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et par conséquent plus de valeur quand on les destine à la vente.

La racine de la carotte étant fusiforme, et pénétrant généralement à une grande profondeur, le sol auquel on la confie doit avoir une couche arable assez profonde pour ne point l’arrêter dans son développement longitudinal. On connaît depuis peu d’années quelques variétés dont les racines se rapprochent beaucoup dans leur configuration de celles de certaines espèces de navets et de raves, et qui par cela même n’exigent pas un sol aussi profond. On peut encore cultiver dans ces mêmes terrains la variété dite blanche à collet vert dont les racines croissent en partie hors de terre.

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§ iii. — Place dans la rotation.

Sous le rapport des assolemens, les carottes laissent au cultivateur bien moins de latitude que la plupart des autres plantes sarclées. En effet, elles aiment à être semées de bonne heure ; dans bien des cas, lorsqu’on en veut étendre la culture sur une grande surface, la terre doit être déjà préparée avant l’hiver, et il n’est pas rare que l’automne empêche le laboureur de faire les dispositions préliminaires qui assurent la réussite de la semaille de laquelle néanmoins dépend tout le succès.

D’un autre côté, peu de plantes agricoles, autant que les carottes, souffrent de la présence des herbes parasites, il est donc indispensable de les placer à la suite d’une récolte qui elle-même ait nécessité cette destruction, ou du moins qui ait été enlevée d’assez bonne heure pour qu’on puisse provoquer la germination des semences que recèle le sol, et pour les détruire ensuite. C’est pourquoi la place qui leur convient le mieux, est à la suite d’une récolte de pommes-de-terre, de betteraves, etc. Il est vrai que, par l’adoption de cette combinaison, on ne peut guère regarder les carottes comme une récolte jachère, mais je n’en suis pas moins convaincu que c’est dans une telle succession de culture que cette plante donne le plus haut produit, et demande le moins de déboursés.

Lorsqu’une pièce de terre, soumise à l’assolement alterne depuis longues années, se trouve amenée à un état suffisant de propreté, on peut y cultiver des carottes après une récolte céréale. Mais il serait imprudent, dans l’état actuel des choses, de conseiller aux cultivateurs triennaux de semer des carottes sur une jachère précédée elle-même de deux récoltes céréales ; les frais de culture se portent, en pareil cas, à une somme si élevée, que cette circonstance seule suffirait pour éteindre chez des hommes naturellement et justement circonspects, tout désir d’amélioration agricole.

Si la carotte est exigeante sous le rapport des plantes qui la précèdent dans une rotation, elle est en revanche très-accommodante pour les végétaux qui la suivent. Elle est pour tous une excellente préparation. Si l’on en excepte le colza et l’orge d’hiver, tous les végétaux aiment à venir à sa suite. On avait cru longtemps que la carotte est antipathique avec elle-même, c’est une erreur. M. Bertier père, bien connu pour les excellentes études qu’il a faites sur cette plante, l’a cultivée trois fois de suite sur le même terrain, sans que pour cela le produit en fût diminué. La carotte a néanmoins une assez grande puissance d’épuisement. Son feuillage assez rare ne lui permet pas de tirer de la couche atmosphérique une grande partie de sa nourriture, ce qui fait qu’à poids égal, elle est plus appauvrissante que la pomme-de-terre. Sous un autre rapport elle est encore inférieure à cette dernière plante. La pomme-de-terre, à une certaine époque de sa croissance, ombrage parfaitement le sol et empêche les rayons du soleil de le resserrer et de le dessécher ; la carotte ne couvre le sol qu’imparfaitement ; son ombrage est impuissant à empêcher la multiplication des mauvaises herbes ; et s’il fallait encore ajouter une raison à celle que je viens d’énumérer, je dirais que les tubercules de pomme-de-terre, dans leur accroissement, soulèvent et divisent le sol, tandis que les racines de la carotte ne font que le resserrer.

Le point de vue sous lequel on a trop souvent négligé de considérer les carottes, c’est celui des avantages qu’elles présentent dans la combinaison des assolemens simultanés, et des ressources qu’elles procurent comme récolte dérobée. À la première époque de sa croissance, cette plante est long-temps faible et chétive. On a imaginé de la cultiver, comme le trèfle, en société avec une autre qui puisse lui procurer un ombrage salutaire sans l’étouffer, et qui mûrisse d’assez bonne heure pour lui permettre ensuite d’atteindre tout le développement dont elle est susceptible. Le lin, la navette, le seigle sont les végétaux qui s’associent le mieux avec la carotte. Après la récolte des premières plantes on arrache les chaumes, on sarcle et on bine. De cette façon la seconde récolte donne quelquefois plus de bénéfice que la première.

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§ iv. — Culture des carottes.

C’est un fait bien reconnu, que la terre qui doit rapporter des carottes ne donnera qu’un produit insignifiant si elle n’est pas bien amendée ; c’est un fait également incontestable, qu’une terre fraîchement fumée avec du fumier d’étable donne aux racines une odeur désagréable ; que les plantes se bifurquent et ont à combattre l’influence des herbes parasites dont le fumier a apporté les germes dans le sol ; et plus d’une fois les carottes, épuisées dans la lutte, ont été forcées de céder la place : c’est ce qui arrive fréquemment quand la main de l’homme ne vient pas à son secours. Placé dans cette alternative, le cultivateur devra fumer abondamment la récolte qui précédera les carottes afin que celles-ci, tout en profitant de l’engrais qui reste dans la terre, ne se trouvent point cependant en contact avec un fumier non décomposé. Si l’on n’a pu se ménager cet avantage, on aura du moins la précaution de n’appliquer à la carotte que des engrais pulvérulens, tels que la colombine, les tourteaux d’huile, la poudrette, le noir animal et animalisé. Afin que ces engrais agissent directement et avec plus d’efficacité, on ne les dispersera pas sur toute la surface mais on