aux froids les plus rigoureux, sans se désorganiser, d’où résulte l’immense avantage de pouvoir n’en faire la récolte qu’au fur et à mesure des besoins ; enfin nous verrons plus loin que l’abondance et l’utilité de ses tubercules, de son feuillage et de ses tiges, sont très-grandes.
Le seul inconvénient qu’on reproche avec raison à cette plante, est la difficulté d’en empêcher la reproduction dans les cultures subséquentes ; les plus petits tubercules et même les moindres racines laissées dans le sol suffisent pour produire de nouvelles tiges ; le meilleur moyen pour remédier à cet inconvénient, est de faire pâturer au printemps, par les vaches ou les moutons, toutes les tiges qui repoussent, puis de donner des labours et hersages soignés et énergiques.
Le principal produit du topinambour consiste dans les abondans tubercules, ordinairement de couleur rouge, qui naissent de ses racines. Ils peuvent fournir à l’homme un aliment sain, cuits dans l’eau ou sous la cendre ; leur goût offre beaucoup de ressemblance avec celui du fond ou réceptacle de l’artichaut. Néanmoins leur principal emploi est pour la nourriture des bestiaux. V. Yvart s’est assuré que tous pouvaient s’en accommoder, quoiqu’ils le rejettent quelquefois au premier abord ; mais ils conviennent surtout pour les porcs et les moutons. Daubenton assure même que, pour ces derniers animaux, cette nourriture, fraîche en hiver, est préférable aux choux. On peut les faire consommer par les bestiaux également crus ou cuits ; nous pensons que cette dernière préparation est préférable, la cuisson devant diminuer la qualité aqueuse et détruire le principe acre que ces tubercules renferment nécessairement, la plante ne parvenant jamais à maturité complète. Pour les porcs, on peut leur faire consommer sur place les topinambours en leur faisant déterrer les tubercules.
Du reste, il est très-essentiel d’éviter, en les donnant aux bestiaux, qu’ils aient éprouvé un commencement de fermentation ou de décomposition, qui produit souvent des cas de météorisation très-dangereux. La qualité un peu aqueuse des tubercules en rend même nuisible une quantité trop forte pour les moutons, car le même inconvénient n’existe pas pour les vaches et les cochons. On corrige cette qualité trop rafraîchissante des tubercules pour les moutons, en y mêlant une petite quantité de sel, de baies de genièvre concassées ou de quelque autre substance tonique ; on y obvie surtout en ayant soin de les allier avec la nourriture sèche, et en ne les comprenant pas pour plus de moitié, en poids, dans la ration journalière.
Avant de donner les topinambours crus aux bestiaux, il convient de les laver afin d’en extraire la terre adhérente, et ensuite de les couper avec le coupe-racines ou de les concasser grossièrement.
La qualité nutritive du topinambour n’a pas été rigoureusement établie, et, d’après sa nature aqueuse, on doit la croire assez faible ; cependant Yvart et plusieurs autres agronomes l’estiment à l’égal de la pomme-de-terre pour la nourriture des bestiaux. M. Matthieu de Dombasle y a trouvé sur 100 parties 22,64 de substance sèche, quantité pareille à celle des variétés inférieures de pommes-de-terre.
Le feuillage du topinambour est un fourrage très-recherché par tous les bestiaux, et qui peut être une ressource très-précieuse. M. V. de Tracy en cite un exemple remarquable dans le Cultivateur de mars 1835. Dans sa ferme de Paray-le-Frésil, près Moulins (Allier), dans l’été de 1834, les prairies naturelles étaient desséchées, les trèfles fleurissaient à quelques pouces de terre ; dans cette circonstance, il eut recours aux topinambours, dont la hauteur moyenne était alors de 5 à 6 pieds, et qui présentaient un feuillage de la plus belle verdure. Depuis la mi-août, il fit faucher ces tiges, et, pendant près de deux mois, on en amena chaque jour à la ferme un char du poids de 1500 livres environ ; ce fourrage vert fut constamment mangé avec plaisir par les bœufs de travail. Ce qui mérite d’être remarqué, c’est que la récolte en tubercules ne fut pas sensiblement moindre, sur les parties où les tiges avaient été coupées. Le feuillage des topinambours peut encore être converti en fourrage sec pour l’hiver, comme on le fait de la feuillée des arbres, ainsi qu’il sera expliqué dans le chapitre suivant.
Enfin les tiges du topinambour, fortes et assez dures, fournissent un combustible qui n’est point à dédaigner ; elles brûlent fort bien lorsqu’elles sont sèches, et sont très-propres à chauffer les fours, et à servir de menu bois de chauffage : cet usage parait préférable à celui de les convertir en fumier en les faisant servir de litière aux bestiaux ; on s’en est même servi quelquefois pour échalas, pour tuteurs, pour ramer les pois et les haricots, ou pour confectionner des palissades.
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§ ii. — Sol et culture du topinambour.
Le topinambour s’accommode très-bien de climats et de sols très-divers et très-médiocres. Ainsi M. Vilmorin le cultive en grand, avec un plein succès, dans de mauvais terrains calcaires où l’on a souvent tant de peine à créer des moyens de nourriture pour le bétail. M. Allaire l’a vu très-bien réussir sur le sol crayeux de la Champagne dont on connaît assez l’ingratitude. M. Poyferre de Cère l’a aussi introduit avec un grand avantage sur les landes sablonneuses du dépt auquel elles ont donné leur nom. M. V. de Tracy, dans des terrains argilo-siliceux, très-bien désignés par le nom de terres froides, et reposant sur un banc de glaise imperméable à l’eau, en obtint, sans engrais et presque sans frais, une récolte passable, tandis que les navets, et surtout les betteraves et les carottes, ne donnèrent presque aucun produit ; si l’on fume le terrain, la récolte surpasse de beaucoup, en poids et en volume, celle de la pomme-de-terre.
Cette plante croît assez bien dans les expositions ombragées ; aussi Parmentier conseillait-il d’utiliser en les cultivant les places vagues des bois et les intervalles des allées dans les taillis où il se trouve assez de terre végétale, pendant deux ans dans les bons