et même les moutons, à l’étable et à la bergerie, fut introduit il y a environ un siècle et s’est conservé jusqu’ici dans plusieurs contrées de l’Allemagne comme une importante amélioration. — « Les avantages qui résultèrent de ce genre de culture, dit Thaer, principalement sur les domaines fortement épuisés par l’assolement triennal, et qui chaque jour voyaient diminuer l’espace qu’on pouvait fumer, éclairèrent alors tellement les agriculleurs, qu’on envisagea ce système comme le plus parlait de tous ceux qui étaient possibles, et que, dans ces contrées, le propriétaire s’estima heureux que la dépendance absolue des paysans lui permit de réunir d’abord ses champs et de les diviser en soles. Alors seulement on commença à estimer la terre à sa valeur…….. La grande fécondité du terrain reposé, la sûreté, l’abondance des récoltes qu’il donne, la richesse comparative du pâturage qu’on obtient des terrains non arrosés soumis à la culture et qu’on laisse pour quelques années en repos, avant qu’ils soient épuisés ; la supériorité de ce pâturage sur celui des pacages à demeure ; tant d’avantages durent frapper les observateurs attentifs. » — Et cependant, d’après les écrivains allemands, ces avantages sont loin d’être les seuls : les assolemens alternes avec pâturage embrassent dans leur rotation toute l’étendue des terres arables. Celles-là seulement que leur humidité surabondante, ou leur élévation trop grande et leur accès difficile doivent faire laisser en herbages et en bois, doivent en être soustraites. — Ils rendent superflu le pâturage dans les prairies permanentes, — dans les bois, et, dans beaucoup de circonstances, au lieu de diminuer l’étendue des soles cultivées en plantes économiques, ils permettent de l’augmenter non-seulement des pâturages qui auparavant étaient nécessaires à l’entretien du bétail, mais encore et surtout des bois dépeuplés. — D’un autre côté, ils procurent des engrais en plus grande abondance; — le produit des céréales, grâce à la quantité plus considérable de sucs nourriciers contenus dans le sol, est tellement augmenté que, dans la plupart des cas, bien qu’on ensemence une moindre surface, il dépasse cependant celui qu’on peut attendre de l’assolement triennal, puisque, tout calcul fait, on a dû convenir que, dans les mêmes circonstances d’engrais et d’assolement, un champ mis alternativement en culture rapportait après le repos un de plus pour un de semence, ce qui, comme produit net, est d’une grande importance. — « A cela, dit encore Thaer, il faut ajouter l’augmentation que donne sur la rente du bétail une nourriture abondante qui se soutient pendant tout l’été, et qui, soit à cause de la grande étendue des herbages, soit à cause de leur richesse, permet d’entretenir un beaucoup plus grand nombre d’animaux. Ainsi donc, supposé même que le produit en grains ne dût pas être grossi, l’augmentation de la rente du bétail seule, augmentation que personne ne met en doute, déciderait la question en faveur du système de culture alterne avec pâturage. »

Dans les pays où, bonne ou mauvaise, la coutume de faire pâturer les bestiaux s’est conservée, et où l’on élève un grand nombre de bêtes à laine, il n’est pas douteux, en effet, qu’un pareil système, bien préférable partout, à mon gré, à l’assolement triennal, puisse devenir l’un des meilleurs possibles, surtout lorsque la culture des racines fourragères et des plantes légumineuses présente, par une cause quelconque, des difficultés qui l’empêchent totalement ou la restreignent à d’étroites limites. — Ailleurs on peut encore l’adopter partiellement sur les exploitations dont le personnel, le matériel et les capitaux ne correspondent pas à l’étendue, car on ne saurait trop répéter qu’il vaut mieux répartir une faible quantité d’engrais et de travail sur une petite étendue, que de la gaspiller, pour ainsi dire, en pure perte sur une grande. Dans ce dernier cas la culture alterne avec pâturage doit faire place graduellement à la culture alterne avec fourrages artificiels, à mesure que le fermier deviendra plus fort en capitaux et en bras ou en instrumens propres à les remplacer, car alors il sentira la possibilité d’étendre davantage la culture des